Pour réduire les déficits qui ont explosé et les ramener coûte que coûte dans les normes du pacte de stabilité européen, les autorités françaises envisagent des coupes comme jamais dans les dépenses publiques et la Sécurité sociale.
Coupes dans les budgets publics et dans les prestations de la Sécurité sociale, suppression massive d’emplois de fonctionnaires. Sans le dire, c’est une super-purge que le gouvernement est en train de préparer aux Français. Confrontée à un endettement et à des déficits publics qui ont effectivement explosé, dépassant respectivement 80 % et 8 % du produit intérieur brut (PIB), contre 60 % et 3 % requis par le traité de Maastricht, la ministre des Finances, Christine Lagarde, a annoncé lundi, à l’issue d’une rencontre avec son homologue allemand, Wolfgang Schäuble, qu’elle entendait faire revenir la France dans la norme maastrictienne d’ici à 2013 en pratiquant, dit-elle, « un effort de réduction de plus de 1 % par an » à partir de 2011.
Le premier ministre François Fillon avait déjà évoqué la nécessité d’en passer par une telle « purge », tout en fixant cependant l’échéance à 2014. Depuis, Bruxelles, par le biais de Joaquin Almunia, commissaire européen aux Affaires économiques et monétaires, a tancé la France, insistant sur la date de 2013 et soulignant que des marges existaient « du côté de la dépense ». Compte tenu que le déficit public français devrait être encore de 8,5 % l’an prochain, selon les prévisions du ministère des Finances lui-même, il n’est pas nécessaire d’être un mathématicien pour conclure qu’un retour à 3 % en 2013 signifierait une réduction de près de 2 % par an, bien supérieure donc encore au rythme de 1 % – déjà considérable – invoqué par Christine Lagarde. Nous avons calculé qu’il faudrait ponctionner les dépenses publiques d’au moins 40 milliards d’euros par an. D’où, sans doute, la nécessité, relevée récemment sans rire par le ministre du Budget, d’être « encore plus rapide dans la contrainte ». Et Éric Woerth de mettre les points sur les i : « On doit continuer l’effort que nous faisons sur la masse salariale, c’est-à-dire sur la réduction du nombre de fonctionnaires. » Le propos a le mérite de la clarté : on irait ainsi vers la suppression de dizaines de milliers de postes d’ingénieurs ou de techniciens de l’équipement, d’assistants sociaux, d’enseignants, etc. Une nouvelle « apuration » des comptes de la Sécurité sociale est également dans le collimateur du gouvernement.
Promouvoir à tout prix un euro fort
La démarche n’est pas seulement le reflet d’une volonté d’appliquer à la lettre les dogmes monétaristes qui régissent les pays de l’euro. Même si l’annonce, depuis Berlin, d’un surcroît de rigueur budgétaire à venir de la France ne doit naturellement rien au hasard, la première puissance économique de la zone euro faisant preuve d’une singulière détermination à faire respecter les règles du pacte de stabilité, destinées, on le sait, à promouvoir à tout prix un « euro fort », attrayant pour la place financière européenne. Et cela, en dépit des conséquences pour les exportations de la zone.
Mais la fébrilité constatée autour de la réduction des déficits tient aussi aujourd’hui à la crainte de plus en plus perceptible d’un krach de l’endettement public. Après les retentissantes faillites de l’Islande et de Dubai, des menaces se font jour en effet jusque dans la zone euro. En cause : les politiques très coûteuses qui ont consisté partout à soigner les marchés financiers en les dopant aux amphétamines publiques. Du coup, les États membres les plus fragilisés comme la Grèce, qui affiche désormais un déficit de 12,7 % de son PIB, sont au bord de l’asphyxie. Selon un parallèle très édifiant, ce sont les collectivités territoriales que l’on s’apprête à ponctionner avec le plus d’empressement en France et en Allemagne. Régions et départements de ce côté-ci du Rhin, Länder et communes de l’autre doivent être soumis au régime sec. Leurs rentrées fiscales vont être pareillement ponctionnées (réforme de la taxe professionnelle en France, baisses d’impôts pour les entreprises en Allemagne). Avec des conséquences désastreuses sur le plan social, qui ne seront pas sans effets pervers sur la croissance et l’emploi, qu’elles risquent de plomber pour une longue période. Ces « purges » reviennent plus que jamais à présenter la super-addition de la crise aux populations. Un choix qui n’est naturellement pas sans rapport avec celui des surenchères populistes que pratique Nicolas Sarkozy.