Le nombre des chômeurs a encore progressé au mois d’août, et très fortement pour les seniors. En un an, la hausse des inscrits de plus de cinquante ans a dépassé 16,5 %, tandis que le nombre des chômeurs de longue durée a progressé de 26,7 % en un an. Voilà ce qui creuse le déficit des retraites ou de la Sécurité sociale. Qui croira une seconde que le report de la cessation d’activité à soixante-deux ans et soixante-sept ans facilitera l’entrée des jeunes dans le monde du travail ? La France est déjà, hélas, dans le peloton de tête pour ce qui concerne le chômage des moins de vingt-cinq ans, et sa structure d’emplois se dégrade à vitesse accélérée : 60 % des nouvelles embauches sont réalisées sous statut précaire !
Mme Lagarde peut toujours répéter que « tout va très bien, Madame la Marquise », le schéma qui se dessine est celui de seniors plus longtemps réduits aux allocations et donc à l’insécurité sociale, jusqu’au crépuscule de leur vie, pour ceux qui ont dû l’user dans des travaux pénibles. Quant aux jeunes, leur entrée dans la vie n’est envisagée que dans l’incertitude du lendemain. S’ils ne quittent la maison de papa-maman qu’à vingt-neuf ans en moyenne, ce n’est pas du fait du confortable sans-gêne du personnage du film Tanguy. C’est que, pour la plupart de ces jeunes, les salaires des mois suivants sont hypothétiques et qu’ils savent que des plages blanches les menacent, même pour ceux qui sortent très diplômés des universités. Le cortège des impossibilités de se loger, de se nourrir ou de se cultiver s’allonge alors.
Marx voyait dans les chômeurs « l’armée de réserve » que le capital se réservait pour faire pression sur les salaires et les revendications ouvrières. Désormais, les oligarques qui nous gouvernent veulent étendre à l’ensemble du salariat, ou presque, une précarisation qui le rend plus faible face à leurs exigences. Du chômage à la contre-réforme des retraites, un tableau cohérent se dessine. Les jeunes eux-mêmes semblent en distinguer les contours, ainsi qu’on l’a vu le 23 septembre lors de manifestations auxquelles se sont joints en plus grand nombre étudiants et lycéens. La brutalité de la régression sarkozyenne peut provoquer une prise de conscience citoyenne dont s’inquiètent désormais à mots de moins en moins couverts certains des hauts dirigeants de l’économie et de plus en plus de leaders de la droite. Comme l’écrivait Jean Jaurès, « ils ont laissé pourtant, à travers l’habituel carillon de flatteries intéressées, gémir quelques cloches d’alarme ».
« Génération sacrifiée », la jeunesse subit de plein fouet toutes les tares de cette société, toutes les « ruptures » que l’UMP veut infliger au salariat. C’est dire combien il importe que syndicalistes et progressistes aient une attention aiguë pour sa situation.