Une mission d'information du Sénat fait 17 propositions, mais ne touche pas aux politiques de libéralisation, à la racine du mal.
Urgent, réindustrialiser ! Faisant à leur tour le constat alarmant du recul des positions françaises en matière d'industrie, les sénateurs membres de la « mission d'information sur la désindustrialisation des territoires », dont le rapport a été présenté hier à la presse, sont parvenus sans peine à s'entendre sur cette pétition de principe. Au-delà, tant sur les causes du mal que sur les remèdes, ils ont très vite dû prendre acte de fortes divergences. Pour l'essentiel, en effet, hormis une série de remarques consensuelles sur le besoin, notamment, de « promouvoir une culture industrielle », de mettre en place des « écosystèmes industriels », le texte, présenté par le sénateur UMP Alain Chatillon, et que neuf des membres de la mission, socialistes et communistes, ont refusé de voter, ne déroge pas aux dogmes libéraux. Les pertes massives d'emploi sont imputées, pour une large part, aux gains de productivité, le « coût du travail » est une fois de plus incriminé. La politique de financiarisation, la préférence accordée à la rémunération des actionnaires sur l'investissement et les salaires, sont épargnées. ¶
Les désaccords se sont aussi cristallisés sur la suppression de la taxe professionnelle, jugée bonne pour l'industrie par le rapporteur dans la mesure où elle allège les « charges » des entreprises, et contestée par le président de la mission, Martial Bourquin (PS), car elle prive les collectivités territoriales de moyens d'action économique. Même divergence sur la réforme des collectivités qui aura les mêmes conséquences. S'agissant du crédit impôt recherche, qui constitue à ce jour une manne infondée pour les grands groupes, le rapport se limite à préconiser d'en moduler le taux selon la taille des entreprises. Quant à la problématique globale du financement de l'industrie, l'« audace » du rapport se limite à demander « une réflexion sur l'opportunité de mettre en place un grand pôle public du financement industriel en liaison avec Oseo ». Pas de quoi inquiéter les banques et les amener à faciliter l'accès au crédit. Le rapporteur épingle les entreprises qui délocalisent après avoir reçu des aides publiques, leur demande de s'engager à rester, mais ne va pas jusqu'à reprendre la demande d'un « contrôle des aides publiques » faite par les sénateurs PCF, lesquels ne peuvent que déplorer l'absence de référence au besoin d'un « socle social fort », d'un « renforcement de la démocratie sociale », d'« une juste rémunération du travail », de la maîtrise publique de secteurs clé telle l'énergie, comme conditions du développement industriel.