Flambée de la précarité

precarite.jpg

Flambée de la précarité

 

Le gouvernement se réjouit de la baisse du nombre de demandeurs d’emploi. Mais à y regarder de plus près, ce sont des emplois précaires qui sont surtout proposés.

Xavier Bertrand n’a même pas attendu la publication des statistiques par son ministère. Dès hier matin, le ministre du Travail s’est précipité chez RTL pour se féliciter de la baisse du chômage « pour le quatrième mois consécutif ». Comme à l’accoutumée, Xavier Bertrand ne regarde que la catégorie A, celle des chômeurs qui n’ont pas travaillé. Elle est en baisse de 0,4 % entre mars et avril. Sur un an, elle croit de 0,2 %. Si l’on considère les inscrits sur les listes de Pôle emploi sans aucune activité et ceux avec une activité réduite (catégories A, B, C), la baisse est de 0,2 % sur le mois. Mais sur un an le chômage augmente de 3,3 %.

 Le gouvernement a recours aux contrats aidés

Pourtant, le ministre persiste et signe. « On n’avait pas connu ça depuis le début de l’année 2008, c’est-à-dire avant la crise, et si vous y ajoutez la tendance pour l’emploi des jeunes qui est bonne, l’emploi des cadres qui s’améliore, les heures supplémentaires qui reprennent… On s’aperçoit qu’on est en train de dessiner une sortie de crise. » L’OCDE confirme que le marché de l’emploi devrait « continuer à s’améliorer lentement ».

Xavier Bertrand omet juste de préciser que cette minuscule embellie se fait au prix d’une précarité grandissante. Et qui s’inscrit dans la durée, notamment pour les jeunes, avec le projet de renforcer l’alternance et l’apprentissage avec 800 000 contrats en perspective d’ici 2015. Autre phénomène notable, depuis janvier, le gouvernement a aussi eu recours de façon frénétique aux contrats aidés. Ces contrats uniques d’insertion, contrat accompagnement dans l’emploi (CUI- CAE) financés en partie par l’État, sont passés de 6 000 en janvier 2011 à 132 907 en avril dans le secteur non marchand. Plus de 440 000 sont budgétés pour 2011. Si l’on en croit les Échos, 70 % de l’enveloppe du premier semestre ont déjà été dépensés. Quel effet sur les statistiques du chômage ? Pour Maurad Rabhi, responsable des questions d’emploi à la CGT, « le gouvernement a utilisé cet outil pour donner des signes encourageants au marché du travail, montrer qu’il y a du dynamisme. C’est aussi une pratique qui fait disparaître les chômeurs de la catégorie   A, ils passent dans d’autres catégories. 440 000 chômeurs en moins dans la catégorie A, ça représente une baisse de 0,3  point du chômage ». Pourtant, dans son étude, le conseil d’analyse stratégique (CAS), plutôt aligné sur les positions gouvernementales, constate que ce type de contrat « donne peu de place à la formation et à la certification et conduit moins souvent à l’emploi ordinaire que les contrats aidés du secteur marchand ». Alors le CAS propose de transformer une partie de ces emplois, censés pallier l’insuffisance des créations d’emplois dans les secteurs non marchands, en contrats d’apprentissage. Pour Maurad Rabhi, c’est reculer pour mieux sauter. « Nous avons une explosion de la précarité. Dans tous les cas, ces gens n’ont aucune garantie d’embauche à la fin. » Dans près de 8 cas sur 10, selon la CGT, les bénéficiaires de contrats aidés retournent ensuite au chômage.

Maurad Rabhi craint qu’une fois tous les leviers de la précarité usés jusqu’à la corde, le gouvernement ne manie avec fermeté l’offre raisonnable d’emplois (ORE), créée en 2008 pour forcer les chômeurs à accepter n’importe quel travail. Le 23 mai, Christian Charpy, directeur général de Pôle emploi, avait déjà annoncé que 2000 radiations par mois étaient la conséquence du contrôle sur la recherche d’emploi des chômeurs. Pas de petits profits pour faire baisser les statistiques.

Les seniors très touchés

Le chômage des seniors continue d’exploser. Il augmente de 0,9 % entre mars et avril. Sur un an, la hausse est de 14,1 %. Et la situation ne risque pas de s’améliorer. Le nombre de chômeurs ayant reçu une dispense de recherche d’emploi (DRE) qui permet aux demandeurs d’emplois âgés de ne pas être tenus de fournir à Pôle emploi les preuves d’une démarche active de recherche de travail tout en restant indemnisés connaît une forte baisse. Fin 2010, 266 000 personnes bénéficiaient d’une DRE, contre 324 000 en 2009, comme l’indique une étude du département statistique du ministère de l’Emploi (Dares). Ce sont les premiers effets de la loi d’août 2008 qui a prévu le recul progressif des seuils d’âge d’entrée en DRE avant la suppression du dispositif en 2012. Une mesure aberrante, d’autant que le recul de l’âge de la retraite à soixante-deux ans rajoute encore deux ans de chômage aux aînés.

Posts created 516

Articles similaires

Commencez à saisir votre recherche ci-dessus et pressez Entrée pour rechercher. ESC pour annuler.

Retour en haut