Pesticides: premier procès contre Monsanto, attaqué par un agriculteur intoxiqué



LYON – Un agriculteur charentais a demandé lundi au tribunal de grande instance de Lyon de déclarer le géant américain Monsanto responsable de son intoxication en 2004 par un puissant herbicide, première procédure de ce type en France.

Le jugement a été mis en délibéré au 13 février 2012.

Je souhaite que le tribunal continue au moins les expertises pour confirmer le lien entre mes problèmes de santé et le produit auquel mes collègues et moi avons été exposés, confiait avant l’audience Paul François, 47 ans, devenu le porte-drapeau des victimes des pesticides.

Président de l’association Phyto-Victimes, qui regroupe depuis mai dernier plusieurs dizaines d’agriculteurs atteints de graves pathologies, il a souligné qu’il ne se battait pas seulement pour lui, évoquant d’autres procédures comparables en préparation.

Le 27 avril 2004, le céréalier de Bernac (Charente) avait reçu en plein visage des vapeurs de Lasso, un désherbant produit par le numéro un mondial de l’agrochimie, alors qu’il ouvrait la cuve d’une machine à pulvériser pour vérifier son nettoyage.

Pris de nausées, il perdait connaissance au moment de partir à l’hôpital, avant une succession de troubles énumérés au tribunal par son avocat, Me François Lafforgue: bégaiement, vertiges, absences en conduisant, violents maux de tête, troubles musculaires.

En mai 2005, près d’un an après avoir inhalé les vapeurs, des analyses mettaient en évidence dans son corps des traces de monochlorobenzène, un solvant qui compose le Lasso pour moitié, aux côtés de l’anachlore, son principe actif.

Trois ans plus tard, il obtenait de la justice que ses troubles soient reconnus comme maladie professionnelle par la Mutualité sociale agricole, et lançait une procédure en responsabilité civile contre Monsanto.

Face aux juges, Me Lafforgue a reproché à Monsanto d’avoir tout fait pour laisser le Lasso sur le marché alors que des études relevaient sa dangerosité dès les années 1980, conduisant à son interdiction au Canada, en Angleterre et en Belgique bien avant la France, où il n’a été retiré du marché qu’en 2007.

Par ailleurs, la firme aurait manqué à son obligation d’information en négligeant de détailler la composition du produit sur son étiquette, et en n’avertissant pas des risques liés à son inhalation, ni de l’obligation de porter un masque.

Le conseil de Monsanto, Me Jean-Philippe Delsart, a de son côté mis en doute la réalité de l’intoxication, rappelant qu’il n’y avait aucun témoin, a jugé l’étiquette suffisamment explicite et, surtout, a estimé que rien ne permettait d’attribuer les troubles du plaignant au Lasso.

L’avocat a notamment insisté sur les problèmes de santé survenus plusieurs mois après l’accident, assurant que le monochlorobenzène était rapidement évacué par l’organisme, tandis que l’anachlore n’aurait que des effets cancérigènes, maladie dont ne souffre pas M. François.

Plusieurs dizaines de proches, d’agriculteurs et de militants écologistes sont venus soutenir l’exploitant charentais, notamment à l’appel de la Confédération paysanne, se serrant dans la petite salle d’audience.

Si le juge venait à reconnaitre la responsabilité de Monsanto dans cette affaire, cela constituerait une première et ne permettrait plus aux firmes de se (défausser) sur le gouvernement ou les utilisateurs eux-mêmes, a commenté l’association Générations futures dans un communiqué. 

(©AFP / 12 décembre 2011 17h39) 

 

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