Réchauffement climatique : vives protestations après l’annonce de la sortie du Canada du Protocole de Kyoto


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par Guillaume Duhamel, Mercredi 14 décembre 2011

 

Compte-tenu de la sortie du Canada du Protocole de Kyoto, quand bien même celle-ci ne signifie pas forcément que le pays s’opposerait à un nouvel accord contraignant, l’exploitation des sables bitumineux dans la province de l’Alberta devrait encore avoir de belles années devant elle

Cette décision n’est pas véritablement une surprise, Ottawa ayant défendu depuis le sommet de Cancun (Mexique) l’instauration d’un nouvel accord contraignant davantage adapté à la réalité climatique. Elle n’en a pas moins suscité un tollé auprès des écologistes.

C’est un fait : nonobstant la non-ratification des États-Unis, le Protocole de Kyoto est aujourd’hui obsolète. Le texte fait ainsi de l’Inde et de la Chine – devenue depuis son adoption en 1997 (NDLR : il est entré en vigueur huit ans plus tard) le premier pollueur de la planète – des pays en développement (PED). La « conjoncture carbone » a considérablement évolué ces dernières années, tant et si bien qu’il ne couvre plus aujourd’hui que 30 % des émissions de gaz à effet de serre (GES) mondiales. Partant de là, le Canada mais aussi la Russie et le Japon se sont fermement opposés à sa prolongation, issue qu’a contrario l’Union Européenne (UE) et l’Empire du Milieu, pour des raisons en partie différentes, ont défendu de toutes leurs forces.

Ce sont eux qui ont finalement raflé la mise mais la riposte canadienne n’a pas tardé : parce que « Kyoto ne fonctionne pas » et accessoirement parce qu’il aurait encouru des pénalités pour un montant total oscillant entre 10,3 et 18,7 milliards de dollars canadiens (de 7,6 à 13,8 milliards d’euros environ) s’il avait continué d’en faire partie, ses rejets de CO2 ayant augmenté malgré l’engagement de les réduire de 6 % en 2012 par rapport aux niveaux de 1990, le ministre de l’Environnement Peter Kent a annoncé avant-hier la sortie du pays du protocole. Une première historique qui pourrait inciter d’autres États à faire de même. Le ministre a en tout cas semé le trouble en affirmant que la position canadienne, malgré les dispositions prises lors du sommet de Durban (Afrique du Sud), a reçu le soutien de l’Australie, des États-Unis, du Japon, de la Nouvelle-Zélande, de la Russie mais aussi, plus surprenant voire déroutant, de l’UE. « (Cet accord) n’est pas une voie vers une solution globale au changement climatique, c’est plutôt un obstacle […] Nous croyons qu’un nouvel accord avec des contraintes juridiques pour tous les grands émetteurs qui nous permet, en tant que pays, de créer des emplois et d’avoir une croissance économique est la voie permettant d’avancer », a-t-il résumé.

Le Canada demeurera-t-il un cas isolé ou assisterons-nous au fameux « effet domino », lequel pourrait en l’occurrence, dans le pire des cas, sonner le glas du Protocole de Kyoto sans pour autant déboucher dans l’immédiat sur une « solution de rechange » et dans le meilleur amener la communauté internationale à mettre en place un traité plus réaliste plus tôt que prévu ? Il est encore trop tôt pour répondre à cette question déterminante.

« Ce gouvernement préfère protéger les pollueurs plutôt que les populations »

En attendant, l’opposition et plusieurs associations de protection de l’environnement crient au scandale. « En sortant du Protocole de Kyoto, le gouvernement Harper vient de condamner à mort les populations les plus vulnérables du monde », a notamment commenté Mike Hudema, membre de Greenpeace Canada pour qui « (cette décision) déstabilise la promesse d’une action contre le réchauffement climatique ». « C’est la preuve que ce gouvernement préfère protéger les pollueurs plutôt que les populations », a-t-il ajouté, faisant sans doute aussi référence à l’exploitation des sables bitumineux dans la province de l’Alberta, menace majeure pour les écosystèmes concernés, source de pollutions et de nombreux problèmes sanitaires mais sur lequel les autorités ne semblent pas enclines à légiférer.

Même indignation du côté de l’ONG québecoise Equiterre, dont le porte-parole a dénoncé « la mauvaise foi dont a fait preuve le gouvernement conservateur durant les dernières rencontres internationales sur le climat, visant toujours à faire dérailler une reconduite du Protocole de Kyoto ». Présidente de l’Association citoyenne du Conseil des Canadiens, Maude Barlow a pour sa part déploré que « le gouvernement (ait) transformé le Canada en retardataire récidiviste sur le problème le plus pressant de notre époque », estimant en outre que ce retrait « ne peut que nuire gravement à (la réputation internationale du pays) ».

« Ce qui se passe en réalité, c’est que notre gouvernement se soustrait à ses obligations internationales. Nous sommes comme un enfant qui ne réussit pas en classe et qui préfère abandonner l’école avant que les mauvaises notes arrivent », a renchéri la députée Megan Leslie, porte-parole du Nouveau Parti démocratique. L’ancien ministre de l’Environnement Stéphane Dion et la responsable du parti Vert Elizabeth May ont de leur côté catégoriquement réfuté l’argument financier brandi par M. Kent, évoquant respectivement « un grand mensonge » et « une blague totale ! » « Un pays qui manque sa cible n’a aucune pénalité financière sous Kyoto. Il doit simplement renégocier une cible en conséquence. C’est ce que prévoit le Protocole », a-t-il poursuivi.

Quoique pris la main dans le sac, le gouvernement canadien ne devrait cependant pas faire marche arrière. Officialisée dans le sillage de la conférence sud-africaine, sa décision semble irrévocable. Elle est aussi perçue par certains comme une injure à la population et à la lutte mondiale contre le réchauffement climatique. On peut les comprendre.

 

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