La bataille d’Alexandra pour les victimes d’implants mammaires PIP

| 13.12.11 | 11h26   •  Mis à jour le 13.12.11 | 14h09

Alexandra Blachère déplore le fait que les porteuses de prothèses mammaires défectueuses soient « prises de haut ».Camille Dupuis pour « Le Monde »

Besançon, Envoyée spéciale – Parler cash l’amuse : « On n’est pas des bimbos qui voulaient de gros lolos. » Si Alexandra Blachère tient à préciser que les porteuses de prothèses mammaires défectueuses de la société Poly Implant Prothèse (PIP) ressemblent à « Mme Tout-le-Monde », c’est que depuis qu’a éclaté le scandale, elle a lu bien des commentaires méprisants sur Internet. Ce manque de considération, le fait que les victimes soient « prises de haut », elle le reproche aussi à certains chirurgiens, aux autorités sanitaires et aux pouvoirs publics.

Mercredi 14 décembre, la présidente de l’Association de défense des porteuses de prothèses PIP (PPP) sera reçue au ministère de la santé. Un rendez-vous obtenu en août, qui vient de se muer en comité de suivi avec tous les acteurs du dossier. La révélation de la mort d’une des membres, Edwige Ligonèche, atteinte d’un cancer, n’y est pas pour rien.

Regard déterminé, piercing sur la langue, cette mère au foyer de 33 ans arrivera avec deux revendications : le retrait systématique des prothèses au nom du principe de précaution et le remboursement de la nouvelle pose pour toutes, et non pour les seules femmes ayant bénéficié d’une reconstruction après un cancer du sein. Pour les autres, soit 80% des cas, seul le retrait est pris en charge. « Mais on est toutes victimes de la même fraude », insiste Alexandra.

Souvent, ces femmes ont opté pour des prothèses pour échapper à une souffrance psychologique. Elle sait que beaucoup veulent les faire enlever mais les gardent, n’ayant pas les moyens d’en payer d’autres. Elles vivent dans la peur qu’une prothèse ne rompe et que le gel non médical qu’elle contient se diffuse.

Ses prothèses, la jeune femme les a remplacées. Sa mère lui a prêté l’argent. Elle les avait fait poser en 2008. Sur le site de la société PIP, se souvient David, son mari, c’était écrit : «  Garantie à vie  ». Adolescente, Alexandra avait une belle poitrine. Après chacune de ses grossesses, en 1994, en2001 et 2007, elle a perdu une taille. Ne plus avoir de seins, elle ne le supportait pas. David dit qu’elle en pleurait souvent. L’intérieur de ces deux-là parle pour eux, ils ne sont pas du genre à faire des frais démesurés, mais la décision a été prise : « J’ai payé 3 420euros, la plus grosse dépense de ma vie. La voiture a coûté moins cher! », rigole-t-elle. Elle y a mis ses économies, et fait un crédit. Un cas courant.

Les prothèses ont changé sa vie, le scandale aussi. L’association, elle en a vite vu l’utilité. Depuis, quand un chirurgien refuse de rendre un dossier médical si un autre est choisi pour réopérer; quand un médecin ne veut pas indiquer à une patiente si ses prothèses sont des PIP; quand une caisse d’assurance-maladie refuse de prendre en charge le retrait… elle appelle ou écrit. Son mari, à la recherche d’un emploi après une formation d’installateur en énergies renouvelables, fait le standard si besoin. Il est trésorier de PPP.

Alexandra Blachère ne s’en cache pas, il lui arrive d’orienter des femmes vers des chirurgiens, quand elles lui demandent conseil parce que celui qui a posé les prothèses facture encore des dépassements d’honoraires élevés. Sans son site, sans Twitter, sans Facebook, elle aurait sans doute été moins efficace. C’est par ce biais aussi qu’elle est entrée en contact avec des ex-salariés de PIP, et qu’elle a acquis la conviction que sur les 30 000 Françaises concernées, la plupart portent du gel frauduleux.

Pour peser, elle s’est liée à Michel-Dominique Courtois, médecin à la tête de plusieurs associations, qui l’a orientée vers son fils avocat, dont le cabinet représente les victimes du Mediator. Ensemble, ils portent un regard sévère sur l’affaire. «  C’est un peu comme quand le gentil nuage de Tchernobyl s’était arrêté à la frontière », juge Alexandra. Pourtant, elle reçoit des témoignages de complications. L’ex-serveuse estime que l’impact de la fraude a été minimisé par ceux qui auraient dû réagir plus tôt, l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé et les chirurgiens qui posaient « plein de PIP ».

Les arguments scientifiques, les propos rassurants, le couple n’a jamais voulu s’en satisfaire. « Faut pas être sorti de Saint-Cyr pour se dire que si l’enveloppe de la prothèse a été rongée, tout ce qui sera en contact avec le gel le sera aussi  », lance David. Une autre association, le Mouvement de défense des femmes porteuses d’implants et de prothèses, est plus pondérée. «  Il faut retirer les prothèses, pas affoler, juge sa présidente, Murielle Ajello. C’est déjà dur de vivre avec, il n’est pas utile de réactiver l’angoisse en mettant en avant un décès sans vérification scientifique. »

Denis Boucq, chirurgien d’Edwige Ligonèche, estime que la prothèse et son gel ne sont pas la cause de son cancer, mais l’ont peut-être accéléré. Mais il comprend Alexandra : « C’était le souhait d’Edwige que sa disparition serve les autres femmes. Elle était persuadée que sa prothèse était responsable de sa mort. » Le chirurgien est devenu un allié. Alors qu’il préconisait une surveillance renforcée des prothèses, il réclame désormais leur retrait systématique. Fin novembre, il a opéré une femme sur laquelle en 2009, 2010 et 2011, des examens n’avaient décelé aucune fuite. Il lui a fallu deux heures et demie pour retirer l’une des prothèses. Le gel s’était répandu par grappes jusqu’entre ses côtes.

Laetitia Clavreul

 

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