À Rouen, quand les journalistes entrent en prison…

Chaque année, une trentaine de détenus de la prison de Rouen sont formés au code de la route (photo : A.B).

Chaque année, une trentaine de détenus de la prison de Rouen sont formés au Code de la route (photo : A.B).


Conditions de détention déplorables, problèmes d’hygiène et surpopulation, c’est habituellement en ces termes que l’on entend parler de la maison d’arrêt de Rouen, la prison Bonne Nouvelle. Lundi 4 mars 2013, c’est un message positif que la préfecture de Seine-Maritime a voulu faire passer en conviant la presse à une formation… au code de la route.

Rendez-vous en salle éducative pour rencontrer une dizaine de détenus, pas vraiment au courant de cette visite des médias. « Ils ne seraient pas venus sinon », nous indique Stéphane Gely, le directeur de la prison. À ses côtés, Florence Gouache, directrice de cabinet du préfet et coordinatrice de la sécurité routière du Département.

Objectif affiché : « envoyer au monde extérieur un message positif et faire comprendre que l’on n’est pas en prison seulement pour purger une peine, mais aussi pour préparer le lendemain ».

Armés d’appareils photos ou de caméras, les journalistes font donc leur entrée dans cette petite salle de classe, aux murs décorés de graffitis colorés et de messages inspirateurs : « Free your mind », lit-on ainsi sur un mur (Libérez votre esprit).

« Réapprendre à respecter les règles »

Pour Stéphane Gely, « il existe deux domaines dans lesquels on peut réapprendre aux détenus à respecter les règles : le sport, et le code de la route ».
C’est pourquoi, deux fois par an, la prison organise, avec le Service pénitentiaire d’insertion et de probation (SPIP) des sessions pour préparer les détenus à l’examen. À leur sortie, ils pourront passer la pratique. Pour pouvoir participer, les détenus doivent avoir été condamnés à plus de 12 mois d’emprisonnement, et être volontaires.

« C’est une activité plutôt bien suivie », affirme le directeur de la prison, visiblement satisfait de cette initiative, mise en place pour la première fois en novembre 2010. Fin 2012, six candidats sur 12 ont réussi l’examen. Depuis 2012, ils sont 18 à avoir obtenu le précieux sésame, sur 33 à l’avoir tenté.

Parmi la quinzaine de détenus inscrits à cette session, qui devrait se terminer au début du mois d’avril, près de la moitié a déjà eu au moins une condamnation pour délinquance routière. C’est le cas de Jérôme*, 28 ans, incarcéré depuis près d’un an pour « conduite sans permis après annulation de permis de conduire ». Pour lui, ces sessions organisées deux fois par semaine, le lundi et le jeudi, permettent de sortir de sa cellule.

Ici, pas de DVD qui défile ni de boîtier pour les réponses mais deux intervenants, bénévoles, qui détaillent chaque réponse (photo : A.B).

Ici, pas de DVD qui défile ni de boîtier pour les réponses, mais deux intervenants, bénévoles, qui détaillent chaque réponse (photo : A.B).


Pas « juste du code »

S’occuper, c’est essentiel pour Jérôme. D’ailleurs, il a des activités presque tous les jours : entre les cours d’anglais, de français, le sport et les leçons de code, il trouve que le temps « passe plus vite ». Ce qu’il aime dans les leçons de code données à la maison d’arrêt, c’est surtout tout ce qu’il y a autour.

« Ce n’est pas juste du code, explique-t-il, on nous parle beaucoup de sécurité routière, de prévention, de vitesse, tout est beaucoup plus concret. Des gendarmes viennent parfois nous voir et les cours vont au-delà de la simple leçon questions/réponses. »

Ici, pas de DVD qui défile et pas de boîtier pour enregistrer ses réponses, mais deux intervenants qui lisent les questions et cherchent la réponse avec les détenus, en groupe.

« Participer à ce genre d’activités pour espérer des remises de peine »

« Une relation de confiance s’est installée avec les intervenants, témoigne William*, 25 ans, détenu depuis dix mois pour “des bagarres et des choses comme ça”. Nous sommes obligés de nous soutenir pour faire avancer le groupe parce que pour présenter le code, il faut que tout le monde soit au niveau, on passe tous ensemble ».

William n’a jamais eu le permis. Depuis qu’il est à Bonne Nouvelle, il suit une formation de gestion et de comptabilité. À sa sortie, il aimerait s’inscrire à la pratique et passer rapidement le permis. « C’est le seul bémol, concèdent les deux jeunes gens, on ne peut pas passer la pratique ici, mais bon, évidemment, en prison, il n’y a pas la structure pour le faire ! Et puis participer à ce genre d’activités peut nous permettre d’obtenir des remises de peine. » Si tout se passe bien,  Jérôme devrait sortir en août  et William, à la fin du mois d’avril.

En attendant, les leçons continuent. La routine carcérale aussi. Les surveillants vont et viennent dans les couloirs interminables. Les portes s’ouvrent et se referment dans un bruit sourd. Les détenus enchaînent promenades, activités et journées en cellule. Quant aux conditions de vie des détenus et aux problèmes de surpopulation, ce sera pour une prochaine fois. « Ce n’est pas le sujet du jour », a prévenu le directeur, à la première minute de cette opération de communication. Il y aurait actuellement plus de 600 détenus pour 554 places à Bonne Nouvelle.

 

* Les prénoms ont été changés

Posts created 11333

Articles similaires

Commencez à saisir votre recherche ci-dessus et pressez Entrée pour rechercher. ESC pour annuler.

Retour en haut