Agriculture : la Région Haute-Normandie mise sur l’agro-écologie

L’assemblée régionale a cet après-midi adopté les orientations et les mesures d’une nouvelle politique de soutien à l’agriculture. Je présentais ce rapport. Voici le texte de mon intervention.

“Ce rapport sur la stratégie régionale en faveur de l’agriculture trouve naturellement sa place dans cette session dont l’ordre du jour se partage entre deux thématiques principales : l’éco-région qui oriente peu à peu notre vision de l’avenir et les orientations budgétaires qui sont destinées à présenter l’état de nos réflexions sur les moyens qu’il convient d’allouer à nos ambitions.

Je l’ai déjà dit à cette place : nous avons la chance de vivre dans une région où l’agriculture occupe encore 66% de la surface totale de notre territoire soit 15 points au dessus de la moyenne nationale dont un peu moins de 40% en prairies. Elle pèse 22 800 emplois directs répartis dans 11 500 exploitations.

Cela pourra demain davantage encore être le cas quand l’union des Normandie se concrétisera.

Sous condition toutefois que nous choisissions, de concert, les orientations socio-économiques et agronomiques permettant de relever le défi de la double performance, économique et environnementale.

En effet, nous connaissons aujourd’hui la part d’ombre du modèle agricole intensif qui a longtemps été promu par les pouvoirs publics et par d’influents partenaires privés intéressés : En dix ans, la concentration et la suppression du tiers des exploitations et des emplois, la disparition de certaines productions et d’outils de transformation de notre territoire le recul de 3 % du foncier, l’érosion et l’appauvrissement des sols, le retournement continu des prairies en dépit de leur rôle crucial pour l’alimentation du bétail, l’infiltration des eaux, le piégeage du carbone et de l’azote, et, bien sur, la pollution des rivières et des eaux souterraines par les produits phytosanitaires dont le grand public découvre chaque jour qu’ul s’agit d’un problème de santé publique de première importance.

La déclinaison de l’Eco-région, en matière agricole, c’est donc, la transition agro-écologique.

 La loi d’avenir agricole qui vient d’être définitivement adoptée par l’AN, légitime, pour la première fois dans notre pays, l’approche agro-écologique.

L’agro-écologie c’est une façon de concevoir des systèmes de production qui s’appuient sur les fonctionnalités des éco-systèmes. Elle les amplifie tout en visant à diminuer les pressions sur l’environnement et à préserver les ressources naturelles. Elle remet l’agronomie au centre au centre du système productif et utilise au maximum la nature comme facteur de production en maintenant ses capacités de renouvellement.

Des expériences de + en + nombreuses, y compris dans notre région où nous avons à en connaître de très belles, très éloquentes et très… « permaculturelles », plaident en faveur de cette orientation. Elles font la démonstration que, loin de diminuer la productivité, l’agro-écologie l’accroît, au fil de la restauration des sols, tandis que les ressources humaines retrouvent leur place et tout leur sens dans ces systèmes de production, à la fois plus intensifs en emplois et générateurs de bien être et de fierté au travail, alors que la qualité gustative et nutritionnelle et la sécurité alimentaire sont au rendez vous, pour la plus grande satisfaction des consommateurs.

La loi va faire entrer peu à peu l’agro-écologie dans les manuels et les référentiels de la formation agricole, elle incite et soutient les changements des pratiques professionnelles.

C’est une opportunité qu’il nous faut saisir pour pour élever un peu plus le niveau de qualification des agriculteurs haut-normands, tant en formation initiale que professionnelle et pour donner une nouvelle dynamique au modèle de la ferme normande, productrice d’emplois locaux et de valeur ajoutée pour les territoires ruraux.

L’Eco région en agriculture, c’est, demain, une Normandie qui se positionnerait en ambassadrice de l’agro-écologie, et valoriserait autrement et mieux les remarquables conditions pédoclimatiques dont nous avons la chance de bénéficier.
Ce modèle de ferme normande, il nourrit les imaginaires et il suscite l’adhésion des habitants comme de la profession agricole.

A l’exact inverse des modèles « ferme des 1000 vaches » ou « ferme des 250 000 poules », qui suscitent à juste raison, les inquiétudes et les oppositions, des riverains, des consommateurs mais aussi de la profession agricole.

La majorité des agriculteurs haut-normands, et notamment les éleveurs, ne se reconnaissent pas dans cette industrialisation de l’élevage et n’adhèrent pas non plus à une vision de la méthanisation fondée sur des cultures dédiées dans laquelle la vocation alimentaire de l’agriculture s’estompe au profit de la production d’énergie.

Le développement de ce type d’élevages, contre modèles parfaits, est aux antipodes des objectifs de mutation agro-écologique qui sont le fil conducteur de notre stratégie régionale. Ils ne sont pas les bienvenus en Haute-Normandie. Les dispositifs d’aides, feader et région, en toute cohérence, ne leur seront pas ouverts.

Ce qui vous est aujourd’hui proposé en adoptant ce rapport est de prendre acte du nouveau contexte dans lequel nous intervenons et d’approuver un premier train de mesures.

Nous en avons parlé le 7 avril en examinant les orientations des fonds européens pour la période 2014-2020, la régionalisation des fonds européens via l’autorité de gestion conférée aux Régions change la donne en matière de développement agricole et rural.

Le chapitre purement agricole du feader permettra de mobiliser chaque année une dizaine de millions d’euros « européens » en faveur de l’agriculture haut-normande.

5 enjeux prioritaires sont définis: l’emploi et le renouvellement des générations, la double performance économique et environnementale des filières d’élevage et des filières végétales, les actions agro-environnementales et climatiques, le développement de l’agriculture biologique, la création de valeur ajoutée par la montées en gamme des produits, la transformation et la commercialisation en circuits courts.

Nous avons reçu il y a quelques jours les observations de la Commission européenne sur la dernière version de notre PDR. Nous sommes donc à la dernière étape avant sa validation définitive et sa mise en œuvre.

La stratégie régionale qu’il vous est proposé d’adopter est destinée à agir en complément et en contrepartie des fonds européens, en cohérence avec la loi d’avenir, et à la lumière de nos propres diagnostics et des très nombreuses concertations qui nous ont mobilisés et continuent à nous occuper, élus et services de la région, depuis maintenant une année et demie .

Nous avons en effet co-piloté avec la DRAAF plusieurs concertations initiées par le Ministre de l’agriculture au sujet de l’installation en agriculture, de l’ambition bio 2017, du rôle des industries agro-alimentaires.

Ces concertations approfondies ont permis de mettre autour de la table toutes les parties-prenantes : la profession agricole -consulaires, organisations professionnelles, syndicats, dans la pluralité de leurs représentations – les acteurs de la qualité alimentaire et des circuits courts, les consommateurs, les industriels de l’alimentaire, et bien sur, les services de l’Etat l’enseignement agricole, les Départements, les territoires…

Les nouvelles mesures régionales ne tombent pas du ciel. Elles ont été présentées et discutées avec les organisations professionnelles et syndicales agricoles.

Ils sont toujours associés pour finaliser les cahiers des charges de chaque mesure du PDR.

Je tenais donc à les remercier tous pour leur participation active * et pour leur contribution.

Je me tiendrai maintenant à la présentation des seules mesures régionales nouvelles dont il vous est proposé d’acter la création à partir de janvier 2015. Les dispositifs liés à ces mesures seront annexées au budget primitif 2015 que nous examinerons en décembre.

Ces mesures, complémentaires du PDR, se déclinent pour la plupart, logiquement dans les domaines prioritaires identifiés.

AU TITRE DE LA PRIORITÉ À L’EMPLOI : 60% des exploitations,sont concernées par un départ en retraite dans les 10 ans et 60% de ces exploitants n’ont aujourd’hui pas de successeur connu, cette proportion étant plus forte encore, à 82%, dans les petites exploitations. Le rythme actuel des installations, autour d’une centaine par an ces dernières années, est nettement inférieur aux départs attendus. Cela justifie la priorité accordée par le PDR à la dotation jeune agriculteurs, qui bénéficiera de la ligne de crédits la plus importante.

Plusieurs actions régionales vous sont proposées en complément 

  • La revalorisation de notre «  coup de pouce agricole » afin d’accompagner la diversification croissante des vocations agricoles en aidant les candidats à l’installation non éligibles à la DJA, notamment un public de personnes âgées de + 40 ans en reclassement professionnel ou des jeunes ne disposant pas du niveau d’études requis. Le coup de pouce sera donc sensiblement revalorisé jusqu’à un plafond de 10 500 euros avec une bonification de 1000 euros pour les projets en agriculture biologique.
  • Deux autres dispositifs seront proposés pour faciliter les transmissions : le premier pour favoriser l’accueil parrainé à la ferme pendant un an d’un candidat à la reprise, l’autre pour aider la location temporaire des terres, des bâtiments de ferme et d’habitation. Cette panoplie d’actions, vous l’avez compris est destinée à maintenir l’emploi et à freiner la tendance à l’agrandissement systématique des exploitations qui lui est préjudiciable. D’autres leviers seront actionnés en faveur de l’emploi agricole notamment au travers d’actions collectives destinées à améliorer les conditions de travail des exploitants et des salariés agricoles et à renforcer l’attractivité des métiers agricoles.

LE SOUTIEN À L’ÉLEVAGE sera la seconde priorité du PDRR comme de la politique régionale. Il sera placé sous le signe de la double performance, économique et environnementale. Les investissements qui seront soutenus avec des contreparties régionales seront destinés à améliorer la compétitivité des exploitations en misant sur le facteur environnemental : les élevages liés aux pâtures, la diminution des intrants azotés et phytos pour faire baisser les charges, les cultures alimentaires du bétail sur les exploitations, plutôt que le hors sol, les investissements dans les bâtiments sobres en énergie, les séchages de foin…

Le Ceser a exprimé le vœu que les aides soient concentrées sur les exploitations de taille modeste, il sera rassuré de constater que les règles de plafonnement qui s’appliquaient jusqu’alors à la part régionale des aides par exemple en matière d’unités gros bétail (UGB) seront désormais de mise pour la totalité des aides feader et des contreparties.

Des dispositifs régionaux complémentaires porteront sur

  • Le soutien à la biodiversité animale avec la poursuite de l’action de normandisation des cheptels bovins, des aides directes aux pâtures
  • L’accompagnement des pratiques agro-écologiques par des aides aux premières installations de systèmes agroforestiers sur les fermes et par un co-financement des animations territoriales des MAEC.

L’AGRICULTURE BIOLOGIQUE est la forme aboutie de l’agro-écologie en mettant en œuvre une agriculture respectueuse de l’environnement, de la fertilisation des sols et de la ressource en eau. Après plusieurs années de progression, il s’agit aujourd’hui d’accompagner son changement d’échelle en convainquant le plus possible de nouveaux agriculteurs ou d’exploitants installés de faire ce choix. Dans notre région où pas plus de 1% de la SAU lui est consacrée, la concertation bio initiée par l’Etat et à laquelle nous nous sommes associés a abouti à un consensus général sur une ambition partagée de tripler la SAU dans les 3 ans. Les préconisations issues de cette concertation multi-thématique alimenteront un prochain Plan régional stratégique de développement.

Compte tenu de la faible part régionale de la bio, la mesure dédiée à la bio de notre PDRR permettra de mobiliser les moyens d’un rattrapage, d’une forte dynamique de conversions et la garantie de l’aide au maintien pour tous sur tout notre territoire.

La Région s’engagera en complément pour financer les frais de certification. La plupart des dispositifs du PDRR prévoient de bonifier les aides aux jeunes agriculteurs, et aux producteurs bio. Des aides spécifiques aux investissements de stockage ou de conditionnement de produits frais et de produits céréaliers et oléo protéagineux y sont également inscrites.

Deux actions nouvelles et spécifiques de la Région pourront intervenir en 2015 :

  • La création d’un espace test régional localisé sur plusieurs territoires pour accueillir, former et… tester les candidats à l’installation en maraîchage, en élevage ou en grandes cultures et maximiser les chances de succès de ces projets.
  • La concrétisation avec la SAFER d’une convention dédiée à la prise en charge régionale des frais de portage foncier des projets bio.

Une quatrième priorité concernera L’AIDE AUX FILIÈRES et à leurs actions en faveur de la QUALITÉ ET DES CIRCUITS COURTS. Là encore l’action régionale interviendra en contrepartie des fonds européens en soutien aux investissements de vente, transformation et commercialisation à la ferme. En complément,

  • Nous prévoyons, avec l’appui d’IRQUA Normandie, de soutenir les filières qualité ; la promotion de nos AOC, la reconnaissance de nouvelles AOP, la promotion de la gastronomie normande ainsi que les démarches de progrès qui pourraient être mises en place par les organisations de producteurs, telle la commercialisation d’un label « porc normand dans OGM ».
  • La Région poursuivra de surcroît son soutien aux filières avicoles normandes, au réseau régional des AMAP, à la filière pommologique et s’engagera dans le plan apiculture durable en soutenant l’émergence d’un lien « gagnant-gagnant » avec l’agriculture.
  • Enfin, un nouveau dispositif nous permettra de soutenir les manifestations foires et salons de dimension régionale orientés vers la promotion des produits locaux et de l’agro-écologie.

Le soutien aux INDUSTRIES AGRO-ALIMENTAIRES HAUT-NORMANDES est le cinquième domaine d’action prioritaire régional. 14000 haut-normands travaillent dans la kyrielle de petites entreprises de cette filière, qui comptent pour la moitié d’entres elles moins de 20 salariés. Les secteur est exportateur et peu, insuffisamment tourné vers les filières de production normandes. Pour développer la transformation en région et ouvrir de nouveaux débouchés à l’agriculture régionale un partenariat récemment renouvelé avec la filière Anhoria couvre un programme d’action en faveur de l’emploi, de l’innovation, du développement durable et de l’export. Le lien industrie-agriculture est également porteur de nouveaux débouchés dans le domaine des agro ressources et des éco-matériaux. C’est l’objet du contrat triennal avec l’association Novéatech et des partenariats avec la filière Lin technique via l’association Fimalin et la filière émergente Lin&Chanvre bio, pour ses applications textile et alimentaire en lien avec les producteurs, les coopératives linières et les entreprises de ces secteurs.

L’ensemble de ces mesures en faveur de l’agriculture régionale devraient mobiliser un engagement régional annuel d’environ 4 millions d’euros dès le BP 2015 où seront également inclus la douzaine de dispositifs nouveaux que je vous ai présentés.

L’adoption définitive du PDRR par la Commission européenne, dans les prochains mois, permettra de finaliser la part des engagements de tous les contributeurs (Etat, Agence de l’eau, Départements, collectivités locales) des contreparties au PDRR.

Au total des contributions -européenne, nationales- ce sont environ 20 millions d’euros qui seront disponibles chaque année pour soutenir l’agriculture régionale au titre du second pilier de la PAC.

Je vous demande pour conclure d’approuver ces orientations destinées à conforter le rôle de l’agriculture régionale en saisissant les opportunités offertes par la mutation agro-écologique.”

crédit photo Ferme du Bec Hellouin

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