Contributions d’Elizabeth Labaye
Fonction Publique
Avec le gel du point d’indice, les fonctionnaires n’ont pas été choyés par le gouvernement, même si Marylise Le Branchu fait ce qu’elle peut. Mais qu’un député radical (je n’ose dire de gauche) en rajoute m’oblige à réagir. Les fonctionnaires, ces pelés, ces galeux … absentéistes qui coûtent au pays? Certes le rapport ne dit pas les choses en ces termes, mais après la saignée sarkosyste et les agressions verbales, on pouvait espérer mieux! Rappelons que les fonctionnaires sont en première ligne pour répondre aux besoins, et c’est particulièrement difficile dans cette période. Ils s’efforcent de maintenir le lien social, d’aider les plus défavorisés, de compenser les inégalités, de permettre de se former, de se soigner, d’accéder aux services publics. Tout n’est pas parfait, il est normal de bien utiliser l’argent public, et la Fonction publique ne peut être statique. Mais elle ne l’est pas, et des négociations, parfois difficiles, peuvent permettre au fil du temps de faire progresser le service public en respectant les agents. Un fonctionnaire heureux et en bonne santé sera un agent efficace. Cela suffit d’entendre parler d’absentéisme, sans même tenir compte du % de femmes (qui induit un nombre plus élevé de congés maternité) ni de l’âge (moyenne plus élevée dans la FPT que dans le privé). C’est nier les renoncements aux soins fréquents chez les fonctionnaires territoriaux (trop de petits salaires), et qui ont une incidence sur leur état de santé. C’est refuser de reconnaître la responsabilité des employeurs (les élus) sur les conditions de travail. Qualité du travail et qualité de vie au travail: en parle- t-on dans suffisamment dans nos collectivités? Interrogeons- nous sur les causes des absences avant d’agiter le bâton du jour de carence. Quelle tristesse! Alors que nous avions bataillé (et la ministre avec nous) pour faire abroger cette décision inique, elle revient «à gauche». Et pourquoi vouloir introduire des «ruptures conventionnelles»? Certainement pas pour faciliter la mobilité des fonctionnaires! Il y a bien d’autres mesures pour la faciliter! Quant à la «boite à idées» pour faciliter la GRH… je suggère d’écouter les organisations syndicales qui ont des idées sur le sujet, de créer des espaces et des temps pour que les personnels puissent s’exprimer sur leur travail et faire des propositions. Pour l’essentiel, les préconisations de ce rapport ne prennent en compte ni les besoins des populations (on peut se demander pourquoi nos élus ont «tant» embauché -si ce n’était pas pour servir la population),ni les fonctionnaires eux-mêmes. Je me demande qui va voter pour nous en 2017(et avant…)
Accès aux soins
Des choses positives dans le projet de loi: mesures de prévention notamment et généralisation du tiers payant. Mais il faut plus de courage dans la lutte contre les dépassements d’honoraires, car le système mis en place est inefficace voire contre- productif. Il est urgent de revenir sur le sujet. De manière générale, le parti doit être plus offensif sur les questions de santé et d’accès aux soins. Il faut réfléchir sur la pertinence et l’efficacité de notre organisation (articulation ville/hôpital) et sur le paiement à l’acte, évidemment productiviste. Il faut mieux différencier dans notre discours et dans les mesures prises, les assurances privées et les mutuelles solidaires à but non lucratif. Alors qu’il était annoncé une généralisation de l’accès à une complémentaire, il semble que s’amorce un recul. Les renoncements aux soins risquent donc de s’accroître. Nous ne pouvons pas fermer les yeux sur ce risque. Avec l’éducation, la santé doit être une priorité dans le combat pour l’égalité.
Une école bienveillante pour les élèves et les personnels.
La refondation est en marche. Dans quelques années, on constatera le bénéfice des nouveaux rythmes. Le chantier de l’éducation prioritaire est en cours. Les enseignants sont consultés sur les programmes école-collège (encore faudra- t- il en tenir compte !). La question de l’évaluation des élèves a été lancée, et on parle de suppression du redoublement. Oui, il faut avancer : prof principal au collège et au lycée, je me suis battue contre les redoublements, d’ expérience très peu efficaces sauf au cas par cas avec des élèves motivés. Les élèves «sauvés» d’un redoublement forcé, ont leur bac (pas glorieusement, mais qu’aurait permis un an de plus?).Cela suppose des moyens adaptés -aide réellement individualisée, tutorat… Surtout, le regard qu’on porte sur les élèves est décisif: ils sont bien meilleurs qu’ils ne le croient! C’est à nous de le leur dire. Pour les enseignants, il faut faire plus: les conditions de travail ne s’améliorent pas, des classes surchargées en lycée, des difficultés d’organisation en écoles, un alourdissement du travail pour les directeurs/trices. Des hiérarchies intermédiaires – parfois formatées sous Sarkozy- crispent le climat scolaire. Au delà, l’école est impactée par le contexte socioéconomique; la persistance de l’échec scolaire blesse les collègues qui vivent le difficilement. Ils sont en permanence confrontés aux débats qui traversent la société (voile, genre..) Aussi, le mal-être voire la souffrance au travail se diffusent. Pour faire du bon travail, les profs surinvestissent. Et vivent douloureusement ce qu’ils perçoivent comme leur propre échec. La qualité du travail, la qualité de vie au travail passent par l ‘expression des personnels sur leur travail. Il y a urgence à agir, à valoriser ce métier, sa rémunération. Vincent Peillon a fait évoluer «le décret de 50» dans un dialogue social constructif avec les OS. Il faut continuer cette démarche: refonder l’école ne se fera pas sans les enseignants, encore moins contre eux. Or, ces métiers vont être bouleversés par l’école numérique. Les formations technologiques et professionnelles doivent s’adapter aux besoins nouveaux de l’économie et impliquent des changements de contenus et de pratiques. Parce qu’ils doivent maitriser et rendre accessibles des connaissances en mouvement, les professeurs doivent être recrutés à un haut niveau, bénéficier d’une formation initiale solide et d’une formation continue obligatoire, être encouragés aux démarches pédagogiques innovantes. Si l’on ne veut pas échouer à recruter les fameux 60000 enseignants, démontrons qu’enseigner est toujours un beau métier!
Conforter l’état social pour redonner du sens à l’impôt
Face à «l’impôt bashing» imprudemment développé y compris à la tête de l’Etat, il me semble important que soit redonné un contenu visible à l’état social, que nous devons promouvoir. La rengaine «on donne trop à l’état», ce qui enlève du «pouvoir d’achat» devrait davantage être combattue, non seulement de manière théorique mais en démontrant à quoi sert l’impôt. Ceux qui déclarent une overdose d’impôt ont-ils aussi une overdose de services publics? Ceux qui veulent plus de policiers dans leur quartier, moins d’élèves dans la classe de leur enfant, etc… font- ils la relation avec l’impôt qu’ils paient-ou non d’ailleurs? Il est urgent de remettre l’état social au coeur de notre projet, de le moderniser pour qu’il soit plus efficace, plus juste, proche des gens et utile à tous.Cela peut supposer de réorienter, de supprimer, de créer des missions de service public. Pour qu’il fonctionne, on a besoin de l’impôt. Pour que celui -ci soit supportable et accepté, il doit être payé par le plus grand nombre et progressif. C’est pourquoi il fallait une réforme fiscale (type fusion de l’IRPP et de la CSG). Aujourd’hui, les mesures prises (dans le souci louable d’aide aux plus modestes) non seulement ne redonnent pas de la progressivité, mais créent un fossé entre ceux qui estiment «payer toujours pour les autres» et ceux qui seraient «assistés». Comme le bouclier sanitaire ( proposé par Martin Hirsch il y a quelques années) portait en germe un risque pour la sécurité sociale, on voit bien aujourd’hui que se forge une sorte de bouclier social dangereux pour les solidarités. Celles-ci se délitent, chacun se dit prêt à supprimer les «acquis» qui semblent profiter à d’autres. Renoncer à l’universalité -contributive et redistributive- déstabilise le principe vertueux de la contribution; assécher les ressources publiques affaiblit l’état social et ses capacités, mécontentant alors le contribuable et renforçant son hostilité à l’impôt. Certes, il faut préserver le pouvoir d’achat individuel (c’est d’abord sur les salaires et l’emploi qu’on doit agir), mais le pouvoir d’achat collectif de biens et de services publics, durables, qui renforcent le lien social, ce n’est pas mal non plus! Pour une société respectueuse de l’environnement, moins gaspilleuse, plus partageuse, citoyenne et solidaire, construisons un pacte social pour le XXIeme siècle à partir des besoins nouveaux des personnes et des territoires. Si les objectifs sont partagés, la contribution de chacun apparaîtra légitime à tous.