Ségolène Royal a ajouté une publication de 5 avril, 12:00 à son journal.
Aujourd’hui, à 12:00 ·
Assemblée générale de France Nature Environnement
Intervention de Ségolène Royal,
Ministre de l’Ecologie, du Développement durable et de l’Energie
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs,
Chers amis,
Je suis très heureuse d’avoir pu répondre à votre aimable invitation et je vous remercie, Monsieur le Président, de vos mots de bienvenue.
Je tenais à dégager, dans un emploi du temps qui me laisse peu de répit depuis ma toute récente prise de fonction, le temps de venir vous saluer et souhaiter d’excellents travaux à votre Assemblée générale.
Nous nous connaissons de longue date.
D’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours pu apprécier
la mobilisation citoyenne de vos associations,
le travail que vous accomplissez sur le terrain et dans les nombreuses instances nationales de concertation auxquelles vous participez,
votre capacité d’expertise, de sensibilisation et de proposition.
Et cela sur l’ensemble des sujets qui ont à voir avec la protection de l’environnement, la prévention des risques, la lutte contre les pratiques prédatrices et polluantes ainsi que, plus largement, avec l’impulsion d’autres manières de produire, de consommer, de se déplacer, d’habiter constitutives d’une mutation écologique, donc également économique et sociale, qui réponde aux urgences du temps court et aux exigences du temps long.
Car nous partageons, je crois, cette conviction :
bien sûr, il faut des politiques publiques volontaristes,
bien sûr, il faut des règles claires,
mais notre pays ne réussira pleinement sa transition écologique que si chaque citoyen et chaque citoyenne en font aussi leur affaire dans la vie de tous les jours.
I.- Un partenariat de longue date avec Poitou Charentes Nature
Dans ma région, nous y avons travaillé ensemble depuis 10 ans avec Poitou-Charentes Nature, avec ses présidents, notamment Pierre Guy que chacun connaît ici, Marie Legrand qui s’implique aujourd’hui au CESER .
Je pense, par exemple, au Plan d’action pour la préservation de la ressource en eau que nous avons élaboré et mettons en œuvre ensemble.
Je pense à la collaboration très fructueuse que nous avons nouée dans le cadre de notre Plan régional pour la biodiversité, pour la réalisation d’inventaires de la faune et de la flore, pour la protection d’espèces animales et végétales menacées, pour la reconquête de la diversité des paysages et la mise en place de la Trame verte et bleue, pour l’agriculture biologique et des terres saines sans pesticides, pour l’éducation à l’environnement des élèves de nos écoles et la sensibilisation des habitants de nos territoires, pour le soutien au Réseau partenarial des acteurs du patrimoine naturel et bien d’autres choses encore.
Il y a 4 grandes familles d’action en collaboration entre Poitou-Charentes et la Région :
– les inventaires naturalistes (faunistiques et floristiques) : connaître pour protéger
– les actions de conservation de la nature, par exemple : les actions de conservation de l’écrevisse à pattes blanches (crustacé d’eau douce des rivières de première catégorie, espèce menacée au niveau national), les actions de conservation de plantes menacées (ex : orchidées, où Poitou-Charentes est une région intéressante sur l’ouest pour les orchidées) et deux centres de reproduction d’espèces menacées : pour l’outarde, pour le vision d’Europe.
– les actions d’éducation à l’environnement avec les écoles et les habitants
– les actions pilotes de conservation de la nature : par exemple les actions autour de l’agriculture et de la biodiversité (pendant 5 ans, les associations environnementales travaillent avec des agriculteurs bio, durables ou intensifs pour recréer de la biodiversité dans leurs exploitations), la restauration des gravières du site de St Cyr (dans la vienne) dont une partie est devenu un espace protégé, avec visites, découvertes, observations…
Poitou Charentes Nature a coordonné dans ce cadre une collecte exceptionnelle et massive de données naturalistes (1,6 millions de données) qui ont été mises en ligne sur le site de l’Observatoire régional de l’environnement afin que tous les citoyens puissent avoir accès à ces informations.
II.- Biodiversité : 1992 et 2014
La loi sur la biodiversité, qui introduit une vision dynamique des écosystèmes et la notion de solidarité écologique, va permettre d’approfondir ce travail à l’échelle nationale, avec la création d’une nouvelle instance de concertation, le Comité national de la biodiversité, d’une instance d’expertise, le Conseil national de protection de la nature, et, comme le Président de la République l’avait annoncé lors de la 1ère Conférence environnementale de 2012, de l’Agence française pour la biodiversité qui dotera la France d’un opérateur intégré.
J’étais en 1992 à Rio où fut conclue la Convention sur la diversité biologique, je me réjouis que la France s’arme de nouveaux outils pour protéger et valoriser ce bien commun qui constitue, dans l’Hexagone et dans les outre-mers, une richesse patrimoniale et un atout économique.
III.- Elaboration et évaluation des politiques écologiques publiques :
le rôle essentiel du mouvement associatif
Je sais combien France Nature Environnement est activement partie prenante du dialogue environnemental et engagée dans les travaux du Conseil national de la transition écologique.
Le temps est à l’efficacité et à la morale de l’action publique.
Le temps est à l’association des citoyens aux décisions qui les concernent. Et le rôle du mouvement associatif est ici essentiel pour la Démocratie participative.
Le temps est à l’élaboration et à l’évaluation collectives des politiques d’intérêt général.
C’est, de nos jours, la condition pour imaginer des solutions novatrices et courageuses, pour agir juste, pour rectifier ou amplifier en chemin ce qui doit l’être, et pour obtenir de vrais résultats.
Dans le domaine dont j’ai la charge et pour l’accomplissement de la mission passionnante qui vient de m’être confiée, je considère comme une chance de pouvoir compter sur votre vigilance, sur votre indépendance, sur votre engagement écologique.
Je tiens d’ailleurs à saluer ici le remarquable travail que vous accomplissez depuis bien longtemps sur la question, majeure, des relations entre la santé et l’environnement, des risques sanitaires avérés et émergents, de la qualité de l’air et de l’eau, des pollutions chimiques responsables de pathologies pour celles et ceux qui y sont exposés.
Protocole de recherche, financé par Poitou-Charentes sur les conséquences des pesticides sur la santé, un sujet qui ne doit plus l’être.
Sur tous ces sujets et bien d’autres, nous allons travailler ensemble – j’ai presqu’envie de vous dire : nous allons combattre ensemble.
Sans confusion des rôles mais avec une ambition commune : que notre pays mobilise ses intelligences, ses talents, le potentiel d’innovation qui est le sien et tout le courage dont il est capable pour réussir sa grande transformation écologique.
IV.- Le progrès humain sera écologique ou ne sera pas
Je vous le dis comme je le pense : dans l’époque qui est la nôtre, le progrès humain sera écologique ou ne sera pas.
Le progrès économique passe aujourd’hui par la croissance verte, avec des éco-industries, des éco-matériaux et des éco-procédés performants dans tous les secteurs d’activité, avec la chimie verte, les transports propres et les véhicules électriques, avec la création de nombreux emplois durables et le parti-pris d’une économie circulaire qui préfère le recyclage aux gaspillages.
La croissance prédatrice et indifférente à ses impacts négatifs sur la nature et sur les vies humaines se révèle aujourd’hui contre-productive.
Le système productiviste et financiarisé détruit des emplois et des valeurs. A nous de hâter l’avènement d’un nouveau modèle qui rééquilibre les relations entre l’activité humaine et la biosphère.
Le progrès social, c’est le droit à un environnement sain, à une eau et à un air non pollués. C’est le droit de chacun au bien-être et à la santé.
Ce sont aussi des gains de pouvoir d’achat avec les économies d’énergie qui permettent d’alléger les charges des ménages et avec ces circuits courts qui facilitent l’accès à une alimentation de qualité en mettant directement en contact les producteurs et les consommateurs locaux.
Le progrès écologique, qui valorise la sobriété énergétique et promeut activement les énergies renouvelables, c’est une conception enrichie du progrès humain pour une civilisation capable de penser et de renouer des liens équilibrés entre les activités humaines et leur milieu environnant.
C’est une conception de l’émancipation qui ne repose plus, comme ce fut longtemps le cas, sur un dualisme et même un antagonisme entre l’homme et la nature mais sur la claire conscience des relations de réciprocité qui doivent être préservées.
Ce défi écologique, vous le savez bien, vous, n’est pas une contrainte mais une chance. Il n’est pas un problème supplémentaire entravant le pays mais une partie essentielle de la solution pour aller de l’avant en mobilisant tous les savoirs et les savoir-faire de nos chercheurs, de nos innovateurs, de nos entrepreneurs, de nos territoires, toute l’énergie de citoyens qui sont parfaitement conscients des enjeux mais se sentent parfois impuissants, toute la compétence et la détermination d’associations qui sont bien plus que des lanceurs d’alerte : des acteurs et des accélérateurs des changements nécessaires.
V.- Démocratie écologique
C’est aussi une formidable occasion de revitaliser notre démocratie.
La démocratie écologique commence, pour moi, par le partage des connaissances et un partenariat actif avec les mouvements associatifs. Et un dialogue constant qui peut être rude s’il est sincère et s’il s’appuie sur des données objectives et un état des lieux partagé.
Dans un monde incertain où les choix technologiques prêtent à controverses et où asséner des certitudes arrogantes n’aide ni à réparer le présent ni à préparer l’avenir, le débat démocratique peut retrouver une nouvelle vigueur et prendre aussi de nouvelles formes.
Toutes les questions écologiques font le lien entre la vie quotidienne de chacun et les enjeux planétaires et rendent, par là-même, ces derniers plus palpables, plus compréhensibles, plus accessibles à la discussion et à la délibération démocratiques. A condition que les informations ne restent pas le monopole de quelques uns et que les conditions d’un débat équitable soient réunies, toutes choses auxquelles vous contribuez puissamment.
Agir énergiquement et mobiliser toutes les forces vives du pays pour approfondir et accélérer une transition écologique qui soit bénéfique pour tous les Français, telle est ma feuille de route.
J’ai confiance dans la capacité de la France à se réinventer avec créativité et à devenir une des premières puissances écologiques d’Europe.
Ce grand dessein a besoin de vous.
Je compte vraiment sur vous pour que nous le réussissions ensemble.
Je vous remercie et vous dis à très bientôt.