Le 24 juin dernier, je m’en vais jeter un oeil à un salutaire billet consacré aux web-séries sur Séries Chéries. Parmi les web-séries présentées, the kidults :
Dans la salle de bains des Kidults, il se passe vraiment beaucoup de choses : on y prend sa douche et on s’y lave les dents, certes, mais on y discute aussi du sens de la vie, de l’amour et des crèmes hydratantes. Les personnages ? Des colocataires plus ou moins bobos et carrément adulescents, qui chantent comme la Reine des Neiges quand ils ne parlent pas de sexe. L’innovation ? Pas d’épisodes ni de saisons prédéfinis, mais des tranches de vie que vous regardez quand vous voulez, dans l’ordre que vous voulez, sur la chaîne youtube et sur le tumblr. Les intrigues suivies, comme les relations amoureuses, se laissent aisément deviner, et on flâne sans peine parmi les gifs et les vidéos.
Lecteur aimé et adulé, sans te mentir, the kidults c’est la première véritable web-série de l’histoire du web et des séries, la première à proposer un format exclusivement viable sur l’internet, la première à ne pas courir aveuglément derrière la télé. En plus de ça, c’est bien. C’est frais, c’est attachant. Tu sais comment je suis, moi, quand c’est comme ça, j’ai envie de causer avec le chef, Arthur Vauthier.
Gibet : Quelle est ta formation ? Tu peux me présenter le reste de l’équipe ?
Arthur : Pour ma part, j’ai fait un master réalisation en fac de ciné. Yohann est comédien, Sarah monte sa boîte et Lucas travaille dans la culture. Nous sommes tous amis, rencontrés en soirée, dans le cadre du travail, ou sur le tournage des kidults. Il n’y a pas de technicien dans l’équipe, nous travaillons avec un minimum de moyens : une petite caméra, et je me charge du montage. Contrairement à ce qu’on pourrait croire, cette étape est assez chronophage car la masse de rushs est énorme.
Gibet : Comment est née the kidults ? L’idée du format était là dès le début ?
Arthur : Nous avons tâtonné pendant un an, fait des essais dans plusieurs lieux, pour finalement ne garder que la salle de bain. Ce format, dont nous nous sommes écartés à plusieurs reprises au cours des essais, était pourtant mon idée de départ : j’avais pris l’habitude de regarder des sitcoms américaines à travers les vidéos que les fans postaient sur YouTube (extraits, meilleures répliques, zappings de scènes cultes, etc.), je ne comprenais rien à l’histoire de ces séries mais ça n’avait pas d’importance, je trouvais ça assez marrant ; j’ai eu envie de reproduire ce dispositif, inviter les spectateurs à se perdre d’extraits en extraits, sans proposer une trame narrative toute tracée. L’idée d’associer des gifs animés aux vidéos est venue plus tardivement.
Gibet : Pourquoi avoir choisi the kidults comme titre ? À mes yeux, c’est le point faible de la série, car il biaise le regard – au lieu de nous faire entrer dans ton univers vierges et libres de réagir comme on veut, il pose déjà une sorte de jugement moral sur les persos, il va falloir les regarder comme des gens immatures, qui doivent grandir.
Arthur : Cette idée est complètement assumée et tant mieux si elle oriente la lecture des personnages. Ces quatre colocs sont souvent gamins, ils n’ont pas envie de grandir et préfèrent faire les fous, la fête, vivre ensemble. Je n’irais pas jusqu’à poser un jugement moral sur eux, d’autant qu’aujourd’hui tout le monde est un peu adulescent. C’est le thème sous-jacent de la web-série, chaque épisode peut être lu à travers ce prisme. Est-ce qu’ils vont grandir, comme dans les sitcoms sur des groupes d’amis, où chaque épisode permet d’apprendre et de s’améliorer ? Pas sûr. Dans la vie je pense qu’on change beaucoup, mais qu’on refait souvent les mêmes erreurs. Les quatre kidults seront probablement comme ça, un peu gauches en amour comme en amitié, ils auront toujours des trips de grands ado et joueront à être des adultes. Beaucoup de gens nous disent qu’après avoir visionné quelques vidéos, on a l’impression de connaître la petite bande, de faire partie de leurs amis, de s’attacher à eux. Moi aussi, je les aime beaucoup, évidemment.
Gibet : Oui, mais j’ai toujours l’impression que quand on qualifie quelqu’un d’immature – ce que tu fais avec tes personnages en les rangeant dans la catégorie des kidults – ça appelle immédiatement l’injonction « Grandissez ! » – donc forcément à un jugement moral, qui part du principe que c’est mieux d’être mature qu’immature et donc que tout ce qui est immature est condamnable. Du coup, si je comprends bien, tu donnes simplement l’immaturité comme un fait, sans jugement positif ou négatif ?
Arthur : Disons que ça n’est pas une immaturité permanente. C’est plus une difficulté à se projeter dans une image d’adulte. Et une nostalgie qui fait que l’enfance, en réalité, ne s’en va pas tout à fait et permet de garder une part de légèreté, d’émerveillement.
Gibet : Tu regardes des web-séries ?
Arthur : J’en regarde peu. J’ai un faible pour La vie absurde de deux connards et Les Showrunners, dont les comédiens et auteurs sont des amis à moi. Ils feront peut-être une apparition dans notre salle de bain un de ces quatre…