Bonus écornés, spéculation épargnée
Finance . Les mesures annoncées mardi concernant les traders laissent entier le coeur du problème : la préférence des banques pour la spéculation.
Hormis à l’UMP et au Figaro, dont la une était barrée, hier, d’un très ronflant « Sarkozy fait plier les banquiers », les annonces faites, mardi soir, par le chef de l’État au sujet des bonus des traders et de la distribution du crédit n’ont soulevé aucun enthousiasme. Significativement, les deux organisations patronales, MEDEF et CGPME, s’offraient même le luxe, hier, dans leurs réactions, de ne pas dire un mot sur ce qui est censé symboliser le mieux cette « victoire » sur les banquiers : les mesures réglementant les bonus. La principale disposition consiste en un étalement dans le temps du versement de ces primes. En pratique, et « afin qu’elles correspondent à des bénéfices effectivement générés sur une longue période », selon le directeur général de la BNP-Paribas, Baudouin Prot, le paiement des rémunérations variables sera étalé sur trois ans : un tiers la première année, les deux tiers les deux années suivantes. Et « si les performances ne sont pas au rendez-vous dans la durée, la partie différée du bonus ne sera pas versée », a expliqué Nicolas Sarkozy.
L’écume des choses
« Pas de bonus sans malus, ce n’est pas à tous les coups on gagne », a claironné le chef de l’État, après s’être dit « scandalisé de voir les leçons de la crise si vite oubliées par certains ». Pour faire bon poids, Nicolas Sarkozy a ajouté que, si les banques ne se pliaient pas à ces règles, elles seraient « sanctionnées » par l’État qui ne leur accorderait plus « aucun mandat » (comme le placement des obligations émises par l’État). Enfin, ne craignant pas de s’autoproclamer, de fait, le président le plus vertueux de la planète, il se propose de faire adopter ces règles par ses homologues du G20.
Bilan ? Pas « grand-chose de nouveau » par rapport à « ce qui existait déjà comme code de bonne conduite de la profession », pas suffisant en tout cas « pour limiter les montants de bonus distribués », juge la CFDT des banques. De son côté, Jean-Claude Mailly, pour FO, pointe la « grande différence entre les propos et ce qui est proposé », et exprime un « doute » sur l’effet dissuasif des nouvelles mesures. « Extrêmement sceptique » lui aussi, Jean-Christophe Le Duigou, pour la CGT, veut surtout mettre en garde : « N’est-on pas en train de traiter l’écume des choses ? Les traders ne font que gérer des marchés et des produits mis au point et développés par les banques. » Et le dirigeant CGT de désigner le « fond du problème » : « Les banques ont quitté leur coeur de métier. Aujourd’hui, seulement 20 % des ressources des banques proviennent de la distribution de crédits », le reste étant tiré de leurs activités purement financières.
Peser sur la gestion
Or, s’il le voulait, l’État, qui détient, entre autres, 17 % du capital de la BNP, 8 % de la Société générale, « aurait les moyens, en tant qu’actionnaire, de peser sur la gestion des banques », quitte, pour cela, à « demander à être représenté au conseil d’administration », fait valoir le syndicaliste. De même, la création d’un pôle public financier, appelée par beaucoup parmi les syndicats, donnerait aux pouvoirs publics un instrument pour réorienter l’activité bancaire en faveur de l’emploi et de l’investissement productif. Plus efficace, sûrement, que le énième appel, lancé lundi par Sarkozy aux banquiers, à « accorder une attention particulière au financement des PME ».