BERNARD THIBAULT. Pour avoir enfin une véritable politique industrielle en France
SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DE LA CGT.
LA CGT APPELLE À LA MOBILISATION ET FAIT CINQ PROPOSITIONS
La CGT appelle à la mobilisation et fait cinq propositions Il y a des raisons d’être inquiets de l’avenir de l’industrie en France. Plus de 20 000 emplois sont détruits tous les mois dans ce secteur sans compter l’effondrement de l’emploi intérimaire. La crise a accéléré le processus de désindustrialisation qui était en cours depuis 2 décennies. La CGT s’est trouvée souvent seule pendant cette période à défendre emplois et activités.
Le discours a brutalement changé avec la crise. Plus personne ne pense qu’un pays moderne puisse se passer d’un socle industriel solide. Le Gouvernement a décidé de lancer « Les Etats Généraux de l’Industrie », reprenant ainsi une exigence posée de longue date par la Cgt. S’agit-il d’un nouveau coup de communication ou bien la manifestation d’une volonté de s’attaquer à une question économique et sociale stratégique ? C’est à l’issue du processus que l’on pourra juger des intentions. Les salariés en ont assez d’être les victimes expiatoires que l’on sacrifie dès que les choses vont mal. Ils le disent avec colère parfois. Non sans raisons. Depuis 25 ans, on leur oppose l’argument du coût de la main-d’œuvre que tout un chacun sait erroné : l’Allemagne a su préserver sa base industrielle avec des salaires plus élevés ! Il faut donc sortir du débat tronqué sur le coût du travail.
Pendant 20 ans la France a perdu toute vision industrielle. Nous en payons le coût aujourd’hui. La Cgt met en avant 5 priorités constituant les bases d’une politique industrielle cohérente.
La clé de l’avenir de l’industrie, ce sont les hommes et les femmes qui y travaillent ou qui viendront y travailler. C’est pourquoi il faut refuser les licenciements tant qu’il n’y a pas de possibilités concrètes de reclassement. Nous proposons la mise en place d’une sécurité sociale professionnelle. Elle peut être mise en œuvre immédiatement dans les bassins industriels, alliée avec un plan de formation et de qualification sans précédent.
Le monde industriel nouveau ne peut naître que d’une stratégie d’innovation. Les entreprises françaises sont en retard et ne consacrent qu’une part limitée de leurs ressources à la Recherche-Développement. On leur fait cadeau de 4,5 milliards d’euros au travers du crédit d’impôt-recherche qui est inefficace. Pourquoi ne pas consacrer ces sommes à des projets de développement d’activités et d’emplois nouveaux dans les fameuses « filières industrielles » ?
La question de l’énergie est décisive car elle irrigue l’ensemble des secteurs. Privatisations et mises en concurrence des entreprises énergétiques sont en train de faire grimper le prix des énergies réduisant l’avantage qu’avait la France, notamment en matière d’électricité. Nous proposons de créer un « pôle public de l’énergie » afin de remettre en cohérence l’action publique dans ce secteur. La finance est bien sûr la question cruciale. L’industrie est incompatible avec les taux de rentabilité à 2 chiffres exigés par les marchés. Si les fonds privés font défaut, il faut organiser de nouveaux circuits de financement. Il ne s’agit pas de venir au secours des capitaux privés, mais de créer, à partir de la Caisse des Dépôts, d’OSEO, des fonds collectés par La Banque Postale ainsi que sur les livrets CODEVI, un pôle public de financement de l’économie et des besoins sociaux. Des dizaines de milliards d’euros sont aujourd’hui gaspillées dans de coûteuses politiques d’exonération de cotisations sociales au profit des actionnaires. C’est intolérable. La Cgt demande un réexamen de tous ces dispositifs et une évaluation contradictoire.
Enfin, une véritable politique industrielle suppose plus de démocratie. Il faut bien sûr recréer les outils publics d’intervention. Mais il faut aussi donner des pouvoirs d’intervention aux salariés. La Cgt réclame la création de comités interentreprises, l’inclusion de règles sociales dans les contrats de sous-traitance, la présence d’administrateurs salariés aux conseils d’administration des firmes, le développement d’un dialogue social territorial… On ne peut pas se cantonner aux fatidiques « plans sociaux » pour discuter !
L’ouverture des Etats Généraux de l’Industrie, jeudi dernier, par Christian Estrosi, laisse quelque peu perplexe.
Ainsi, deux mesures phares que la presse a retenues sont 2 nouvelles propositions de cadeaux aux entreprises : un crédit d’impôt innovation et une prime à la relocalisation. On est loin de la rupture attendue. Il faut remettre tout cela sur la table et écouter ce que les organisations syndicales ont à dire sur la politique industrielle.
Les salariés de plusieurs branches (métallurgie, chimie, verre-céramique, textile, agroalimentaire…) diront le 22 à la manifestation parisienne leur exigence d’une politique industrielle cohérente. Nous porterons critiques et propositions dans les réunions régionales et nationales des Etats Généraux.
L’heure est bien à la mobilisation sur tous les fronts, à partir de ce que vivent les salariés.