La majorité présidentielle, en difficulté dans l’opinion, tente de passer en force dans l’hémicycle, avec la complicité de l’Élysée. Leur but : couper l’herbe sous le pied au mouvement social avant la grande mobilisation de mardi prochain.
La montée en puissance du mouvement social pour le mardi 12 octobre donne des sueurs froides à la droite et au gouvernement, comme en témoigne l’attitude de la majorité présidentielle au Sénat durant le débat sur le projet de loi sur les retraites. En témoigne également la décision, prise en commission des Affaires sociales et en présence des ministres du gouvernement, d’avancer à hier soir l’examen des articles 5 et 6. Tard et contre toute logique, les sénateurs ont donc planché sur le cœur de la réforme : le recul de 60 à 62 ans de l’âge légal de la retraite et de 65 à 67 ans pour obtenir le taux plein.
Pour Guy Fischer, sénateur communiste, « c’est un coup de force du gouvernement et de sa majorité que d’examiner ces deux articles scélérats en urgence » et d’en tirer la conclusion que « l’exécutif du Sénat se plie aux injonctions du président de la République ». « Vous craignez la mobilisation du 12 octobre ! a-t-il lancé à la majorité, mais les Français ne se laisseront pas tromper. »
L’initiative présidentielle, une véritable duperie
Dès hier matin, la droite manœuvrait pour éviter le débat sur le fond et tromper l’opinion publique. Une fois de plus. En effet, un communiqué de l’Élysée est tombé pour demander au gouvernement de déposer des amendements en faveur des femmes ayant eu trois enfants, qui pourraient continuer à partir à 65 ans pendant une période transitoire de cinq ans, de même pour celles ayant des enfants handicapés. Ce que fit immédiatement Éric Woerth en séance. Les sénateurs de droite, dont Gérard Longuet, n’ont pas manqué de gloser sur l’air du « vous voyez, le président écoute le Parlement ».
La ficelle, plus que grosse, est dénoncée par l’opposition. Non seulement, comme le rappelle un sénateur socialiste, « ces dispositifs ne toucheront que 120 000 femmes » et ne changeront rien quant à « l’injustice de fond de cette réforme », mais cette initiative présidentielle est une véritable duperie. En effet, ces deux amendements présidentiels sont exactement les mêmes que ceux que le rapporteur UMP, Dominique Leclerc, avait, comme par hasard, retirés avant l’examen du projet de loi par la commission des Affaires sociales, la semaine dernière.
Alors que les sénateurs de droite multiplient les interventions pour atténuer la portée de la colère sociale qui s’exprime dans la rue et dans les entreprises, refusent toute consultation populaire de type référendaire et glorifient le seul rôle du Parlement, Nicolas Sarkozy tente de donner le change sur le thème du « président qui écoute » en ressuscitant les deux amendements en question. Cousu de fil blanc. D’ailleurs, interrogé sur la corrélation entre cette initiative présidentielle et la journée de lutte du 12 octobre, Dominique Leclerc, après quelques hésitations, avouait que « c’est pour apaiser les uns et les autres ». Tout est dit.
Lors des questions au gouvernement, Éric Woerth, pour justifier sa réforme, est allé chercher des arguments au FMI, que préside le socialiste Dominique Strauss-Kahn. Cet organisme international vient en effet de déclarer que le recul de l’âge de la retraite doit être le point de départ de toute réforme. Silence sur les bancs des socialistes et colère de Nicole Borvo Cohen-Séat, présidente du groupe communiste et du Parti de gauche, qui s’écrie : « Nous ne prenons pas nos ordres au FMI. Le Parlement est libre. »