Un temps socialement précieux

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Loin d’être des «inactifs», les retraités sont de plus en plus des « actifs sociaux » qui « innervent » la société dans de nombreux domaines. Solidarité, entraide familiale, citoyenneté… Autant de rôles touchés par 
la réforme 
du gouvernement qui les réduit à une variable d’ajustement budgétaire.

La droite rêve de tourner au plus vite la page, même si le président de la République le sait bien : sa réforme des retraites continue de susciter beaucoup de contestation et va laisser des traces profondes dans l’opinion publique. À ne penser la retraite qu’en termes financiers – le ministre du travail, Éric Woerth, répétant à l’envi que l’espérance de vie s’allongeant, la facture serait devenue insoutenable –, Nicolas Sarkozy a cru pouvoir effacer l’essentiel : une aspiration à pouvoir profiter, après le temps du travail, du nouveau temps de vie offert par la retraite. Pour les calculateurs qui nous gouvernent, les retraités sont avant tout et surtout une variable d’ajustement pour équilibrer les comptes publics, comme le réclament les marchés financiers. Raisonnement glacé, qui oublie au passage que ce progrès de l’espérance de vie est dû, entre autres… au progrès social qu’a permis la retraite. Une étude épidémiologique a montré récemment que plus l’on décroche tôt du boulot, meilleur c’est pour la santé !

 

Les meilleures années de la retraite sacrifiées

La France compte aujourd’hui environ 15 millions de retraités. Ils sont pour l’essentiel en bonne santé et disposent de revenus proches de ceux des ménages actifs, même si la baisse des pensions est à l’œuvre depuis la réforme Balladur de 1993. Le schéma qui associait jadis vieillesse et pauvreté, grand âge et repli sur soi, a peu à peu laissé place à une perception de la retraite où, loin de se retirer du champ social, on s’y investit dans une certaine « continuité » de la vie active. Vie associative, vie politique, vie syndicale, aide familiale multiforme en direction des enfants, des petits-enfants, des parents, solidarités de proximité… Avec, certes, beaucoup d’inégalités, liées aux différences d’espérance de vie en bonne santé, les retraités, loin des « inactifs » décrits par les statistiques, sont de plus en plus des « actifs sociaux », « innervant » la société dans de nombreux domaines, de formidables « producteurs de lien social », comme le souligne le sociologue Serge Guérin. Des valeurs, certes, pas cotées en Bourse. Mais imagine-t-on quel coût cela représenterait pour la société, pour la protection sociale en particulier, si l’on devait se passer des services ainsi rendus ?

Les retraités représentent, aussi, avec le pouvoir d’achat dont ils disposent, un puissant levier économique, créateur d’activités, d’emplois, dans bien des secteurs, en particulier celui de la santé. Encore toutes les potentialités sont-elles loin d’avoir été prises en compte, la société commençant à peine à relever le défi de son adaptation – en matière d’aménagement de la ville, de logement, de formation… – à ce nouvel âge.

C’est ce nouveau temps de vie, d’activités librement choisies, socialement utiles, de solidarité, de possible épanouissement personnel, que la réforme heurte de plein fouet en sacrifiant deux des meilleures années de la retraite (entre 60 et 62 ans) et en poursuivant l’érosion du niveau des pensions. Cela, au nom d’un déficit dont il a été abondamment prouvé qu’il pouvait être résolu autrement. Problème pour le chef de l’État : les retraités sont eux aussi majoritairement hostiles à cette réforme et, souvent, très engagés, aux côtés des autres générations, dans le mouvement social actuel.

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