Les papeteries de Veuze disparaissent, celles de Saint-Michel sauvent 60 emplois
Les Papeteries de Saint-Michel ont été reprises hier par le groupe cognaçais Thiollet qui garde 60 des 89 salariés. «Un demi-succès» pour le tribunal de commerce. A Veuze, 91 emplois disparaissent.
Maxime Thiollet était au palais dès hier matin, en compagnie de Jean-François Dauré, pour finaliser son offre. Photo Majid Bouzzit
L'une est sauvée, l'autre pas. Alors que le tribunal de commerce d'Angoulême a prononcé hier après-midi, comme prévu, «la cessation immédiate d'activités» des Papeteries de Veuze (lire ci-dessous), il a en revanche accepté l'offre de reprise du groupe cognaçais Thiollet pour les Papeteries de Saint-Michel, en liquidation depuis février.
«Nous sauvegardons des emplois et une papeterie dans la région. C'est un vrai moteur pour moi», insiste Maxime Thiollet, à l'issue de l'audience. Sur les 79 CDI et 10 CDD de l'entreprise, le groupe Thiollet garde 60 salariés. Maxime Thiollet, le patron de l'entreprise éponyme qui emploie 80 personnes dans sa cartonnerie de Châteaubernard et son unité de recyclage de Nercillac, a racheté l'entreprise 60.001 € et prendra officiellement les clefs de l'usine le 1er avril prochain.
Quinze jours qui ne seront pas de trop pour une entreprise que le tribunal de commerce «est venu chercher il y a trois semaines», rappelle le PDG de cette «entreprise familiale et régionale».
Plusieurs millions d'euros de travaux sur les dix prochaines années sont déjà à prévoir à Saint-Michel pour l'intégrer au groupe et «en faire une entité viable et fiable». Maxime Thiollet annonce pour son nouveau groupe un chiffre d'affaires de 50 millions d'euros.
“Un demi-succès plutôt qu'un demi-échec”
Un projet ficelé en trois semaines donc, qui a obtenu les toutes dernières garanties bancaires indispensables le lundi matin seulement: 2 millions de garantie répartis entre trois banques, «qui ont accepté de jouer le jeu, et ça, c'est une belle victoire», s'enthousiasme Jean-François Dauré, seul élu présent au tribunal hier, et au four et au moulin ces derniers jours pour convaincre les banques d'apporter leur soutien.
«Ce dossier, malgré la perte d'emplois, est un demi-succès plutôt qu'un demi-échec», enchaîne Jacky Bouchaud, le président du tribunal de commerce. «Parce que les collectivités ont appris à travailler ensemble, ce qu'elles ne faisaient pas assez dans ce domaine. Elles seront prêtes pour les prochains cas.» Maxime Thiollet précise cependant que son offre «n'est pas basée sur l'apport des collectivités, même si, bien sûr, d'éventuelles subventions sont les bienvenues !».
Du côté des salariés, on se montrait satisfait, malgré la perte de 30 emplois, surtout qu'ils étaient au tribunal juste à côté des Veuze qui, eux, restent sur le carreau. «On est solidaires jusqu'au bout», explique le responsable CGT de Saint-Michel, Christian Mesnard. Une solidarité qui ne s'est pas faite sans difficulté depuis le «mariage forcé» de Veuze et Saint-Michel en juin 2009.
A cette époque, le tribunal de commerce, dirigé alors par Jean-François Vieira, avait accepté que le groupe Otor, propriétaire de Saint-Michel, cède l'usine pour 2 € et 7 millions d'euros de capitalisation à Alain Dubois, PDG de Veuze, qui était pourtant en redressement depuis plusieurs années déjà.
Un mariage de la carpe et du lapin conjugué «aux erreurs stratégiques d'investissements de la famille Dubois», selon Norampac, le dernier candidat à la reprise de Veuze, qui a failli précipiter 180 emplois par le fond. Au final, 120 salariés vont pointer au chômage dans les jours qui viennent.
Veuze «laissée à l'abandon» par Dubois
Le couperet est définitivement tombé sur les 91 salariés des Papeteries de Veuze à Magnac. Le tribunal de commerce a prononcé «l'arrêt immédiat de l'activité des Papeteries», faute de repreneur. Le dernier qui s'était manifesté, Norampac, a finalement été effrayé par l'ampleur de la tâche, alors que les Papeteries auraient un passif de 47 millions d'euros.
Une fois la décision énoncée, Jacky Bouchaud, le président du tribunal, a lu le courriel du représentant de Norampac qui a fini par jeter l'éponge, mais qui a connu «un retour dans la nuit difficile et beaucoup d'amertume» après avoir visité l'usine.
Un courriel en forme d'hommage aux salariés, «des gens ouverts qui espéraient, des personnes qui ont tout donné par espoir de trouver une solution». Mais Jacky Bouchaud ne le cache pas. Il a également voulu lire ce texte pour s'adresser à Alain Dubois, l'ancien PDG, présent dans la salle d'audience. Norampac dit «ne pas donner suite» en raison de «l'état de faiblesse global de l'usine, laissée à l'abandon avec ses erreurs stratégiques d'investissements et de gestion de la part de la famille Dubois (…) Je pense sincèrement que nous sommes arrivés quelques années trop tard».
Les salariés s'inquiètent désormais de leur sort. Ils espéraient récupérer tout ou partie des 2,6 millions d'euros de trésorerie pour le plan social. Mais cette somme servira à payer leurs salaires. Restent les 1.000 tonnes de stock de papier qui, eux, pourront servir dans la négociation avec Me Torelli, le liquidateur nommé hier.
Mesurés et protégeant jusque-là leur outil de travail, les syndicats sont sortis remontés de l'audience, craignant de ne pas être payés en retour. «Si on voit que nous ne sommes pas considérés, ils vont négocier que de la braise», prévient un des syndicalistes, avant de retrouver ses collègues rassemblés