A propos du 1er Mai : de quoi parle-t-on et qui en parle ?

«Omnia vincit amor», clament les vieux sages depuis la Rome antique. Si en effet «rien ne peut vaincre l’amour» à l’heure du muguet retrouvé, n’oublions jamais ce que Bertolt Brecht suggérait aux citoyens du monde: «Celui qui combat peut perdre, mais celui qui ne combat pas a déjà perdu.» Justement. Près de deux cents cortèges ont sillonné la France en ce 1er Mai, à l’appel des syndicats, avec comme priorité la défense du pouvoir d’achat et de la solidarité. Soulignons d’abord que la mobilisation n’a sans doute pas été à la hauteur des exigences sociales. Regrettons ensuite le fait que FO ait décidé une fois encore de défiler seul de son côté, alors que la CGT, la CFDT, la FSU, l’Unsa et Solidaires appelaient à manifester ensemble…
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Mais attention ! Les commentateurs auraient tort, grandement tort, de sous-estimer ce 1er Mai et les cris de colère des salariés, de négliger ce que nous en avons vu hier dans les rues et peut-être tout autant cette «autre chose» moins visible mais tellement présente chez une large majorité de Français, qui, par exemple, montra un peu plus que le bout de son nez lors du mouvement des retraites et dont l’écho hante encore nos puissants… Ne tournons pas autour du pot. Dans l’échelle de l’horreur sociale, notre pays a franchi ces dernières années une étape dramatique. Tandis que les associations caritatives crient famine et assurent ne plus pouvoir assurer les «missions élémentaires» que la société attend désormais d’elles, face à ce qu’il faut bien nommer «l’explosion» de la misère, l’atomisation sociale continue de labourer les entrailles de la société. La France compte près de 8 millions de pauvres. L’écart entre les salaires des «petits» et des patrons atteint désormais 569 smics. Un salarié sur quatre gagne moins de 0,7 smic. Et – le savez-vous ? – la moitié des Français gagne moins de 1 500 euros mensuels… La réalité de la France a des racines profondes et le constat demeure : Sarkozy, au-delà de ses proclamations aussi répétées qu’inopérantes, comme en témoigne l’ersatz de «prime à 1000 euros», n’a que mépris pour les urgences sociales qui montent.

D’autant que, ces temps-ci, la médiacratie a de quoi nous révolter ! Après l’omnispectacle en mondovision d’un mariage princier aussi orgiaque qu’indécent, après la béatification de Jean-Paul II en présence de ministres de Sarkozy (un véritable scandale pour la règle et l’esprit de la République), après l’état de poubelle du foot français où l’on retrouve là aussi les épluchures moisies du climat actuel, vous allez voir que tous les éditocrates, au lendemain du 1er Mai des travailleurs, vont se focaliser sur le pire ennemi de ces mêmes travailleurs, le Front national, surfant sur les démissions de la République… Honte à eux !

Alors que le sarkozysme nous a entraînés vers un nouveau degré d’ensauvagement libéral et néoréactionnaire, la crise philosophique que traverse notre démocratie atteint des profondeurs abyssales. Au point que certains voudraient nous faire oublier le «projet de société» pour, d’ores et déjà, nous diluer dans le débat du non-choix que symboliserait une candidature unique socialo-socialiste. Or, pour répondre à l’invisible révolte populaire contre les injustices – qui peut conduire à un choix de civilisation comme aux fausses solutions –, la gauche doit inventer bien plus qu’une «alternance» en jetant les bases d’un espoir social fondamental qui refonderait la République elle-même. En somme, être à la hauteur d’une ambition suprême, réclamée par des millions de salariés et de chômeurs. Est-ce trop demander ?

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