Malgré ses (presque) soixante dix-neuf ans,
Jacques Chirac pète la forme en ce qui concerne son actualité judiciaire. Après
son anosognosie qui lui évite bien des tracas dans les prétoires, on lui
propose même la relaxe dans l’affaire des emplois fictifs de la Mairie de
Paris. Profitons-en, le mari de Bernadette paye sa tournée
générale…
L’inénarrable ancien président a au moins autant de ressources, sans mauvais
jeu de mots, après sa carrière politique que pendant. Pour reprendre une de ses
expressions favorites, quand la Justice s’emmêle et s’en mêle, les accusations
le concernant font pschitt, ce qui n’est pas le cas de la nouvelle taxe sur les
sodas, soit dit en passant.
Ainsi, dans cette affaire des emplois fictifs pour laquelle Jacques Chirac
était sur la sellette avec ses neuf complices, pardon, co-prévenus, il
semblerait que la Justice elle-même finisse par devenir elle aussi fictive.
Michel Maes, le procureur qui officie dans cette affaire a demandé
« la relaxe pour l’ensemble des prévenus pour les faits qui leur sont
reprochés ». Mais ce n’est pas tout, au cas où la relaxe n’aurait pas été
accordée, Monsieur Maes avait tout prévu et proposé à la Cour :
« Si vous deviez considérer que le délit est constitué, vous
prononcerez une dispense de peine. »
Pourtant Jacques Chirac, s’il avait de la mémoire se serait souvenu qu’il
avait dit en janvier 2002 : « La société démocratique est, par
essence, une société de responsabilité. (…) Rien ne serait pire que de laisser
s’étendre le sentiment de l’impunité ». Si selon l’adage populaire, « il
n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis », notre ancien
président n’en est donc pas un. Par contre, nous, la populace, pouvons nous
sentir cocus, merci Jacques, et merci Bertrand D, qui successeur de Chirac à la
Mairie de Paris (après le tragi-comique épisode Tibéri), permet à Jacquot de
s’en tirer une fois de plus sans rendre de comptes (qu’ils soient fictifs,
truqués ou au Japon).
Car il faut se souvenir que notre Corrézien national, s’il sait passer entre
les gouttes, a été très souvent mouillé dans des affaires plus diverses et
abracadabrantesques les unes que les autres : marché truqués, emplois
fictifs, abus de biens sociaux, mallette françafricaines, djembés rembourrés
aux billets de banque, politique menée à vue, libérations d’otages
controversées (Liban et Nouvelle Calédonie), jusqu’au point d’orgue de sa
carrière, son élection (oui, j’ai bien dit élection, il ne s’agit pas de DSK)
en 2002 avec le score françafricain de 82,21 % et le rôle de recours et de
composition pour sauver la démocratie des sales pattes de Le Pen. Peut-être son
tour de passe-passe le plus abouti.
On peut se gausser, certes, de l’autoritarisme Louis-de-Funèsque de son
successeur, des frasques bunga-bunga berlusconniennes, ou encore des absences
intellectuelles George-dobelyouesques, on peut sourire sans crainte au souvenir
de Monsieur Jacques tâtant le cul des vaches au Salon de l’agriculture, par
contre on aura tout à fait le droit de rire jaune (comme les pièces du même nom
si chères à Maman et au Douillet de service) en se rappelant que tout ce dont
Chirac a été lavé a été ponctionné sur le bien commun, a été fait dans notre
dos et en notre nom, et en fin de compte a permis au sarkozisme triomphant de
s’engouffrer dans la même voie mais en plus radical et destructeur.
C’est donc un goût d’amertume que les citoyens auront dans la gorge en
sirotant une bière mexicaine à la santé de l’ancien squatter, pardon locataire,
de l’Elysée. Les autres rajouteront l’épisode à la longue saga pipolienne de
celui qui se retrouve au soir de sa vie comme un personnage récurrent d’un
mauvais feuilleton avec rire préenregistré.
Le mot de la fin au plus illustre des visiteurs du salon de l’agriculture
lui-même qui leva toute ambiguïté sur son positionnement politique en février
1995 : « Bien sûr que je suis de gauche, je mange de la
choucroute et je bois de la bière » !
Allez, à l’aise comme Blaise, cool comme Raoul, relax comme
Chirax !
