Article intéressant de Rue 89 concernant la position idéologique d’Arnaud Montebourg…

Arnaud Montebourg, sauveur du PS ou chien dans un jeu de quilles ?

Montebourg peut-il sauver le Parti socialiste ? Le voir débouler ainsi, fort de ses 420 000 voix, dans le jeu des vieux apparatchiks du PS est plutôt rafraîchissant, mais j’y vois plus l’arrivée d’un chien dans un jeu de quilles que l’« impétrance » (on dit comme ça ? ) d’un sauveur.

Dans l’interview qu’il a donnée à Libé, titrée « j’ai sorti le PS du formol », il ne se fait pas vraiment bâtisseur : il expose ses blessures d’amour propre, fustigeant -à l’ancienne- les deux finalistes Hollande et Aubry qui ont eu à son égard, dit-il, « des marques de mépris et de condescendance ». Pas une seule fois dans l’interview il ne parle de battre Nicolas Sarkozy.

La mise sous tutelle des banques, seule proposition « ancrée » à gauche

Deux catégories de personnes l’ont pourtant d’ores et déjà vêtu du costume de chevalier blanc : la gauche du PS et les souverainistes.

Les premiers sont des électeurs qui n’osent pas rejoindre Mélenchon et son Front de gauche pour diverses raisons : rejet des alliés communistes de ce dernier, peur d’un nouveau 21 Avril, fidélité au PS, etc.

Ils pensent que Montebourg peut empêcher le PS de se laisser dériver vers ses démons « sociaux-libéraux ».

Le député de Saône-et-Loire refuse pour sa part qu’on le classe « à gauche du PS ». Sur France Info il se récriait récemment :

« Je ne crois pas que mes propositions soient “ancrées” à gauche ; elles sont de gauche tout simplement. »

Dans Libé, il dit ce mardi matin : « J’ai récupéré des électeurs de Royal, du NPA, de Mélenchon, de Chevènement, de l’extrême droite et des gaullistes », sans parler de ceux « d’Europe Ecologie – Les Verts et des radicaux de gauche ».

Cela fait du monde…

En réalité, la seule vraie proposition vraiment « ancrée » à gauche de Montebourg est la mise sous tutelle des banques… qui risque de toute façon de s’imposer à n’importe quel gouvernement dans les mois qui viennent.

La gauche du « Che », qui avait voté Royal en 2007

Les souverainistes, pour leur part, voient en Montebourg l’un des leurs. Son discours sur la « démondialisation » et le protectionnisme les séduit, et pas seulement ceux de gauche. Nicolas Dupont-Aignan lui tressait des lauriers samedi soir sur France 2 et ma consoeur de Causeur Elisabeth Lévy semble raide dingue de lui. On a même vu Marine Le Pen et le Bloc identiaire lui adresser un coup de chapeau.

L’espace que Montebourg occupe aujourd’hui à gauche épouse à peu près les contours que celui que s’était taillé dans les années 70 Jean-Pierre Chevènement, un homme qu’il cite fréquemment dans ses discours.

Le « Che » avait fondé le Ceres, mais avait été marginalisé face à une autre tête nouvelle Michel Rocard. De l’aile gauche du Parti, Chevènement a ensuite creusé le sillon minoritaire d’une gauche républicaine et autoritaire, qui est toujours vivace : c’est la gauche qui aime que les élèves se lèvent dans les classes quand le maître entre ou qui refuse la dépénalisation du cannabis. Elle avait voté Royal en 2007, elle a voté Montebourg en 2011.

Deux risques : chevènementisation et bayrouïsation

Montebourg a capté l’héritage de Chevènement, avec le risque de connaître le même sort que lui : celui d’un ministre qui hésite sans cesse entre « fermer sa gueule ou démissionner ». Le costume sent un peu la naphtaline, et on peut s’interroger sur la nouveauté de ses « idées nouvelles ».

Qui au PS ne veut pas protéger les Français contre les marchés tous puissants ou ne veut pas lutter contre la corruption ? Quant au protectionnisme, on a mal à y voir une « nouveauté » : il est vieux comme le commerce, et ses vertus supposées sont controversées depuis toujours.

La VIe République, enfin, est une idée intéressante, mais elle n’est pas centrale (sauf à se résigner sur les autres questions : comme le dit l’historien Emmanuel Todd, l’un des indicateurs de l’inaction économique, c’est quand la classe politique se met à se passionner pour les institutions).

François Bayrou lui aussi prônait une VIe République. Entre les deux tours de l’élection de 2007, les commentateurs en faisaient, comme pour Montebourg aujourd’hui, un « faiseur de roi ». Auréolé de ses 18%, il était « la surprise », le vent nouveau. Lui aussi refusait de se prononcer pour l’un ou l’autre des finalistes, Sarkozy ou Royal, préférant s’isoler sur son Aventin. Il n’a sorti « du formol » ni l’UMP, ni le PS : son impact sur les uns et les autres a été à peu près nul.

C’est le risque qui guette au sein de sa propre famille Arnaud Montebourg s’il s’enferme dans ses règlements de comptes, et s’il oublie que pour un socialiste qui se respecte, l’impétrant c’est la rose.

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