Séance plénière ce matin à la région et traditionnel
débat dit de "politique régionale". Les défis de la transition énergétique sont
de mise, sur tous les bancs. Voici l’intervention que j’y ai prononcée au nom
du groupe EELV.
Monsieur le Président, cher(e)s collègues,
Ce lendemain de primaire fait suite à un débat fort suivi au cours duquel
les défis de la transition énergétique ont occupé une place de choix. Il se
poursuit ce matin, nous nous en réjouissons. Ces défis appellent selon nous
mieux que des hésitations et des demi‐mesures. J’en veux pour preuve les
annonces qui augurent du développement d’une filière industrielle régionale
éolien offshore.
Ceux qui assimilent les énergies de l’avenir à des lubies d’écologistes
en sont pour leurs frais. Je dis cela car à la veille de chaque élection
importante, on entend beaucoup des essayistes qui se font une spécialité de
polémiquer contre les écologistes.
Ainsi Luc Ferry il y a 20 ans face à la première percée électorale des
Verts, puis le mammouth de la pensée anti‐écolo, Claude Allègre, aujourd’hui
Pascal Bruckner.
L’outrance des épithètes est inversement proportionnelle à la qualité des
démonstrations : « romantisme anti‐humaniste »,
« intégrisme », « écologie punitive » et,
dernièrement, « fanatiques de l’apocalypse », ça vole
haut!!
Rassurez vous nos avons continué depuis à cultiver nos jardins bio avec
beaucoup de plaisir. L’arrivée à maturité des énergies et des
industries du vent en est à présent l’un des plus savoureux
produits.
photo Eric Bénard
Pour Europe Ecologie – Les Verts, c’est l’évènement de l’année
pour la Haute Normandie, l’hirondelle qui laisse espérer le printemps
de la mutation écologique de l’économie. Une nouvelle ère dans laquelle nous
voulons convaincre le maximum d’acteurs économiques et politiques de changer
de logiciel, de recycler leurs manuels d’économie politique, de tourner la
page du productivisme, pour écrire celle de l’économie réconciliée avec
l’environnement et l’emploi.
Avant 10 ans, les industries du vent en feront tourner 140 éoliennes en mer
au large du Tréport et entre 80 et 100 au large de Fécamp. Elles fourniront
une puissance électrique installée d’1,2 gigawatt, plus du tiers de la
première tranche de l’appel d’offre lancé avec retard par l’Etat pour
atteindre les objectifs du paquet climat énergie européen.
Les sites seront exploités pour 30 ans et génèreront des activités de
maintenance, des missions de surveillance soit une centaine d’emplois directs
par parc, dans les ports de proximité, à Fécamp, à Dieppe, au Tréport. Cet
impact social et économique sera plus que décuplé suite aux intentions
annoncées par le groupe Areva de construire sur le Port du Havre, en lien avec
ces projets, les deux usines, de fabrication et d’assemblage, de pièces
mécaniques et de turbines, et de mâts. On peut miser là sur entre 400 et 700
emplois directs sur les deux sites. Ce qui valide l’espoir d’implantation d’une
nouvelle filière, la première filière d’excellence régionale de l’économie
verte, appelée à prendre le relai des installations de l’économie du méga
risque et du carbone, qui est à bout de souffle et qui nous fait suffoquer. En
amont de très nombreuses PME de la région ont l’assurance de remplir leurs
carnets de commande. Pour les besoins des sites et des usines et des très
nombreux parcs programmés outre‐ Manche qui peinent à trouver dans leur
proximité les industries et les savoir‐faire qui ont été sacrifiés depuis
l’avènement du Thatchérisme, du tout libéralisme, du tout
financier.
La Région, son Président, a œuvré avec beaucoup de détermination pour
aboutir à ce résultat. Nous touchons là un axe essentiel de l’accord
politique avec les écologistes.
Il ne serait pas juste de ne pas également saluer l’engagement des maires et
des élus des villes et des intercommunalités, Le Havre et Fécamp. Cette
fois, la coordination s’est opérée en faveur du développement soutenable de
notre région, c’est très bien.
Permettez‐moi une pensée pour les pionniers qui contre forts vents et
marées, ont su convaincre puis faire aboutir le premier projet d’éoliennes
terrestres, sur les falaises de Fécamp et donner un coup de jeune au Cap
Fagnet. Ces militants, des écolos, et oui!, ont ensuite aussi poussé à la
création de la plate‐forme technologique de Fécamp, qui fait travailler
ensemble le lycée, l’université du Havre, les entreprises et les
collectivités. Bien utile à l’heure du développement grande
échelle.
Mais on est encore loin du but.
La phase opérationnelle, études complémentaires, demandes d’autorisation du
domaine maritime, n’interviendront qu’après la sélection des offres au
printemps prochain. C’est alors que les industriels confirmeront leur
engagement sur la plate‐forme havraise.
Notons au passage, c’est rare, que le Port du Havre met à disposition des
quais aménagés et non des zones naturelles et humides.
Ensuite, viendra sans nul doute, le temps des recours des opposants qui font
plus de bruit que les éoliennes dans le nord de la Seine‐Maritime. Leur
ambition se réduit à retarder les chantiers… retardant ipso facto
l’économie et les emplois qui vont avec.
Les écologistes espèrent que la raison l’emportera, que les élus de zones
socialement sinistrées prendront le train en marche et aideront les pêcheurs
aujourd’hui en difficulté et tous les acteurs du tourisme et du secteur
hôtelier, à saisir les opportunités qui s’ouvrent. Par exemple pour obtenir
des opérateurs le financement du remplacement des motorisations gloutonnes qui
pèsent aujourd’hui très lourd sur leurs charges d’exploitation.
Les défis de formation sont conséquents, la Région est déjà mobilisée
avec la Cité des métiers, Pôle emploi, la filière énergie, pour
sensibiliser et former les mécaniciens, les logisticiens, les informaticiens,
les météorologues, les pilotes de bateaux… aux métiers de l’éolien.
Création de nouvelles activités et de nouvelles entreprises,
nouvelles formations, nouveaux métiers, nouveaux emplois… L’économie
écologique est donc tout sauf punitive.
Mais l’enjeu de la révolution énergétique est aussi de changer la
donne environnementale. Le mieux n’est en l’espèce pas l’ennemi du bien, au
contraire.
Le premier impact de nos deux parcs éoliens, soulignons‐le, c’est la puissance
installée : 1 200 mégawatts, c’est 30% de la consommation totale de la
Haute‐Normandie !
Le jour des annonces d’Areva coïncidait avec la publication du scénario
Négawatt 2011. Cette association d’experts, ingénieurs et physiciens,
démontre aujourd’hui qu’à l’horizon 2050, il est jouable d’ambitionner que
les 72 millions de français prévus réduisent de moitié les consommations
d’énergie d’aujourd’hui… rassurez vous, sans retour à la
bougie…
Dans ce scénario nos émissions sont divisées par 16, les sources
renouvelables fournissent 90% de l’énergie, les importations d’énergies
fossiles quasi réduites à zéro, et …on se passe du nucléaire d’ici 2035
!
Et, M. Lemaire, contrairement à ce que vous venez d’indiquer, le coût pour
les consommateurs des énergies renouvelables supporte facilement la
comparaison avec le nucléaire. La transition énergétique nécessitera des
investissements importants, certes, mais vous oubliez les coûts du nucléaire.
Notre parc nucléaire est vieilli, pour continuer dans ce sens il faudrait
remplacer et démanteler une grande partie de nos centrales existantes. Et
l’impact sur les factures des citoyens serait extravagant !
C’est ce virage énergétique que notre groupe propose d’anticiper via une
étude grande échelle des potentiels et des voies de transition dans notre
région dont nous souhaitons l’inscription au budget primitif 2012.
Chers collègues, La révolution énergétique va transformer nos vies au
cours du siècle. Cette révolution s’annonce aussi douce pour l’environnement
que pour les citoyens. Notre responsabilité individuelle et collective est de
proposer aux générations qui suivent de vivre autrement et mieux que sous des
parapluies nucléaires et pétroliers qui prennent l’eau de tous côtés.