Crédit photo : Ouest-France – Daniel Fouray
Lors de la séance des questions au Gouvernement du 19 octobre, Alfred TRASSY-PAILLOGUES, Député de la 10ème circonscription de la Seine-Maritime, a, en son nom propre et au nom de son collègue Daniel FIDELIN, « interrogé » le ministre du Travail sur le blocage d’une subvention européenne sollicitée par l’Etat français pour le compte de Renault et 7 de ses filiales.
La presse locale normande (Le Courrier cauchois, Fil-fax) a fait état des propos de M. BERTRAND selon qui « l’attitude des eurodéputés socialistes dans ce dossier a été un pur scandale ». Lire la question et la réponse apportée par M. BERTRAND.
Vous trouverez ci-joint une copie du courrier que je viens d’adresser à Messieurs BERTRAND, FIDELIN et TRASSY-PAILLOGUES en réaction à ces propos absolument consternants.
L’attitude méprisante du Ministre du Travail et de ces deux députés seinomarins témoigne d’une méconnaissance de ce dossier et des situations concrètes qu’il recouvre.
Cette manière de procéder porte gravement préjudice aux intérêts des anciens salariés de Renault pénalisés par la réforme des retraites.
Les personnes concernées par cette problématique attendent de M. BERTRAND qu’il apporte des réponses plus constructives au courrier, resté à ce jour sans réponse, que Madame Pervenche BERES, Présidente de la Commission Emploi et Affaires sociales du Parlement européen, Karima DELLI, eurodéputée du Groupe des Verts, et moi-même lui avons adressé la semaine dernière.
Fécamp, le 21 octobre 2011
Monsieur le Ministre,
Messieurs les Députés,
J’ai pris connaissance avec consternation des propos que vous avez tenus mercredi devant la représentation nationale, à l’occasion de la séance publique de questions au Gouvernement.
Evoquant le blocage par les eurodéputés socialistes du versement d’une subvention de 24,5M€ que le Gouvernement français et Renault ont sollicité dans le cadre du fonds d’ajustement à la mondialisation, vous m’accusez, en substance, de priver « par pur calcul politicien » l’industrie automobile française et ses salariés de « ressources financières indispensables ». Lire la suite
Par méconnaissance de ce dossier et des situations concrètes qu’il recouvre, vous laissez entendre que cette aide serait destinée à ces anciens salariés, et que son blocage compromettrait les mesures d’aide à la formation et au retour à l’emploi en leur faveur. Il n’en est rien : ces actions ont déjà été réalisées et financées par l’entreprise, qui demande aujourd’hui à se faire rembourser une partie des sommes engagées dans le cadre du Plan Renault Volontariat de 2009.
Vous faites valoir, Monsieur le Ministre, que « la politique par la preuve, c’est de faire en sorte que, partout où l’on exerce des responsabilités, l’on vienne en aide aux salariés ». Je souscris pleinement à cette analyse. Cela implique d’être à l’écoute des salariés en question, d’entendre leurs préoccupations, et de se donner les moyens de résoudre leurs difficultés. Dans le cas présent, force est de constater que ni vous-mêmes, ni M. TRASSY PAILLOGUES, ni M. FIDELIN ne semblez avoir pris toute la mesure de la problématique des anciens salariés de Renault, notamment ceux de l’usine de Sandouville, partis en préretraite déguisée, avec les encouragements et la bénédiction des plus hautes autorités de l’Etat français, dans le cadre du plan de départ volontaire 2008-2009 de l’entreprise. Ces derniers vont bientôt, du fait de la réforme des retraites que vous avez soutenue, se retrouver pendant des mois sans revenus, ni indemnisation de chômage, ni pension de retraite.
C’est précisément parce que nous nous préoccupons de la situation des personnes concernées, que nous avons, avec les eurodéputés socialistes, communistes et Verts, pris la responsabilité de conditionner le versement de cette aide au règlement des cas problématiques qui nous ont été signalés. A l’UMP, qui a imposé la réforme des retraites sans tenir compte de ces situations particulières, à l’Etat français, initiateur de la demande d’aide européenne et premier actionnaire du Groupe, et à Renault, bénéficiaire potentiel de cette aide, de prendre maintenant les leurs afin que nous puissions en sortir par le haut.
Dans cette perspective, je ne peux, Monsieur le Ministre, que vous inviter à apporter une réponse plus constructive au courrier, resté à ce jour sans réponse, que Madame Pervenche BERES, Présidente de la Commission Emploi et Affaires sociales du Parlement européen, Karima DELLI, eurodéputée du Groupe des Verts, et moi-même vous avons adressé la semaine dernière.
Le trilogue budgétaire Parlement-Commission-Conseil, qui s’est réuni mercredi à Bruxelles, a confirmé la suspension de la décision du Parlement européen, dans l’attente des précisions sollicitées auprès de l’Etat français et de Renault. Le rapporteur du dossier a été invité à revoir sa proposition de façon à prendre en compte la situation des anciens salariés impactés par la réforme des retraites. Cette nouvelle délibération pourrait, selon la procédure classique, être soumise au vote de la Commission des budgets dès le début du mois de novembre.
Notre invitation à lever les obstacles juridiques et à travailler avec Renault pour permettre aux salariés intéressés de bénéficier d'une retraite à taux plein sans interruption de droits ni d'indemnités demeure donc plus que jamais d’actualité.
Dans un contexte de raréfaction de l’argent public et de rigueur budgétaire, le « pur scandale » auquel vous faites plusieurs fois référence dans votre réponse consisterait de mon point de vue à signer un chèque en blanc de 24,5 M€ à une entreprise redevenue florissante (3,3Mds de bénéfice net en 2010, un « record historique » en augmentation de + 56% au 1er semestre 2011), sans s’assurer préalablement que certaines des personnes concernées par le plan de reclassement pour lequel le soutien financier de l’Europe est sollicité ne seront pas confrontés à la précarité dans les prochains mois.
Je laisse le soin à ces dernières d’apprécier qui de vous ou de nous aura le mieux défendu l’intérêt général et celui des salariés.
Je vous prie d’agréer, Monsieur le Ministre et Messieurs les Députés, l’assurance de ma considération distinguée.
Estelle GRELIER
Députée européenne