Les attentes de Durban

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Le 21 novembre 2011 par Valéry Laramée de Tannenberg

 

Le prochain sommet climatique mondial se tiendra, à Durban, du 28 novembre au 9 décembre.

Une semaine avant l’ouverture du sommet climatique mondial de Durban, le JDLE fait le tour des questions qui se poseront aux diplomates.

Difficile de mettre une plus grande pression sur les négociateurs de notre avenir climatique. Lundi 21 novembre, l’Organisation météorologique mondiale (OMM) rappelait que jamais, dans l’histoire récente, les concentrations de gaz à effet de serre (GES) n’avaient été aussi importantes qu’en 2010.

Dans son dernier bulletin de mesure de l’atmosphère, l’institution onusienne souligne qu’en moyenne, la concentration de CO2 atteint 389 parties par million (+2,3 ppm en un an) celle de méthane 1.808 parties par milliard (+5 ppb), contre 323,2 ppb pour celle de protoxyde d’azote (+0,8 ppb).

Au total, le forçage radiatif de l’atmosphère par les GES, qui induit le réchauffement climatique, s’est accru de 29 % entre 1990 et 2010, le dioxyde de carbone contribuant pour 80% à cette augmentation, résume l’OMM.

«La teneur de l’atmosphère en GES d’origine anthropique a atteint une fois de plus des niveaux jamais enregistrés depuis l’époque préindustrielle», a déclaré le secrétaire général de l’OMM, Michel Jarraud. «Même si nous parvenions à stopper aujourd’hui nos émissions de GES, ce qui est loin d’être le cas, les gaz déjà présents dans l’atmosphère y subsisteraient encore pendant des dizaines d’années et continueraient de perturber le fragile équilibre de la Terre, planète vivante, et du climat.»

à propos de perturbation du climat, le Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat (Giec) a finalement adopté, vendredi, son rapport spécial sur les événements climatiques. Conclusion: «Depuis un demi-siècle, certains phénomènes extrêmes ont évolué. Le nombre de journées chaudes a augmenté et, parallèlement, les jours les plus froids sont moins nombreux, notamment en Amérique du Nord, en Europe, en Australie. Dans certaines régions, les fortes précipitations deviennent relativement plus fréquentes. Le sud de l’Europe, le pourtour méditerranéen, l’Afrique occidentale sont le théâtre de sécheresses plus intenses et plus longues qu’auparavant», résume Jean Jouzel. Pour le climatologue français, plus de doute possible: «Oui, il y a un lien direct entre les activités humaines et l’augmentation de certains phénomènes climatiques extrêmes».

Cet avertissement est lancé deux semaines après que l’Agence internationale de l’énergie (AIE) a indiqué que nous disposions encore de quelques années pour infléchir la courbe d’émissions de GES afin de limiter le réchauffement à 2°C.

«Chaque dollar d’investissement non réalisé dans le secteur de l’électricité avant 2020 entraînerait 4,3 dollars de dépenses supplémentaires après cette date afin de compenser l’augmentation des émissions», résume le bras énergétique de l’OCDE.

Face à de tels défis, que peuvent les diplomates du climat, qui se réunissent pour leur conclave annuel à Durban (Afrique du Sud), du 28 novembre au 9 décembre?

Faisant toujours miroiter la possibilité de réduire d’un tiers ses émissions entre 1990 et 2020 (soit 10 points de mieux que son objectif actuel), l’Europe milite pour une nouvelle période d’engagement du protocole de Kyoto et pour que les grands pays émergents se dotent de solides politiques nationales climatiques.

Même s’il reste encore un an avant la fin de sa première période, l’avenir dudit protocole est des plus sombres. La Russie, le Canada, le Japon ont annoncé ne plus vouloir y souscrire. Le gouvernement américain n’a pas, de son côté, de mandat du Congrès pour signer un accord contraignant de réduction d’émission.

En théorie, les politiques des émergents sont, elles, déjà avancées. La Chine et l’Inde ont annoncé il y a deux ans à Copenhague vouloir réduire l’intensité carbone de leur économie. Ce qui, croissance économique à deux chiffres oblige, n’empêchera pas leur bilan carbone d’exploser. Le Brésil veut réduire son empreinte carbone en faisant financer par le Nord la lutte contre la déforestation de l’Amazonie. Les pays producteurs de pétrole sont opposés à tout accord, à moins bien sûr que leurs clients ne les dédommagent pour le manque à gagner que signifiera une baisse mondiale des émissions carbonées.

Aussi ronflants soient-ils, ces objectifs restent de toutes façons très en deçà des progrès qu’il nous faut accomplir pour stabiliser le climat. Selon des calculs réalisés par le centre de recherche sur le climat de Postdam, la tendance actuelle nous mène, au mieux, vers un réchauffement de plus de 3°C d’ici la fin de siècle.

Inextricable situation de blocage? Sans doute. Mais certains observateurs ne désespèrent pas de voir les négociateurs de Durban lever quelques freins. A commencer par ceux des financements internationaux. Un récent rapport du programme des Nations unies pour le développement (Pnue) estime entre 86 et 109 Md$ (63,52 et 80,51 Md€) par an l’investissement nécessaire pour s’adapter aux conséquences des changements climatiques.

Or, à Copenhague et à Cancun (en 2010), les pays les plus industrialisés se sont «juste» engagés à verser 30 Md$ (22,15 Md€) d’ici 2013 et 100 Md$ (73,86 Md€) par an dès 2020 au fameux Fonds vert. «Le Fonds vert ne servira à rien, souligne Alix Mazounie, du Réseau Action Climat-France (RAC), s’il n’est pas abondé. Or, aujourd’hui, nous n’avons aucune indication des gouvernements quant à savoir combien ils mobiliseront et quand.»

Certes, la crise est passée par là, mais des observateurs rappellent que les gouvernements regardent désormais avec intérêt les «financements innovants». Le G20 a récemment pris position sur une taxe sur les transactions financières. Le RAC espère aussi qu’une réforme des subventions aux combustibles fossiles (400 Md$ en 2010 -295,45 Md€) et qu’une taxe sur le fret maritime (rapportant 15 Md$ par an -11,08 Md€) puissent être discutées à Durban avant, peut-être, d’être adoptées en 2012.

Responsable Pôle international au RAC-F, Sébastien Blavier estime qu’il faut tout tenter pour redonner vie au protocole de Kyoto, car «on ne sortira pas un nouveau cadre juridique global du chapeau». Cette résurrection pourrait toutefois nécessiter une réforme des mécanismes de flexibilité (mécanisme de développement propre, échange des quotas nationaux, mise en œuvre conjointe), ce qui n’est pas gagné d’avance.

En attendant, un rapport du Pnue souligne l’urgence à réduire les émissions d’hydrofluoroarbures (HFC). Très stables, ces puissants gaz à effet de serre ne représentent, certes, que 1% des émissions mondiales de GES. Mais si rien n’est fait pour en réduire l’usage, ils pourraient représenter entre 3,5 et 8,8 milliards de tonnes équivalent CO2 par an d’ici 2050.

Détail non négligeable, les États-Unis sont favorables à ce que le protocole de Montréal interdise l’utilisation de ces HFC. Au grand dam, bien sûr, de la Chine.

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