OPECST : une sortie précipitée du nucléaire serait contre-productive pour le développement des ENR


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Pour les parlementaires de l’Opecst, le nucléaire reste indispensable pour assurer la transition énergétique de la France. Ils proposent une baisse progressive de sa part dans la production électrique, de 75 % aujourd’hui à moins de 40 % en 2050.

 

L’Opecst prévoit la construction d’une trentaine d’EPR d’ici 2050

C’est un scénario énergétique « raisonné » qu’a présenté l’Office parlementaire des choix scientifiques et technologiques (Opecst) au terme de sa mission sur la sécurité nucléaire et l’avenir de la filière nucléaire, initiée en mars, après la catastrophe de Fukushima. Après avoir auditionné de nombreux acteurs et visité le Japon et l’Allemagne, les parlementaires estiment qu’une sortie « précipitée » du nucléaire déséquilibrerait l’économie française et entraînerait un doublement des émissions de CO2 de la production énergétique, lié à des importations massives d’électricité et de ressources fossiles. A contrario, un maintien du parc nucléaire au niveau actuel (prolongement de la durée de vie des centrales à 50 ans et remplacement de chaque réacteur arrivé en fin de vie) « nous exposerait et nous fragiliserait ». « Regardons l’exemple du Japon : un accident grave entraîne l’arrêt de tous les réacteurs. Au niveau actuel, nous sommes à la merci d’un incident sériel qui entraînerait des conséquences lourdes« , explique Christian Bataille, l’un des rapporteurs de la mission. Les parlementaires ont donc développé un troisième scénario, avec un allongement de la durée de vie des centrales à 50 ans « sous réserve de l’avis de l’Autorité nucléaire (ASN) » et un renouvellement partiel du parc (un réacteur sur deux remplacé par un EPR).

L’Allemagne et le Japon : deux exemples riches d’enseignement pour l’Opecst

Au cours de leur mission, les parlementaires de l’Opecst se sont rendu en Allemagne et au Japon afin de tirer les enseignements de « deux situations atypiques«  du point de vue du nucléaire. L’Allemagne, après la catastrophe de Fukushima, a décidé de sortir du nucléaire d’ici 2022, une énergie qui assurait jusque-là 22 % de son approvisionnement électrique. « L’Allemagne sort du nucléaire mais ce n’est pas le royaume des énergies renouvelables contrairement à ce que l’on dit, analyse Christian Bataille. C’est plutôt le royaume du charbon et des énergies fossiles ». En 2010, les ENR représentaient 17 % de l’électricité allemande. Le pays s’est fixé un objectif de 35 % en 2020 et 80 % en 2050. Mais deux défis majeurs doivent être résolus par les Allemands, estiment les parlementaires : parvenir à stocker l’énergie pour gérer l’intermittence des énergies renouvelables et développer le réseau de transport reliant les capacités de production du Nord aux centres de consommation au Sud. « En attendant, l’Allemagne n’est pas prête de sortir du charbon », ironise Christian Bataille. Le charbon représentait 43 % de la production électrique en 2010. L’Allemagne risque également d’accroitre sa dépendance énergétique : si le gaz représentait 14 % de l’électricité allemande en 2010, « sa part augmentera inexorablement dans les prochaines années ».

Quant au Japon, « si les centrales sont en capacité de redémarrer depuis mars dernier, elles ne redémarrent pas » du fait du blocage des élus locaux et de la population. La plupart des réacteurs (54 au total) sont à l’arrêt aujourd’hui, alors que le nucléaire représentait 25 à 30 % de l’électricité japonaise. De ce fait, « les compagnies d’électricité ont mobilisé intensément les moyens de production classiques à flamme » depuis Fukushima. Mais selon les prévisions, la mobilisation de l’ensemble des solutions de secours à l’avenir, après un arrêt de tous les réacteurs, laissera un déficit de 10 % de la demande non satisfaite.

Une trentaine d’EPR d’ici 2050

Pour éviter ces deux scénarios, l’Opesct a donc envisagé un troisième scénario afin de « disposer d’une production électrique suffisante, préserver l’indépendance énergétique du pays (50 % actuellement) et le tissu économique et industriel par une électricité abordable et maintenir une neutralité environnementale de la production électrique française ». Le maintien d’une filière nucléaire en France est également un choix stratégique pour les parlementaires qui ne souhaitent pas voir disparaître « toute cette connaissance accumulée ».

Pour toutes ces raisons, « l’énergie nucléaire, dans les conditions de sûreté renforcée prenant en compte les enseignements de l’accident de Fukushima, doit conserver son rôle de pilier du bouquet électrique français », le temps d’organiser la transition vers d’autres technologies pas encore mâtures (ENR, stockage de l’énergie, smart grids…). Pour établir ce scénario, l’Opesct a misé sur une stabilité de la consommation électrique (baisse des consommations dans le bâtiment grâce à un gros chantier de rénovation mais hausse des usages). Dans ce scénario, d’ici 2036, une vingtaine d’EPR seront construits. La part du nucléaire dans la production d’électricité française représentera alors les deux tiers de la production actuelle (75 % aujourd’hui). En 2052, le parc nucléaire comptera 30 réacteurs et produira la moitié du niveau actuel, soit moins de 40 % de l’électricité française.

Selon les parlementaires, s’appuyer sur le nucléaire le temps de la transition permettra, grâce à un prix relativement bas de l’électricité, de financer le déploiement des énergies renouvelables. « Un arrêt précipité enclencherait un cercle vicieux qui contrarierait l’objectif d’accroître la place des énergies renouvelables ». Et de parler d’effet ciseau : « une trajectoire trop directe pour obtenir des bénéfices va activer d’elle-même des facteurs antagonistes accroissant à rebours des charges et des contraintes au point d’annihiler les gains souhaités ».

Mais « cette trajectoire n’interdit en rien une évolution plus rapide si les processus de maturation industrielle s’accélèrent, ou si des ruptures technologiques permettent de sauter des étapes sur le chemin de l’abaissement des coûts jusqu’à la viabilisation économique », préviennent les élus.

Sophie Fabrégat

 

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