19 % des cancers pourraient être liés à l’exposition à des produits toxiques

Colloque international intitulé “cancers et expositions environnementales”

http://www.viva.presse.fr/19-des-cancers-pourraient-etre_16293.html

Environ 90 % des cancers sont d’origine environnementale, le reste est génétique. C’est dit. Mais qu’on ne se méprenne pas : il s’agit de l’environnement au sens large qui englobe les modes de vie, l’alimentation, le tabagisme, l’alcool, les UV, les expositions professionnelles, la pollution chimique, etc. En un mot, presque tout.
Tel a été le message, pour le moins consensuel, transmis hier lors d’un colloque international intitulé “cancers et expositions environnementales”, organisé par l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses).

Des millions d’ouvriers exposés en Chine
Mais comment quantifier la part de chacun de ces risques dans l’incidence du cancer qui a augmenté de 60 % en trente ans ? Difficile. Car si des facteurs sont bien identifiés comme le tabagisme – et encore plus quand il est précoce – qui accroît le cancer du poumon, les graisses trans industrielles impliquées dans la survenue du cancer du sein ou encore les rayons du soleil responsables de 1 600 morts par mélanome en France chaque année, d’autres sont encore controversés ou sous-estimés.
C’est le cas des expositions professionnelles à divers cancérigènes qui, selon David Christiani, professeur à l’école de santé publique de Haward aux États-Unis, “représentent au moins 6 % des cancers dans les pays industrialisés mais cette estimation est sous-évaluée”. Et le pire est à craindre dans les pays en développement où 7 millions de nouveaux cas de cancers sont diagnostiqués chaque année.
Rien qu’en Chine, 750 millions d’ouvriers sont soumis à des risques importants, “plus que la population exposée en Europe et aux États-Unis pendant la révolution industrielle” », affirme David Christiani.

Environ la moitié des cancers inexpliqués
Une chose est certaine : si le tabac est responsable d’environ 45 % des tumeurs du poumon dans le monde, il ne cause pas tout. Il y a environ un cancer sur deux qu’on ne sait pas expliquer. “Tous les cancers du poumon ne sont pas liés à la cigarette, même si on l’élimine, ce type de cancer reste très prépondérant, précise David Christiani. En revanche, il est possible que le tabac interagisse avec d’autres agents cancérigènes”.
Sauf que pour le savoir, il faut qu’on s’y intéresse. “Il est absolument nécessaire de travailler sur les expositions aux produits chimiques”, avertit le chercheur qui évalue à 19 % les cancers liés à des produits toxiques présents dans l’environnement au travail, mais aussi à la maison, dans la vie quotidienne. “On ne s’y consacre pas assez. J’ai publié un article allant dans ce sens dans le New England Journal of Medecine mais j’ai été critiqué par mes collègues qui sont convaincus que c’est principalement l’hygiène de vie, le tabac, l’alimentation, la sédentarité qui sont en cause dans le cancer”.

Pas un mot sur les sujets controversés
Les faits pourraient les contredire. Pour cause, bien que l’on manque encore de preuves avérées chez l’homme, de plus en plus de substances sont suspectées.
On l’a vu récemment avec le Bisphénol A que l’on retrouve dans nos boîtes de conserve et que la France vient d’interdire. Pesticides, PCB, parabènes sont d’autres perturbateurs endocriniens qui inquiètent et dont les députés français ont demandé l’interdiction pour certains en vertu du principe de précaution. Mais curieusement, on en a rien dit lors de ce colloque consacré aux causes environnementales du cancer si ce n’est une phrase au détour d’une question de la salle à laquelle Françoise Clavel-Chapelon, chercheuse à l’Inserm, a répondu : “Pour le moment, les données ne sont pas convaincantes mais il est probable qu’une partie des cancers du sein provienne d’une exposition aux perturbateurs endocriniens. Il faut faire des études”.
Rien non plus sur la téléphonie mobile qui compte 4,5 milliards d’utilisateurs dans le monde et dont l’impact sur la santé inquiète. Pourtant, en juin dernier, le Centre international de recherche contre le cancer (Circ) dont le directeur, le Dr Christopher Wild, était présent, a classé les ondes émises par les portables comme étant possiblement cancérigènes. “Les données ne permettent pas d’exclure le risque mais nous n’avons pas de résultats définitifs, a signifié Cristopher Wild. C’est un bon exemple des limites de la science alors que le public veut des réponses claires”.

Pesticides et susceptibilités génétiques
Une certitude, cependant, sur l’impact de certains produits chimiques sur les cancers : une étude menée de 1993 à 1999 en Caroline du Nord aux États-Unis a révélé que les agriculteurs qui ont utilisé régulièrement du fonofos, un insecticide interdit depuis 1997, avaient un risque augmenté de cancer de la prostate lorsqu’ils avaient par ailleurs des antécédents familiaux de ce cancer.
Certaines substances pourraient donc réveiller des susceptibilités génétiques. L’hypothèse a été aussi évoquée dans une étude américaine sur des infirmières ménopausées exposées à du DDT et à des PCB. Aucune association avec un risque de cancer du sein n’a été relevé excepté chez celles ayant une hérédité familiale de cancer du sein. “Mieux ne vaut pas être au contact de produits chimiques, car indépendamment des cancers, il peut y avoir d’autres maladies et nous ne savons pas tout”, pointe Jane Hoppin, chercheuse à l’Institut national de la santé et de l’environnement américain.

Priorité à l’évaluation des expositions et à la prévention
Mais pour que les connaissances et les recherches avancent, il faut le vouloir. “On investit dans les mécanismes du cancer et dans les traitements mais il faut donner une priorité plus grande aux causes du cancer et à la prévention, prévient Christopher Wild. D’ici à 2030, le nombre de cancers va augmenter de manière très significative dans les pays à revenus moyens et faibles. On ne peut pas s’intéresser à ce problème que sur le plan du soin. Nous avons besoin de biomarqueurs pour mieux mesurer les expositions, notamment à des moments critiques de la vie comme la grossesse ou la petite enfance”.
De fait, quand on cherche on trouve. En 2010, 35 cancers professionnels liés au benzopyrène (un hydrocarbure aromatique polycyclique classé cancérigène probable par l’Union européenne) ont été reconnus par l’assurance maladie : 60 % étaient des cancers de la vessie, les autres des cancers du poumon. “Seulement 7 étaient recensés avant. Si il y en a tant maintenant c’est qu’on a mené une expérimentation dans le nord de la France et qu’on les a cherché, insiste Anne Maître, chercheuse en santé au travail à Grenoble. Le problème, c’est qu’en faculté de médecine, les étudiants n’ont pas 10 heures de cours consacrées à la médecine du travail” .

Ce n’est pas seulement la dose qui fait le poison
Or, sans devenir parano, il y a urgence à approfondir les données. Au moins pour deux raisons :
– Primo, “ce n’est pas uniquement la dose qui fait le poison, rappelle David Christiani. Dans le cancer de la plèvre du à l’amiante, il n’y a pas un dosage en dessous duquel le risque n’existe pas donc n’importe quelle exposition est à risque. C’est là où on a des niveaux très bas qu’il faut faire des études car c’est là que la controverse est la plus grande”.
– Secundo, avec 320 000 nouveaux cas par an, le nombre de cancers ne cesse d’augmenter. L’incidence des cancers du sein a doublé depuis les années 1980, celle du cancer de la prostate explose aussi, et les cancers des enfants, notamment les leucémies et les lymphomes connaissent une augmentation considérable depuis 30 ans. Ils sont la deuxième cause de mortalité des moins de 15 ans dans pays industrialisés.
Pourquoi ? C’est toute la question. Une question à laquelle ce colloque n’a pas répondu. Et qui n’est sans doute pas prêtre d’être tranchée, des chercheurs en santé environnementale viennent, en effet, d’être privés de financements par l’Agence nationale de la recherche pour un appel à projet intitulé “Contaminants et environnement”. Bizarre…

www.anses.fr

Articles précédents :
Pourquoi il faut interdire les perturbateurs endocriniens
Les cancers des enfants augmentent

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