Le pétrole déclinera peu après 2015

 selon un ancien expert de l’Agence internationale de l’énergie

 

Olivier Rech a élaboré les scénarios pétroliers de l’Agence internationale de l’énergie (AIE) durant trois ans, jusqu’en 2009. Il conseille désormais d’importants fonds d’investissements pour le compte de La Française AM, un gestionnaire d’actifs parisien.

Ses pronostics sur l’avenir de la production de pétrole sont aujourd’hui beaucoup plus pessimistes que ceux publiés par l’AIE…

Un élément de plus, et non des moindres, à ajouter à la liste déjà fort longue des sources de premier plan qui agitent la menace d’un déclin imminent des extractions mondiales de brut.

Olivier Rech, responsable des questions pétrolières au sein de l’Agence internationale de l’énergie de 2006 à 2009.

 

Quels sont vos pronostics ? Commençons par les pays producteurs en dehors de l’Opep [qui représentent 58 % des extractions et 23 % des réserves mondiales].

Hors Opep, les choses sont claires : sur 40 millions de barils par jour (Mb/j) de pétrole conventionnel extraits des champs existants, on est face à un déclin annuel de l’ordre de 1 à 2 Mb/j.

Selon vous, on est donc proche du déclin de 5 % par an de la production existante évoqué par Shell ?

Oui, c’est à peu près ça.

Et pour la production des pays de l’Opep [42 % des extractions et 77 % des réserves mondiales] ?

C’est plus difficile à dire, les données sont toujours aussi opaques, on reste dans le brouillard. Je remarque néanmoins que les banques Barclays et Goldman Sachs estiment que les capacités de production non-utilisées de l’Opep, notamment celles de l’Arabie Saoudite, sont bien moins importantes que ce qui est annoncé officiellement.

De nombreux nouveaux projets de production sont actuellement en cours de développement. Que faut-il en attendre ?

En effet, il y a de nouveaux projets au large du Brésil, du Ghana et de la Guyane. Le golfe du Mexique est encore loin d’être épuisé. L’Arctique, c’est plus incertain, mais il y a un vrai potentiel pour le gaz naturel. Cependant, il faudra compter encore une décennie avant d’en voir sortir une production significative, éventuellement de pétrole.

Alors le pic et le déclin de la production mondiale de pétrole, c’est pour quand, selon vous ?

Il est toujours délicat d’avancer une date précise. Les taux de récupération des champs existants augmentent. Aux États-Unis, la production à terre décline très lentement (il faut dire qu’ils forent comme des fous là-bas). C’est une erreur de sous-estimer le savoir-faire des ingénieurs spécialistes du forage.

Compte tenu de tous ces facteurs capables de retarder un déclin, quelle est votre conclusion ?

On restera certainement en-dessous des 95 Mb/j pour l’ensemble des pétroles conventionnels et non-conventionnels.

Donc, vous êtes nettement plus alarmiste que l’AIE et que Total, le plus pessimiste des groupes pétroliers, qui évoque la possibilité de maintenir la production sur un plateau situé aux alentours de 95 Mb/j jusqu’en 2030.

C’est exact. La production de l’ensemble des pétroles se trouve déjà sur un plateau depuis 2005, autour de 82 Mb/j. [NDLR : avec les biocarburants et la transformation du charbon en carburant liquide, on arrive à 88 Mb/j]. Il me paraît impossible d’aller beaucoup plus loin. Puisque la demande, elle, devrait continuer à augmenter (sauf, peut-être, si la crise gagne les économies émergentes), je m’attends à voir les premières tensions d’ici 2013-2015.

Et ensuite ?

Ensuite, d’après moi, ce sera un déclin de la production de l’ensemble des carburants liquides sur la période 2015 à 2020. Un déclin pas forcement rapide d’ailleurs, mais un déclin, ça semble clair.

Vous dites « pas forcément rapide ». Pourquoi ?

Tout va dépendre du rythme auquel les filières de pétroles non-conventionnels vont pouvoir se développer. La transformation du charbon et du gaz naturel en carburant liquide restera infinitésimale. Pour les biocarburants de première génération, je pense qu’on est déjà proche de la limite maximale. En ce qui concerne la seconde génération, on en est encore au stade des pilotes industriels. Pour arriver à une production significative à l’échelle mondiale, de 2,5 Mb/j mettons, il faudra compter encore un quart de siècle.

Tout cela sera insuffisant pour compenser le déclin des champs existants de pétrole conventionnel, d’après vous ?

Insuffisant, oui.

Sources: Le Monde du 21 décembre 2011

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