Sept détenus de la maison d’arrêt de Dunkerque font condamner l’État pour « traitement dégradant »

C’est une première dans la région. Conséquence de la surpopulation carcérale, sept détenus de la maison d’arrêt de Dunkerque ont obtenu une condamnation de l’État pour des « traitements inhumains et dégradants ». Le tribunal administratif a contraint l’État à leur verser,en moyenne, 150 E par mois de détention pour leur préjudice moral. D’autres procédures sont en cours d’examen, visant les établissements de Loos, Sequedin et Douai.
Sept détenus entassés dans un réduit de dix-sept mètres carrés, dont un qui dort à même le sol, « le nez dans la poubelle », précise Michel, un « ex » de la FB n° 006, du nom de la cellule. Pas de ventilation, un WC qui isole visuellement mais pas des bruits ni de l’odeur. Des codétenus qui se marchent sur les pieds. À la maison d’arrêt de Dunkerque, cette situation n’a rien d’exceptionnelle. Mais c’est aussi le quotidien de nombreux autres écroués dans la région.

« Traitements inhumains »

Pour le tribunal administratif de Lille, cela constitue une atteinte à l’article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales : « Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains et dégradants. » Hygiène, espace vital – la loi impose 7 m² par détenu, dans ce dossier on est à 2,4 m² -, luminosité des locaux, accès aux droits : le droit français, aussi, garantit des conditions d’incarcération décentes. Elles n’ont pas été respectées.
Sept détenus incarcérés au cours de l’année 2010 à la maison d’arrêt de Dunkerque ont obtenu, hier, la condamnation de l’État, par le tribunal administratif de Lille, à leur verser des dommages et intérêts pour leur préjudice moral.
Les sommes allouées ne sont pas mirobolantes : entre 170 et 1 000 E, hors frais de procédure, selon les plaignants. La durée d’incarcération conditionne en partie les dommages et intérêts. Mais le plus important pour les détenus, c’est le sentiment d’une dignité retrouvée, celle du citoyen encore en capacité d’exercer ses droits.
Leur avocat au barreau de Dunkerque, Me Jean-Pierre Mougel, salue une « bonne décision du tribunal administratif, instance qui a su montrer son indépendance. Mais attention. Il ne s’agit pas du procès de la maison d’arrêt de Dunkerque en particulier, dont la fermeture contestée – et je partage ce point de vue – est programmée pour 2016, mais plutôt des situations engendrées par la surpopulation carcérale. » Une analyse partagée par Anne Chereul, déléguée régionale de l’observatoire international des prisons. « C’est la première condamnation de l’État dans la région, dénonçant les conditions de détention. Mais il y a d’autres procédures en cours. Deux visant la maison d’arrêt de Loos, dont une plainte émanant d’un détenu en fauteuil roulant, deux contre le centre de détention de Loos, deux contre la maison d’arrêt de Sequedin et deux pour Douai. » Rien à la maison d’arrêt insalubre de Béthune, ni à Valencienne, alors que les taux d’occupation affichent des chiffres affolants(lire par ailleurs). « Le problème c’est que les procédures sont lourdes, mettent du temps. Les détenus la font rarement en prison, par peur des mesures de rétorsion. Une fois sortis, ils veulent tourner la page. Pourtant, les tribunaux sont à l’écoute et n’hésitent pas à condamner l’État quand cela se justifie », déplore Anne Chereul.
La surpopulation, problème récurrent
 C’est la surpopulation carcérale, le manque d’espace vital des détenus qui conduit majoritairement les tribunaux administratifs à condamner l’État français. Un État qui respecte peu ses propres lois, dont celle du 24 novembre 2009 définissant les conditions acceptables de l’incarcération. Cela, faute d’investissements dans les établissements pénitentiaires. En 2010, à la maison d’arrêt de Rouen, trente-huit détenus ont attaqué l’État devant le tribunal administratif, obtenant gain de cause et 3 000 € de dommages et intérêts chacun. La promiscuité, l’hygiène et l’absence d’intimité ont été les arguments qui ont pesé dans la balance.
L’affaire a fait tache d’huile. C’est d’ailleurs de sa prison de Dunkerque, en regardant le reportage sur France 3 évoquant le combat des incarcérés de Rouen, que Michel a décidé d’engager une procédure (lire ci-contre). Au mois de janvier de cette année, sur le front de la surpopulation carcérale dans la région, la situation n’était guère brillante. Béthune arrive en tête. Pour une capacité de 180 places, on compte 387 détenus, soit un taux d’occupation de 215 %, dans des locaux particulièrement insalubres. Valenciennes est à 182 % de taux d’occupation (222 places pour 406 détenus). Douai en accueille 643 pour 389 places (165 % de taux d’occupation). Longuenesse sature largement avec une capacité de 196 places pour 357 détenus (182 % de taux d’occupation). Lille-Loos- Sequedin abrite 859 détenus pour 596 places…
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