Gaz de schiste : des règles d’or pour convaincre les opinions publiques

 

L’AIE a présenté des règles de bonne conduite pour surmonter l’opposition aux hydrocarbures non-conventionnels et atteindre l’âge d’or du gaz. Une stratégie qui, si elle s’appliquait, pourrait pénaliser les EnR.

Gaz de schiste : des règles d'or pour convaincre les opinions publiques
© AIE

Mardi 29 mai 2012, l’Agence internationale à l’énergie (AIE) a publié des Règles d’or pour l’âge d’or du gaz proposant des bonnes pratiques spécifiquement destinées à l’exploitation des hydrocarbures non-conventionnels, et en particulier aux gaz de schistes. Le document de 150 pages doit répondre aux préoccupations des opinions publiques afin de favoriser la réalisation du scénario de l’AIE Golden Age of Gas (GAS) selon lequel le gaz détrônerait le charbon aux alentours de 2030 pour devenir la deuxième source d’énergie mondiale après le pétrole et fournir un quart de l’approvisionnement mondial en énergie primaire en 2035.

« L’exploitation des importantes ressources de gaz naturel non-conventionnel est la clé de l’âge d’or du gaz », juge l’Agence dont le rapport rédigé en anglais n’est traduit qu’en deux langues, le chinois et le polonais, soulignant de fait l’intérêt porté par ces deux pays aux ressources gazières non-conventionnelles.

Surmonter les oppositions publiques

Les règles proposées par l’AIE mettent l’accent sur la transparence, l’évaluation et le suivi des impacts environnementaux, l’attention portée aux communautés locales, le choix attentif des sites de forage, la prévention des fuites des puits vers les aquifères, le contrôle de la consommation d’eau et le traitement des eaux polluées ou encore la limitation du brulage de gaz en torchère. Autant de mesures dont le coût moyen devrait être limité à 7 % des coûts opérationnels. Les économies d’échelle associées aux plus grands projets devraient même compenser ces surcoûts assure Fatih Birol, l’économiste en chef de l’Agence.

« Les technologies et le savoir-faire nécessaires à la production de gaz non-conventionnel dans le respect de l’environnement existent, mais si les impacts sociaux et environnementaux ne sont pas pris en compte de façon appropriée, il y a une possibilité tout à fait réelle de voir l’opposition publique aux gaz de schiste et autres hydrocarbures non-conventionnel mettre un terme à la révolution gazière en cours », juge l’Agence. Les exploitants doivent donc faire la preuve de leur exemplarité et les gouvernements doivent assurer la mise en place d’un cadre règlementaire approprié.

Deux scénarios

Le document décline le scenario GAS en deux trajectoires distinctes. Avec l’option Golden Rules Case, qui se base sur la généralisation des règles d’or, l’AIE juge possible « une vive expansion de l’approvisionnement en gaz non-conventionnel assortie de conséquences d’une grande portée ». Parmi les conséquences attendues figurent un triplement de la production de gaz non-conventionnel entre 2010 et 2035, une pression à la baisse exercée sur les prix du gaz, des investissements et des emplois…

A l’inverse, l’hypothèse Low Unconventional Case découlant de la non mise en application des règles de bonne conduite proposées par l’AIE et d’un rejet des projets gaziers par le public ne prévoit qu’une faible hausse de la production gazière. Une telle situation aurait notamment pour conséquence des émissions de CO2 liées à la production électrique plus élevées.

Cependant, l’écart entre les deux scénarios développés par l’agence peine à convaincre. Selon l’AIE, en 2035 les émissions de gaz carbonique liées à la production électrique dans un monde qui aurait en grande partie renoncé aux gaz de schiste ne dépasserait que de 1,3% celles associées à la « vive expansion » défendue par l’Agence. Compte tenu de l’échéance de la prévision et des difficultés inhérentes à l’exercice, l’écart ne paraît pas décisif. Cela d’autant plus que l’AIE souligne que dans les deux situations « les émissions sont bien supérieures à ce que préconise la trajectoire permettant de limiter à 2°C la hausse moyenne des températures globales ».

Effets pervers

Cette incapacité à réduire sensiblement les émissions de CO2 est à plusieurs reprises avancée dans le rapport : dans un monde consommant toujours plus d’énergie, l’AIE estime qu’un gaz peu cher permettra avant tout d’assurer une part importante des nouvelles consommations. En effet, l’Agence n’envisage pas de substituer massivement le gaz au charbon ou au pétrole.

« La prévision globale s’agissant des sources énergétiques renouvelables n’est pas substantiellement affectée par la croissance du recours au gaz dans le Golden Rules Case », commente l’AIE. Reste que la production électrique mondiale à partir des sources énergétiques renouvelables serait malgré tout amputée de 5 % par rapport au scénario de référence.

Un gaz naturel abondant et des prix de l’électricité bas, retardant la parité réseau des renouvelables, détourneraient les investisseurs des renouvelables. A l’inverse, un développement du gaz simplifierait la gestion de l’intermittence grâce au recours aux centrales d’appoint à gaz. Et de conclure que la place accordée aux renouvelables dans un monde où le gaz serait abondant ne dépendra que de la volonté des Etats…

La France et son interdiction

Enfin le rapport détail aussi les stratégies appliquées par certains pays. S’agissant de la France, l’AIE revient sur les étapes ayant conduit à l’interdiction de la fracturation hydraulique. Dans le scénario Golden Rules Case, les spécialistes de l’AIE estiment que la France y renoncera et que la production gazière croitra sensiblement à partir de 2020 pour atteindre, en 2035, 8 milliards de m3 de gaz par an et quelques dizaines de milliers de barils par jour de pétrole. A comparer aux consommations actuelles : quelque 40 milliards de m3 de gaz par an et environ 2 millions de barils par jour.

Par ailleurs, le document rappelle la longue histoire de l’exploitation pétrolière dans le Bassin parisien. « Au début des années 1980, la possibilité de trouver de grandes quantité de pétrole a suscité de grand espoirs, mais l’exploration s’est révélée décevante et la production n’a jamais dépassé quelques centaines de milliers de barils par jour », rappelle l’AIE. Une désillusion qui permet de justifier l’existence de réserves non-conventionnelles substantielles. « Certains géologues ont récemment défendu l’idée que l’absence d’importants champs pétroliers s’explique par le fait que les hydrocarbures n’aient pas été expulsés de la roche mère. » Et d’évaluer le volume en place dans une fourchette allant de un à 100 milliards de barils d’huile, tout en admettant ne pas pouvoir détailler la fraction exploitable de ces réserves.

Philippe Collet

  |  Actu-Environnement.com

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