Les citoyens doivent être associés à l’examen des comptes

Les citoyens doivent être associés à l’examen des comptes

Par Frédéric Lemaire, membre d’Attac et du collectif pour un audit citoyen de la dette.

 

François Hollande, nouveau président de la République, a demandé à la Cour des comptes un rapport sur l’état des comptes publics de la France, attendu fin juin. Le principe de cette initiative est intéressant : il s’agit de livrer au grand jour un panorama de la situation des finances publiques. Ce travail risque pourtant de se révéler incomplet s’il se borne à faire état de la dégradation des comptes publics.

En effet, s’il ne se penche pas sur les causes structurelles de cette dégradation, cet « audit » ne permettra pas d’apporter des réponses à la crise des finances publiques. Pire, il pourrait être instrumentalisé pour justifier la mise en place de mesures d’austérité brutales, au prétexte des « risques pesant sur la réalisation des objectifs de finances publiques » qu’il est censé évaluer. Faut-il le rappeler ? En février 2012, le rapport annuel de la Cour de comptes, déjà présidée par Didier Migaud, stipulait qu’il était urgent d’assurer « la crédibilité des engagements de la France », et de lui imposer une véritable cure d’austérité, avec des coupes massives dans les secteurs comme celui de la Sécurité sociale.

De telles mesures ont été prises en Grèce, en Espagne, en Grande-Bretagne, au Portugal et en Irlande : elles ont plongé les économies de ces pays dans la récession cependant que leur déficit atteint des niveaux record.

Nous pensons qu’un examen rigoureux de l’état des comptes publics suppose de prendre en compte l’intégralité des finances publiques, y compris s’agissant des mécanismes producteurs de la dette publique. Il pourrait ainsi s’intéresser à l’impact des exonérations fiscales et de cotisations sociales sur les recettes de l’État, et donc sur son déficit. Autre piste : l’impact de la crise financière et de la recapitalisation des banques. Les banques ont certes remboursé en partie leurs prêts (sauf Dexia), mais l’impact récessif de la crise bancaire a provoqué des déficits, et donc de l’endettement.

À propos de récession, quel est l’impact des mesures de rigueur budgétaire décrétées à l’échelle européenne, quel est le coût de leur effet récessif ? Enfin, concernant la dette conséquente à ces déficits : quel est le coût de l’obligation faite à l’État d’emprunter aux marchés financiers, plutôt qu’à un circuit public de financement ? Il s’agit là de questions essentielles qui doivent être au centre du débat public et qui concernent l’ensemble des citoyens. Que la Cour des comptes se penche sur ces questions, quoi de plus normal puisque cela fait partie de ses missions ? Mais elle n’est pas la seule concernée.

Depuis octobre 2011, des milliers de citoyens, de nombreuses associations et organisations du mouvement social ont engagé et soutenu la démarche du Collectif pour un audit citoyen de la dette (CAC). Plus d’une centaine de collectifs locaux se sont constitués dans toute la France. Ils regroupent des militants associatifs, syndicalistes et citoyens, qui produisent et diffusent des documents, et participent au nécessaire débat sur l’évolution des finances et de la dette publiques. Des communes, des collectivités territoriales, asphyxiées par les emprunts toxiques et des restrictions budgétaires insupportables (réforme régressive de la fiscalité locale, gel des dotations budgétaires, faillite de Dexia…), sont également mobilisées pour réclamer un tel audit. Il est légitime que différents représentants du mouvement social, d’organisations syndicales, des associations d’élus locaux et d’autres acteurs économiques et sociaux soient associés aux travaux demandés à la Cour des comptes.

D’un constat partagé – issu d’un véritable débat citoyen – doivent dépendre les orientations qui vont être prises et engager notre pays (et indirectement, l’Union européenne) pour les années à venir. C’est pourquoi le Collectif pour un audit citoyen a adressé mercredi 13 juin à MM. Moscovici, ministre de l’Économie, des Finances et du Commerce extérieur, et Migaud, premier président de la Cour des comptes, une lettre ouverte pour leur demander de l’associer aux travaux de la Cour des comptes, d’étendre le rapport demandé à un audit de la dette publique, et d’être reçu par le ministre pour préciser ses demandes.

 

La lettre ouverte, signée au nom du collectif par plusieurs responsables associatifs et syndicaux, est disponible sur le site du collectif : http://www.audit-citoyen.org/?p=2697.

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