« L’amitié entre la France et l’Allemagne, ce n’est pas l’amitié entre la France et la politique européenne de Mme Merkel »

Aujourd’hui, le Parti socialiste a réuni son Conseil national au Palais de la Villette à Paris. 

Retrouvez ci-dessous mon intervention dans sa version intégrale.

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Chers camarades,

Notre Conseil national a lieu dans un moment important et notre débat se déroule alors que nous sommes dans un combat.

Et d’abord un combat contre la droite. Ce n’est pas parce qu’elle a été battue qu’elle a disparu. Ni parce qu’un an a passé qu’elle a changé ! La droite est en crise – crise de projet, crise de leader, crise d’alliances. Minée par les divisions, les dissensions, elle ne forge un semblant d’unité que par rejet de la gauche.

Ce n’est pas seulement 2012 que la droite ne digère pas, c’est 2012 et 97 et 81 et même 36. Ce à quoi la droite ne s’habitue pas, c’est à l’alternance. Elle aime tellement les biens qu’elle pense que le pouvoir est le sien, par décret – et même, pour certains, par décret divin. Ne nous y trompons pas : c’est à notre légitimité que la droite s’en prend, c’est au suffrage universel qu’elle en veut, c’est après le chef de l’Etat qu’elle en a.

On le voit : les droites se radicalisent, tendance GUAINO ou canal BARJOT. Radicalisation des méthodes quand des réunions publiques sur le mariage pour tous sont entravées, empêchées, par des extrémistes : amitié à Erwan BINET, rapporteur du texte à l’Assemblée nationale, qui fut la cible de tels agissements. Et puis radicalisation des slogans quand, au Parlement comme au plan local, la jonction s’opère entre une part grandissante de la droite et l’extrême droite. Et qu’ensemble elles dénoncent pêle-mêle les syndicats, les magistrats, les fonctionnaires, les chômeurs qualifiés d’« assistés », nos concitoyens de confession musulmane. Dans les mots et maintenant dans la rue, les droites s’extrémisent et hystérisent. Il est temps, il est grand-temps, qu’à l’UMP, ceux qui se revendiquent des valeurs humanistes affirment qu’à « la Manif pour tous », ils préfèrent la République de tous.

Nous respectons l’opposition ; nous combattons la réaction. Et nous ne laisserons rien passer. N’en déplaise à M. COPE, la transparence de la vie publique pour qu’on ne puisse plus être parlementaire et avocat d’affaires, nous la ferons ! N’en déplaise à M. CARREZ, la publication par les banques françaises de la liste de leurs filiales partout dans le monde, pays par pays, nous la ferons ! N’en déplaise à M. CHÂTEL, la réforme de la carte scolaire pour en finir avec les établissements ghettos dans les quartiers populaires, nous la ferons ! Et n’en déplaise à M. FILLON, les réformes constitutionnelles, pour renforcer l’indépendance de la justice et le dialogue social, nous les ferons !

Le message des socialistes est fort et il est fier, c’est celui que vient de nous adresser notre Premier ministre Jean-Marc AYRAULT : le changement, nous le faisons, nos engagements nous les tiendrons.

Notre combat, c’est aussi la confrontation avec la droite européenne pour réorienter l’Europe. Cette semaine, on a beaucoup évoqué le legs politique de Mme THATCHER. Certaines images étaient en noir et blanc, on se disait : « c’était il y a longtemps ». Mais le jour de sa disparition, l’actuel Premier ministre britannique, M. CAMERON, déclarait vouloir une Europe « plus ouverte, plus concurrentielle, plus déréglementée ». En Europe non plus, les conservateurs n’ont pas changé. Emmenés par la droite allemande – qui n’est pas le peuples allemand -, ils ne jurent que par l’austérité qui plonge tant de pays dans la détresse.

L’heure de l’explication fraternelle mais franche est venue. L’heure de réussir la convergence fiscale et sociale contre les dumpings. L’heure d’investir, via la BCE ou un budget digne de ce nom, dans les infrastructures énergétiques, numériques, de santé, de transports collectifs – des projets innovants, écologiques, riches en emplois. L’heure d’assouplir l’euro cher. L’heure aussi de protéger notre industrie des produits importés qui ne respectent ni les règles sociales, ni les normes environnementalesen vigueur dans l’Union. L’heure, enfin, de demander à la première économie d’Europe s’il est juste de réaliser une large part de son excédent commercial au détriment de ses voisins.

Ces interrogations ne sont pas des agressions, elles sont le début des solutions. L’amitié entre la France et l’Allemagne, ce n’est pas l’amitié entre la France et la politique européenne de Mme MERKEL. Cette politique menace d’ailleurs l’Allemagne elle-même ! Aucun pays, fût-il pourvu du PIB le plus élevé, ne peut espérer être un îlot de richesse dans un océan de misère. C’est à l’intelligence de nos amis Allemands qu’il faut nous adresser. C’est ainsi que font les amis.

Nous admirons les réussites allemandes, et de certaines, nous nous inspirons : entreprises de taille intermédiaire conquérantes, financement régionalisé des entreprises, dialogue social de confrontation des intérêts mais qui bâtit des compromis, comptes publics maîtrisés qui donnent de la crédibilité. C’est le versant positif du modèle allemand. Mais il a aussi une autre face : 16 % de la population vit sous le seuil de pauvreté et 2 millions de travailleurs gagnent 4 euros ou moins de l’heure. La fin de l’austérité, de nombreux salariés et retraités allemands aussi y a droit !

C’est au nom de l’intérêt général européen que cette discussion doit avoir lieu. L’Europe n’est pas condamnée à être un continent en récession dans un monde de croissance ! Il n’y a pas de fatalité à ce que la zone euro compte 20 millions de demandeurs d’emplois ! C’est cette volonté qu’a portée Harlem DESIR, notre Premier secrétaire, lorsque nous nous sommes rendus à Berlin pour échanger avec nos amis du SPD.

Depuis son élection, François HOLLANDE a voulu et obtenu un pacte de croissance, des pare feux face à la spéculation, une supervision bancaire, la taxation des transactions financières. Pour obtenir d’autres avancées, il a besoin de tout notre soutien. Qu’il sache qu’il peut compter sur le Parti socialiste et sur l’immense majorité des Français qui veulent une Europe volontaire, solidaire, pas une Europe austéritaire. C’est le sens de notre Convention nationale. Ce sera l’enjeu des élections de l’an prochain.

Notre combat, c’est enfin le combat pour le redressement de la France et pour l’emploi. Les Français savent qu’il existe deux impasses – ils les ont d’ailleurs refusées l’une et l’autre : celle qui consiste à s’aligner sur l’austérité et celle qui prétend qu’il n’y a pas à reconquérir de la compétitivité. Pour réorienter à l’extérieur, il faut en même temps redresser à l’intérieur.

La politique engagée par le Président de la République conjugue le sérieux – qui n’est pas l’austérité – et la croissance – qui n’est pas mécaniquement soutenue par toute forme de dépense. La décennie UMP restera dans les manuels d’histoire comme celle du surendettement du pays et du sous-investissement dans l’économie. L’héritage de la droite, c’est une dette qui représente 90 % de la richesse nationale et une base industrielle tombée à 12 % de la valeur ajoutée – 15ème sur 17 dans la zone euro.

C’est parce qu’il y a eu abaissement qu’il faut le redressement. Ce n’est pas un enjeu de comptabilité, c’est une exigence de souveraineté. Ce n’est pas de la gestion, c’est de la reconstruction. Ce n’est pas de la technique, c’est de la politique. J’ai souvent dit, dans nos réunions, que le défi le plus important pour les hommes et les femmes qui, comme nous, ont choisi de s’engager tient dans cet enjeu : cette question : faire que les lieux de pouvoir soient encore des lieux de puissance. Comment y parvenir, sinon en retrouvant de la souveraineté sur le cours des choses ?

Le redressement financier, c’est la souveraineté pour ne pas dépendre de l’argent des autres. Le redressement productif, c’est la souveraineté pour ne pas dépendre des produits, des technologies, des énergies des autres. Et le redressement éducatif, c’est la souveraineté pour ne pas dépendre du savoir et des brevets des autres. C’est ce qui fait la cohérence de la banque publique d’investissement, des contrats de génération, de la sécurisation de l’emploi et du recrutement de 40 000 postes dans l’Education nationale cette année. Oui, la gauche, c’est la souveraineté et la droite, c’est l’austérité.

J’ajoute que le redressement autant qu’économique, doit être démocratique. Nous avons été blessés par la faute de celui qui fut l’un des nôtres. Mais nous voulons que notre démocratie sorte renforcée après le mal qu’elle a subi – qu’il s’agisse de lutter contre la fraude fiscale ou d’affronter la délinquance financière. C’est une exigence morale. C’est aussi un impératif social car l’argent qui disparaît dans les trous noirs de la finance manque aux caisses de l’Etat pour financer la protection sociale et les services publics.

Chers camarades, de tous ces combats, nous ne sortirons vainqueurs que si nous sommes mobilisés et rassemblés. Notre rassemblement est celui qui permet tous les autres – celui de la gauche et celui des Français. Redresser la France, réorienter l’Europe, rassembler notre peuple, c’est notre mission historique. C’est aussi un devoir patriotique.

 

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