Les paysages ont-ils une influence sur les maladies transmises par les tiques?

 

Des chercheurs de l’Inra et du CNRS travaillent sur le rôle que peut jouer le paysage dans la survenance des maladies transmises par les tiques à l’homme et au bétail. L’objectif ? La mise au point d’un outil de prévision du risque.

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Les paysages ont-ils une influence sur les maladies transmises par les tiques ?

Cinq laboratoires de l’Inra et du CNRS ont lancé en mai 2012 un projet pluridisciplinaire visant à comprendre le rôle du paysage dans l’épidémiologie des maladies transmises par les tiques.

Le programme porte à la fois sur les acariens vecteurs des agents pathogènes et sur les animaux « hôtes ». C’est pourquoi il associe des spécialistes de l’écologie des tiques, des micromammifères et des chevreuils, mais aussi des dynamiciens et généticiens des populations, ainsi que des épidémiologistes.

Vecteur d’agents pathogènes

« L’espèce de tique la plus répandue fait trois repas sanguins durant son existence qui dure de deux à trois ans, explique Olivier Plantard, chargé de recherche à l’Inra. Chaque repas la conduit au stade suivant de son existence : de la larve à la nymphe, puis au stade adulte.

Durant un tel repas de sang qui dure plusieurs jours (environ dix pour la femelle adulte), la tique peut voir son poids multiplié par sept cent. Le problème vient du fait qu’à cette occasion, elle peut ingérer des agents pathogènes qu’elle transmettra au prochain animal hôte sur lequel elle jettera son dévolu, animal qui peut aussi être l’homme.

Cet acarien peut ainsi transmettre, via une bactérie, la maladie de Lyme à l’homme, ainsi que l’anaplasmose et la piroplasmose aux bovins. « C’est l’un des vecteurs d’agents pathogènes les plus importants, bien plus que le moustique« , précise Olivier Plantard.

Bâtir un outil de prévision du risque

Afin d’évaluer les risques liés aux tiques, les scientifiques étudient la densité de ces acariens, les liens avec le type de paysage (taille des haies, distance par rapport à la forêt), les animaux hôtes (micromammifères, chevreuils…) et les agents pathogènes transmis. L’objectif final du projet Oscar est de bâtir un outil de prévision permettant d’identifier les paysages à risques en fonction de telle ou telle variable.

Plusieurs surfaces réparties dans quatre secteurs (cœur de forêt, lisière de forêt, bocage dense, bocage ouvert) de la zone atelier Armorique sont échantillonnées deux fois par an au printemps et à l’automne. Plus de 3.000 tiques ont ainsi été récoltées en 2012.

« Les rongeurs, principalement le Campagnol roussâtre et le Mulot sylvestre, sont des hôtes réservoirs potentiellement importants« , indique Alain Butet, chargé de recherche au CNRS. D’où la mesure de la diversité et de l’abondance de la population de ces espèces. La densité de chevreuils est également mesurée au moyen d’indices kilométriques d’abondance.

Au laboratoire, les tiques, le sang et les organes des rongeurs sont analysés afin de rechercher les éventuels agents pathogènes. La proportion de tiques ou de micromammifères infectés s’élève à 5% pour l’un des agents pathogènes étudié, révèlent les premiers résultats.

Explosion de la maladie de Lyme aux Etats-Unis

Ces derniers montrent aussi que l’abondance des tiques est fortement liée à la présence d’éléments boisés (massifs forestiers, bois larges, haies). Les acariens sont donc logiquement absents des bordures de pâtures où il n’y a pas suffisamment d’arbres.

On pourrait en déduire que les paysages les plus ouverts sont ceux qui présentent le moins de risques sanitaires. Mais la réalité est plus complexe. « La maladie de Lyme a explosé aux Etats-Unis à cause de la fragmentation des espaces forestiers« , explique au contraire Olivier Plantard. La fragmentation du paysage empêcherait l’effet de dilution de la dangerosité de la bactérie du fait de la disparition des mammifères de plus grande taille (cerfs, opossums…), les tiques étant concentrées chez les petits rongeurs. Or, ces « hôtes réservoirs » en abondance peuvent se révéler plus favorables au développement des agents pathogènes, précise Alain Butet.

Le programme de recherche, d’une durée de quatre ans, se révèle toutefois trop récent pour tirer toute conclusion hâtive. Les échantillonnages réalisés les deux premières années seront suivis d’une année de traitement pour une restitution des résultats en 2015. Il sera donc difficile de dire avant cette échéance si la mise au point d’un outil de prévision du risque acarologique est réellement faisable.

Laurent Radisson

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