Vers une annulation de l’arrêté tarifaire éolien ?

 

Un pas a été franchi en direction d’une annulation de l’arrêté de 2008 sur les tarifs français d’achat éoliens. L’avocat général de la Cour de justice de l’UE considère en effet qu’il s’agit d’une « intervention de l’Etat » au sens du droit de l’UE.

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La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a rendu publiques ce matin les conclusions de l’avocat général sur la question posée par le Conseil d’Etat français relative à la nature de l’obligation d’achat de l’électricité produite par les éoliennes à un prix supérieur à celui du marché.

La juridiction française avait sursis à statuer sur un recours de l’association Vent de Colère et onze autres requérants visant à faire annuler l’arrêté du 17 novembre 2008 qui fixe les conditions d’achat de l’électricité d’origine éolienne en France. Elle souhaitait en effet connaître préalablement la position de la CJUE sur le fait de savoir si ce mécanisme devait être considéré comme « une intervention de l’Etat« . L’avocat général, Niilo Jääskinen, répond par l’affirmative à cette question. La décision de la Cour est attendue d’ici septembre ou octobre prochain, mais elle suit, dans la grande majorité des cas, les conclusions de l’avocat général.

Il s’agit bien d’une « intervention de l’Etat »

L’avocat général conclut que le mécanisme français constitue bien une « intervention de l’Etat » au sens du droit de l’UE. Les deux conditions exigées par la jurisprudence de la Cour sont réunies. D’une part, la mesure est bien imputable à l’Etat français, la contribution prélevée auprès des consommateurs finals ayant été instituée par la loi française. D’autre part, il s’agit bien de ressources d’Etat, car les fonds sont alimentés par des contributions obligatoires imposées par une législation nationale et sont gérés et répartis conformément à cette législation. Le fait qu’ils soient administrés par des institutions distinctes de l’autorité publique ne change rien, estime l’avocat général.

Concernant enfin la nature des ressources, ce dernier constate que la charge visant à financer l’obligation d’achat de l’électricité éolienne à un prix supérieur à celui du marché est supportée par tous les consommateurs d’électricité en France, indépendamment du point de savoir s’ils achètent ou non de l’énergie verte. Ainsi, les consommateurs se trouvent dans l’impossibilité d’opter pour ou contre l’achat d’énergie renouvelable. « Ce qui va à l’encontre des règles du marché intérieur libéralisé de l’électricité qui visent à offrir aux consommateurs un choix réel à des prix équitables et concurrentiels« , conclut M. Jääskinen.

Annulation très probable

L’avocat général ne s’est prononcé que sur un seul des quatre critères permettant de définir une « aide d’Etat », la question préjudicielle du Conseil d’Etat se limitant à ce seul point. La qualification définitive de la mesure incombera donc au Conseil d’Etat.

Reste qu’il y a de grandes chances que la Cour aille dans le sens de son avocat général. Or, le Conseil d’Etat s’est déjà prononcé sur les trois autres critères dans sa décision du 15 mai 2012, explique Fabrice Cassin, avocat associé au cabinet CGR Legal. Aussi, « la probabilité que le tarif éolien ne soit pas considéré comme une aide d’Etat s’amenuise considérablement« , alerte France Energie Eolienne (FEE).

Le fait qu’il le soit entraînera l’annulation de l’arrêté par le Conseil d’Etat mais ne signifie pas pour autant remise en cause de l’ensemble du dispositif sur le fond. En effet, la CJUE ne se prononce pas, dans le cadre de cette question préjudicielle, sur la compatibilité de l’aide d’Etat avec le Marché commun. Il est donc envisageable que le système soit reconduit à la condition que l’Etat français notifie cette aide à la Commission et que cette dernière l’autorise.

FEE se dit d’ailleurs convaincue que « le tarif est conforme aux règles européennes étant donné que le système de soutien à l’éolien mis en place par la France suit des lignes directrices données par la Commission ». La notification du nouvel arrêté « devra se faire aux conditions économiques inchangées« , estime également le Syndicat des énergies renouvelables (SER) qui rappelle que, dans sa décision du 15 mai 2012, le Conseil d’Etat avait relevé qu’aucune erreur manifeste d’appréciation n’avait été commise « dans l’évaluation de la rémunération moyenne des capitaux immobilisés dans les installations utilisant l’énergie mécanique du vent« .

Risque de blocage de la filière pendant six à huit mois

En tout état de cause, « la procédure formelle de notification de l’arrêté tarifaire éolien doit être engagée dès aujourd’hui pour éviter que la filière ne soit totalement bloquée », insiste Nicolas Wolff, président de FEE. Le SER formule la même demande afin que « le mécanisme éprouvé de soutien économique à la filière éolienne ne subisse aucune discontinuité dans un contexte par ailleurs déjà difficile« , explique son président Jean-Louis Bal.

En effet, « l’annulation, qui pourrait intervenir en décembre 2013 ou janvier 2014, risque de bloquer la filière pendant six à huit mois, explique Fabrice Cassin, aucun nouveau contrat d’achat ne pouvant être signé avant l’adoption d’un nouvel arrêté interministériel« .

Quant aux contrats existants, qu’en adviendra-t-il en cas d’annulation de l’arrêté ? « Il est envisageable que le Conseil d’Etat précise que l’annulation n’est pas rétroactive. S’il ne le dit pas, c’est au ministre compétent de donner les instructions, explique Fabrice Cassin, mais la force des contrats fait qu’ils devraient être maintenus« .

Laurent Radisson

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