Ségolène Royal rallume la guerre de l’écotaxe

 LE MONDE | | Par

 La ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, Ségolène Royal, dans l'hémicycle de l'Assemblée, le 8 avril.

L’écotaxe poids lourds est-elle morte ? Après deux reports, au 1er juillet puis au 1er octobre 2013, puis une suspension sine die par le premier ministre fin octobre à la suite des violentes manifestations des « bonnets rouges » en Bretagne, les propositions de Ségolène Royal, mardi 15 avril, sont tombées comme un couperet.La nouvelle ministre de l’écologie, qui avait déclaré dès le 5 avril vouloir « remettre à plat les choses », a annoncé, sur BFM TV et RMC, qu’elle voulait cibler « les camions étrangers ne payent rien ». Deux dispositifs sont envisagés : une vignette à la frontière et l’obligation pour ces camions étrangers d’emprunter les autoroutes françaises. Exit donc l’écotaxe, redoutée par les transporteurs et les chargeurs, qui prévoyait de faire payer les camions, français comme étrangers, de plus de 3,5 tonnes pour l’emprunt de quelque 15 000 kilomètres de routes nationales et secondaires.

Les propos de Mme Royal ont choqué les parlementaires chargés depuis décembre 2013 d’une mission sur le devenir de l’écotaxe. Son président, Jean-Paul Chanteguet (Indre, PS), qui devait rendre ses conclusions au gouvernement le 30 avril, ne remettra pas son rapport. Réunis mercredi matin, les parlementaires ont décidé d’auditionner auparavant (début mai) Mme Royal et le ministre de l’économie, Michel Sapin. « Ces auditions sont urgentes : des décisions législatives avaient été prises à l’unanimité par la classe politique, les dispositifs techniques et administratifs retenus doivent aujourd’hui être réexaminés à l’aune des nouvelles déclarations », a indiqué au Monde M. Chanteguet.

CONTRAIRE AU DROIT COMMUNAUTAIRE

« Les déclarations de Mme Royal mettent en cause tout le travail que nous avons réalisé », accuse le député Bertrand Pancher (Meuse, UDI). La nouvelle formule de l’écotaxe, rebaptisée « éco-redevance », était prête. Si l’idée de relever le seuil de tonnage des camions à taxer semblait abandonnée, demeuraient les possibilités de régionaliser la taxe (les territoires décidant de l’appliquer ou non), ou d’exonérer certains transports comme les produits agricoles.

Que valent les propositions de Mme Royal ? « Elles n’ont pas été validées juridiquement », tranche M. Pancher. La discrimination entre poids lourds étrangers et français est contraire au droit communautaire et à la circulaire Eurovignette.

« Il n’y a pas discrimination, c’est justement au nom de l’égalité que les camions étrangers devront payer une vignette, eux qui n’achètent pas leur gasoil en France et ne payent pas la taxe intérieure sur les produits pétroliers », se défend Mme Royal. Un argument irrecevable à Bruxelles. « On ne peut mettre en place un système discriminatoire entre Français et étrangers, c’est un principe de base pour les camions comme pour les voitures, a expliqué au Monde Helen Kearns, porte-parole du commissaire européen aux transports. On a ce débat avec l’Allemagne qui nous a soumis plusieurs scénarios pour taxer les voitures d’étrangers : on leur a dit non. »

COLÈRE DES ÉLUS LOCAUX

En obligeant les poids lourds étrangers à emprunter les autoroutes françaises, Mme Royal espère mettre à contribution les sociétés d’autoroutes pour financer les infrastructures de transports. « Leurs profits seront à prendre en compte : 2 milliards d’euros de bénéfice », estime-t-elle.

La circonspection est de mise au secrétariat d’état aux transports. « Il y a un contrat engageant l’Etat avec des clauses précises sur l’indemnisation d’Ecomouv , soit 800 millions d’euros ; et l’écotaxe devait contribuer à hauteur de 800 millions d’euros annuels aux projets de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France, rappelle le secrétaire d’état Frédéric Cuvillier. Pour que l’écotaxe soit abandonnée, il faut que Bercy soit d’accord et trouve 1,6 milliard de substitution. »

Ce manque à gagner contraint à l’abandon ou au retard de projets d’infrastructures de transport : lignes à grande vitesse, contournements de villes, route Centre-Europe-Atlantique, et de dossiers de transports urbains durables comme des tramways. Les élus locaux sont furieux.

A contrario, la Fédération nationale des transports routiers (FNTR), se réjouit de ce qu’elle estime être un abandon de l’écotaxe. « Ces propos n’engageant que la ministre, nous demandons une clarification urgente de la part du chef du gouvernement », fait valoir Nicolas Paulissen, délégué général de la FNTR. Exigence partagée par Ecomouv qui rappelle que 250 salariés sont employés pour l’écotaxe, que 150 portiques sont installés et 230 000 poids lourds équipés pour un dispositif plus que jamais menacé.

 Rémi Barroux
Journaliste au Monde

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