“nous parlons d’une Europe qui agit, concrètement, pour le développement de nos territoires”

C’était le 7 avril en séance plénière. Je rapportais les orientations des fonds européens pour le développement agricole et rural pour la période 2104-202O pour lesquels la Région devient autorité de gestion. Citation extraite à dessein pour provoquer.. en ces temps où l’Europe est promise à jouer le rôle de bouc-émissaire de nos lâchetés et de nos impuissances…

” Nous avons la chance de vivre dans une région où l’agriculture continue à peser : occupant 66% du total des surfaces de notre territoire, dont un tiers demeurant en prairies, avec 11 000 exploitations, dans lesquelles travaillent 23 000 personnes – représentant 15 000 ETP. 30% des exploitations ont cependant disparu depuis 10 ans.

Dans la même période, si la consommation de terres agricoles est moins forte qu’au plan national, nous avons perdu 20 000 hectares, pratiquement que des prairies, représentant un peu moins de 3% du total des surfaces.

Notre région, qui reste très agricole, est aussi très urbanisée et très artificialisée. Ce paradoxe apparent signifie que notre agriculture est proche des villes, avec près de 60 % des exploitations qui se situent en aire urbaine, mais seulement 12% des producteurs qui commercialisent en circuits courts.

Compte tenu des nouvelles responsabilités de gestion conférées par l’Etat aux Régions, nous avons donc mis beaucoup de soin à élaborer le Programme de Développement Rural (le PDR) dont je vais vous résumer les principales orientations.

Nous nous sommes efforcés de saisir toutes les opportunités offertes par l’augmentation très conséquente des fonds décentralisés, par les mesures européennes de verdissement, par la marge de manœuvre qui est offerte aux autorités de gestion afin de prendre en compte au mieux les spécificités de leurs territoires.

Avant d’y revenir, vous me permettrez deux remarques :

–        la première est politique : à la veille des prochaines élections européennes, il ne me semble pas superflu de saisir cette occasion pour faire la pédagogie de l’Europe, et rappeler que ces instruments de politique régionale et de cohésion et de politiques communes sont avant tout des outils de régulation économique, sociale et environnementale. Loin de certaines caricatures, nous parlons d’une Europe qui agit, concrètement, pour le développement de nos territoires. Bien sûr la PAC n’est pas encore suffisamment verte et continue à trop soutenir les grandes productions exportatrices en comparaison des aides aux systèmes vivriers. Mais son principe n’est pas contestable. Sa disparition aurait des conséquences catastrophiques pour la masse des exploitations familiales qui font le tissu rural auquel nos concitoyen-ne-s sont à juste raison très attachés.

L’époque étant propice aux vœux pieux… j’en formulerai donc un : chers collègues, débattons de l’avenir de l’Europe mais SVP, appuyez sur le bouton pause, cessez de faire de l’Europe le bouc émissaire de toutes nos difficultés, le cache-sexe de nos propres et hexagonales  impuissances et indécisions.

–        La seconde pour mentionner que ces fonds européens FEADER, qui sont la deuxième composante de la politique agricole commune, la PAC, ne soutiennent pas seulement le développement agricole mais aussi, cela mérite d’être souligné, le développement rural dans son ensemble . Dans notre région, pour la période 2104-2020, nous pourrons ainsi mobiliser environ 20% de la maquette totale pour soutenir des projets de territoires LEADER, pour développer des services de proximité, l’innovation sociale, le tourisme rural et durable.

Ainsi que vous avez pu le constater à la lecture du rapport, le Programme de Développement Rural (PDR) 2014 – 2020 sera sensiblement différent de celui de la période antérieure.

En cohérence avec les nouveaux objectifs de la loi d’avenir pour l’agriculture et la forêt (LOAF) qui sera, on l’attend, très prochainement adoptée, le gouvernement a décidé d’accompagner la délégation d’autorité de gestion d’un surcroît de déconcentration des fonds.

Pour la période 2014-2020 la Haute-Normandie pourra ainsi mobiliser 104 millions d’euros de FEADER là ou elle pouvait en mobiliser, à périmètre comparable (y compris le transfert des aides à l’agriculture bio du 1er au 2 ème pilier) 51 millions dans le précédent programme.

Il est à noter qu’en comparaison des autres régions de l’hexagone, à l’issue de calculs complexes qui intègrent les caractéristiques mais aussi les handicaps spécifiques des régions, notamment de montagne, notre région tire son épingle du jeu et se retrouve, avec la Basse-Normandie et les Pays de la Loire, dans le top 3 des Régions qui bénéficieront de plus du double des crédits qui leur avaient été alloués.

Dans le même esprit, le Ministre a souhaité octroyer à l’autorité de gestion une marge de manœuvre accrue.

Notre PDR est bien sur inspiré et cadré par les grandes orientations européennes. Il s’inscrit dans la stratégie Europe 2020, une stratégie dite de croissance intelligente, durable et inclusive. Cette stratégie prescrit une mobilisation d’au moins 32% des fonds pour des mesures favorables au climat et à la biodiversité, et la maquette qui a été finalisée ces derniers jours respecte rigoureusement cette équation.

Il reste bien sur à faire vivre cette politique en nous appuyant sur les outils de gestion destinés à contrôler les progrès accomplis tout au long de la période de programmation. Mais je crois, au vu des caractéristiques historiques de notre région, qu’il convient d’apprécier à sa juste mesure cette obligation de moyens.

Notre PDR est bien entendu le résultat d’un travail collaboratif entre la Région, les précieuses compétences des services de l’Etat, la profession agricole dans sa diversité, et tous les acteurs privés et publics du développement local et rural.

Nous avons bénéficié des concertations menées en parallèle tout au long de 2013 sur des volets spécifiques : l’installation agricole, l’ambition bio, les industries agro-alimentaires, la stratégie régionale bois et forêts…

Nous avons retenu cinq besoins régionaux prioritaires, qui sont eux mêmes déclinés en 16 mesures. Les cinq besoins sont décrits dans le rapport :

–        Le soutien à l’élevage, prioritairement bovin laitier herbager . Alors qu’approche l’échéance de la fin des quotas laitiers prévue en 2015, il s’agit de faire effet levier, de préserver et renforcer la viabilité économique de ces systèmes qui sont à la fois les plus pourvoyeurs d’emploi agricole et les plus favorables à l’environnement. La résilience de ces exploitations sera particulièrement soutenue pour réduire leurs charges d’intrants fertilisants, phytosanitaires, alimentaires. Le développement de petits élevages de diversification pourra également faire l’objet de soutiens afin d’accroître la valeur ajoutée d’exploitations trop spécialisées. Environ 14 millions seront mobilisables à cet effet.

–        La transition énergétique et la mutation écologique seront incitées, avec de fortes incitations aux approches intégrées de l’agro-écologie qui sont promues par le programme ministériel « produisons autrement »: des aides très renforcées à la conversion et au maintien en agriculture biologique, qui feront l’objet d’un soutien de 10 millions d’euros, les nouvelles mesures agro-environnementales et climatiques qui mobiliseront plus de 12 millions d’euros, 4 millions aussi pour l’appui à la montée en gamme des produits, à leur transformation et à leur commercialisation en circuits courts.

–        L’installation de nouveaux agriculteurs est cruciale pour le maintien du tissu de fermes qui font le charme de notre région, alors que plus de la moitié des exploitations sont concernées par des départs en retraite dans les 10 ans à venir. Près de 17 millions d’euros pourront être consacrés à l’aide à l’installation des jeunes et de tous types d’agriculteurs, dès que les cadrages nationaux issus de la loi d’avenir seront connus.

–        La qualité paysagère et la biodiversité régionale seront protégées et pourront faire l’objet d’actions de restauration portées par des acteurs du monde rural, agricole ou sylvicole. La gestion et l’exploitation durable de la ressource forestière, le développement de l’agro-foresterie, l’entretien et et la restauration de sites à haute valeur naturelle pourront au total mobiliser un peu plus de 10 millions d’euros.

–        Enfin, je l’ai évoqué en remarque préalable, notre PDR portera une forte ambition de développement rural. Le cadrage européen nous impose de consacrer 5% du montant total de l’enveloppe, pour le soutien au programme Leader. Le double, 10 millions, est inscrit, ce qui permettra d’accompagner les projets mettant en œuvre des stratégies locales cohérentes et innovantes dans 4 ou 5 territoires au lieu de 2 actuellement. De surcroît, le développement rural bénéficiera d’une dizaine de millions supplémentaires fléchés sur le développement de services de proximité, le tourisme rural et durable.

 

Comme vous le savez, pour tenir compte du retard pris notamment lors de la finalisation de l’accord de partenariat, les nouvelles mesures deviendront progressivement opérationnelles dans le courant du second semestre et pour le début de 2015.

Dans l’intervalle, des mesures dites de transition ont été décidées afin de ne pas pénaliser la profession agricole et le monde rural, le principe en est simple et permet de co-financer des actions de la programmation antérieure avec les crédits de 2014-2020.

 

Pour élaborer les contenus de ces politiques nouvelles, la méthode de la Région, cela ne s’est démenti à aucun moment, a été celle du dialogue avec tous.

Cela sera plus encore le cas dans les temps qui viennent, s’agissant de la mutation profonde qui est incontournable, et que nous souhaitons accompagner et impulser avec la conviction qu’elle nous donne obligation d’innover encore plus et de dialoguer plus encore.

 

Chers collègues, en conclusion je souhaite très particulièrement remercier les services de la Région qui ont accompli, et continuent à assumer un travail complexe et considérable, dans des conditions rendues difficiles par les retards et par les incertitudes relatives aux conditions de transfert et à la loi d’avenir.

A l’heure où nous délibérons, je me dois de dire que si nous avons reçu cinq sur cinq le message de l’Etat s’agissant des responsabilités politiques et du volume de travail transféré, si on commence à peine à y voir plus clair s’agissant des conditions juridiques du transfert d’autorité, on reste en revanche en plein brouillard s’agissant du transfert des ressources humaines.

Il ne me semble pas concevable que durent ces tergiversations.

Cela devait être dit. “

crédit photo Loïc Gélard / photothèque Arehn

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