Ségolène Royal et les «jurys citoyens» ? C’est le moment d’en reparler.

Ségolène Royal et les «jurys citoyens» ? C'est le moment d'en reparler.

22 octobre 2006. Alors qu’un sondage vient de montrer que 60 % des Français jugent les dirigeants politiques « plutôt corrompus », la candidate socialiste à l’élection présidentielle avance l’idée d’une « surveillance populaire » des élus : « Il n’y a pas d’évaluation au long cours. Or c’est une demande profonde des Français. C’est pourquoi je pense qu’il faudra clarifier la façon dont les élus pourront rendre compte, à intervalles réguliers, avec des jurys citoyens tirés au sort. » Aussitôt, c’est la bronca. L’ensemble de la classe politique dénonce le « populisme » de la candidate. Certains ironisent sur les « penchants robespierristes du PS », d’autres évoquent « les sans-culottes de 1793 » et « les tribunaux populaires à la Pol Pot et à la Mao Tse-Toung ». Les Français, eux, semblent d’après les sondages plutôt favorables à la proposition de Ségolène Royal…

Pour Yves Sintomer, « les réactions du monde politique témoignent d’une inculture étonnante et d’une profonde méconnaissance de l’histoire de la démocratie et des expériences engagées aujourd’hui dans des pays voisins et dans le monde ». Le tirage au sort remonte en effet à la démocratie athénienne et les jurys citoyens sont d’usage courant depuis une vingtaine d’années un peu partout dans le monde.

Reste que la campagne de S. Royal a montré, selon le politiste Rémi Lefebvre, qu’elle avait davantage « honoré » que « pratiqué » l’idéal de la démocratie participative. Son invocation participe selon lui d’une stratégie de démarquage du personnel politique traditionnel et de son propre parti, dans une tentative d’établir une « relation personnelle avec l’opinion » (« suivez-moi car je me reconnais en vous »). La candidate PS lance bien des forums participatifs (5 000 revendiqués) et un « site Internet participatif », Désirs d’avenir (135 000 contributions annoncées). Mais leur statut est ambigu : la candidate clôt par exemple les forums avec un discours écrit à l’avance. De même, le projet de livre-programme qui devait être coproduit à partir des contributions à Désirs d’avenir s’est arrêté après le troisième chapitre. S. Royal n’a, au final, pas véritablement tranché entre démocratie d’expression (« permettre au plus grand nombre d’entrer dans le débat ») et démocratie d’opinion (mesurer l’opinion pour adapter son offre).

L’affaire des jurys citoyens révèle en tout cas combien la démocratie participative peut être perçue comme un facteur de renouvellement de la démocratie, faire l’objet d’usages stratégiques mais aussi susciter de grandes réticences, particulièrement en France.

A LIRE :

Le Pouvoir au peuple. Jurys citoyens, tirage au sort et démocratie participative
Yves Sintomer, La Découverte, 2007.
• « Opinion et participation. La campagne présidentielle de Ségolène Royal »
Rémi Lefebvre, La Vie des idées, 18 avril 2008.

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