INTERVENTION DE POLITIQUE RÉGIONALE
Céline BRULIN – Groupe Front de Gauche
Séance plénière du 13 octobre 2014
Conseil régional de Haute-Normandie
Monsieur le Président, Chers collègues,
Permettez-moi de dire ici, la colère des élus de notre groupe. Elle est aussi grande que celles de nos concitoyens qui sont appelés à toujours plus d’efforts sans que ceux-ci ne produisent le moindre effet positif.
Aucune perspective de redressement de notre économie à l’horizon. Au contraire, notre pays s’enfonce chaque jour un peu plus et court et à la catastrophe : chômage de masse, pouvoir d’achat anémié, défaillances d’entreprises plus nombreuses à mesure que les carnets de commande se vident, commerces qui ferment en très grand nombre dans nos communes, désindustrialisation qui se poursuit.
Ce que vivent nos concitoyens, notre collectivité le subit aussi. Elle a vu ses recettes fiscales diminuer de 15 % à cause de la réforme de la fiscalité locale des entreprises initiée par la droite, après avoir subit le gel des concours de l’Etat.
Mais cette orientation initiée par la droite est aujourd’hui amplifiée, aggravée par le gouvernement.
Notre collectivité a ainsi vu sa DGF reculer de 5,6 millions d’euros en 2014 dans le cadre du pacte improprement appelé « de confiance et de responsabilité ».Comment avoir en effet confiance dans un Etat qui réduit ainsi les dotations de collectivités qui ne sont en rien la cause des déficits et de la dette de notre pays.
Et en quoi est-il responsable dans le contexte économique que nous connaissons de plomber ainsi les investissements des collectivités qui assurent 70 % des investissements publics ?
11 milliards de baisse de dotation sont à présent annoncées, ce qui se traduira par 11,2 millions d’euros de moins pour la seule collectivité régionale.
Et nous ne partageons pas votre analyse selon laquelle « l’argent public serait devenu rare ».
La dette, les déficits de notre pays ont été abondamment creusés par la politique de droite, généreuse avec les plus riches. Rappelez-vous, « le président des riches » et ses quelques ministres qui siègent où ont siégé sur ces bancs, celui qui, paraît-il a changé …
Mais le gouvernement actuel poursuit dans la voie de prendre à ceux qui ont peu pour donner à ceux qui n’en ont pourtant pas besoin. Le pacte de confiance et de responsabilité, c’est pour financer le CICE. Et une enquête INSEE indique qu’au moins 1/3 des entreprises en ont profité pour améliorer leurs marges mais ni pour l’investissement ni pour l’emploi.
Notre collectivité devrait exiger de connaître les montants de crédits d’impôts perçus par les plus grandes entreprises de notre territoire. Etre chef de file de l’action économique c’est avoir un droit de regard sur l’utilisation des fonds publics dans ce domaine. C’est aussi agir pour qu’ils aillent vers les entreprises qui en ont réellement besoin, pas vers celles qui cassent l’emploi.
Le budget de super-austérité, préparé au plan national, qui prévoit d’assécher comme jamais les moyens des collectivités se double d’une réforme territoriale qui risque d’être destructrice pour nos territoires.
Je passe sur la méthode qui sépare le débat sur les périmètres de celui sur les compétences. Je passe sur les annonces suivies de contre-annonces, revirements et autres incohérences, qui suffisent à disqualifier le gouvernement sur ce qu’il considère pourtant comme la mère de ses réformes.
Cette réforme territoriale est, là-encore, dans la droite ligne de celle initiée en 2010. Elle risque, comme la précédente, de conjuguer l’accroissement des inégalités territoriales au renforcement des inégalités sociales, que nous constatons actuellement. Un cocktail explosif pour nos territoires et pour tous ceux qui – dans leur diversité – se débattent pour les faire vivre et les développer.
Pourquoi relayer les discours convenus sur le prétendu millefeuilles dispendieux quand nous savons particulièrement ici combien les financements croisés ont eu un effet de levier pour l’investissement. Je ne vais pas énumérer les équipements sportifs, culturels, les structures d’accueil pour personnes âgées ou handicapées, les maisons de santé….. qu’ils nous ont permis de financer pour répondre aux besoins des Haut-Normands.
Pourquoi se soumettre à une logique dont tout montre qu’elle nous mène à l’échec. Vous avez affirmé, Monsieur le Président, ne vouloir ni augmenter les impôts des Hauts-Normands, en tout cas pour ce qu’il reste de leviers en la matière pour notre collectivité, ni faiblir sur les investissements, ce que nous partageons.
Il ne resterait, dès lors qu’à recourir à l’emprunt et notre collectivité est en situation de le faire.
Mais n’y a-t-il pas un vrai paradoxe à endetter, certes raisonnablement, notre collectivité pour contribuer au désendettement de la France ?
Il existe une autre voie. Et nous vous invitons à la prendre comme le font de plus en plus de vos collègues. Celle d’exiger une autre politique pour notre pays, une politique qui renoue avec les valeurs qui nous sont communes – du moins je crois – les valeurs de gauche.
Celle d’aller chercher de nouvelles ressources pour financer nos infrastructures de transports par exemple, à l’inverse du nouveau renoncement auquel nous venons d’assister sur l’éco-taxe. À l’inverse aussi des tergiversations concernant le versement transport dont les régions ont besoin.
C’est indispensable. Et nous ne partageons pas votre optimisme quant aux contrats de projets en négociation avec l’Etat. Le service public ferroviaire recule dans notre région avec la situation des lignes Paris/Dieppe ou Bréauté/Fécamp ou encore avec le fret ferroviaire qui diminue toujours au profit de la route.
Et nous croyons davantage aux vertus du rapport de forces pour exiger de l’Etat, de RFF ou de la SNCF qu’ils jouent leur rôle qu’à la prime aux bons élèves.
Un syndicaliste, membre du CESER, a utilisé une formule qui me semble appropriée à ce que nous vivons actuellement en indiquant que les mesures développées par la région risquaient de « tomber dans un panier percé » !
C’est en effet, ce qui risque d’arriver des mesures que nous allons adopter aujourd’hui. Je pense à notre stratégie en matière d’agriculture, alors que les orientations européennes visent à la soumettre plus encore au dumping social dont on connaît les ravages dans d’autres secteurs. Je pense à la filière bois, que nous voulons valoriser, quand par ailleurs l’ONF est asphyxié.
C’est aussi ce qui risque de se produire à accepter de prendre en charge toujours plus de missions dévolues à l’Etat sans les moyens financiers de les mener à bien, comme le montrent les orientations budgétaires ou les dispositifs initiés par l’Etat que nous sommes amenés à compléter, je pense à celui concernant l’emploi des seniors, par exemple.