Intervention sur le rapport de la Chambre Régionale des comptes.

 

Le rapport de la Chambre Régionale des Comptes est un acte important, réalisé avec le sérieux et le professionnalisme que l’on reconnaît à cette institution. Nous en avons pris connaissance avec la plus grande attention, en ne perdant cependant pas de vue que, comme tous les rapports de la CRC, celui-ci n’est pas à prendre, sans jeu de mot, « pour argent comptant » puisqu’il s’agit d’analyses et de recommandations certes techniques mais prises sous le prisme d’un modèle libéral basé sur un certain type, une certaine conception de gestion.

Tout ce qui va dans ce sens est donc considéré de fait par la Chambre comme correct ou souhaitable, tout ce qui va dans un autre sens est considéré de fait comme politiquement incorrect ou potentiellement dangereux. Sauf que dans une démocratie, il n’existe pas, et c’est heureux sinon nous ne vivrions plus en démocratie, qu’un seul courant unique de pensée et d’action.

En effet, et sans vouloir faire offense à la Chambre qui joue dans le cadre des institutions de cette Ve République le rôle qu’on lui a assigné, il convient de se rappeler qu’elle vient en appui technique des politiques libérales qui, par les temps qui courent, encouragent tout ce qui peut être de nature à consolider la rigueur et l’austérité. Or, par les mêmes temps qui courent justement, le modèle libéral est loin de démontrer sa capacité à construire une société juste et apaisée ou à sortir d’une crise économique majeure, d’ailleurs créée de toute pièce par ce même système et modèle libéral.

Chacun aura remarqué que les élus de notre groupe ont la conviction que ce système libéral est malsain et qu’il convient d’en appliquer un autre. Nous mettons donc clairement en garde cette assemblée sur les risques que comporterait l’application au pied de la lettre de cette boussole libérale, à savoir de renforcer la soumission, donc l’impuissance et le fatalisme de l’action politique, reléguée dès lors dans un simple rôle de gestion de la pénurie et des conséquences du modèle libérale dans la vie quotidienne de nos concitoyens et des territoires sur lesquels ils vivent et travaillent.

Au-delà des chiffres, l’enjeu est bien aujourd’hui de redonner des idées et des projets, des perspectives, pour une autre action politique capable de changer la donne et non de l’administrer. Faire de la politique n’est-ce pas agir contre l’adversité et la fatalité, sinon autant devenir expert comptable.

Nous avons donc le devoir il me semble, d’appréhender ce rapport avec une analyse critique et objective, ce qui n’enlève en rien l’utilité de disposer d’outils d’analyse et d’aide à la décision comme celui-ci.

Ce rapport comporte tout d’abord un certain nombre de recommandations pertinentes, d’autant plus que parmi celles-ci figurent des éléments sur lesquels nous sommes souvent revenus, notamment en matière de transparence et de création d’outils d’analyse et de prospective. D’outils d’évaluation. Je vous renvois notamment aux contributions que nous avions versé aux débats en juin 2011 lors de la définition du Plan de consolidation des politiques départementales.

Toute la série de recommandations de la Chambre visant à améliorer le processus de contrôle interne afin d’assurer, je cite, « la qualité et la fiabilité des comptes » ou le renforcement de l’analytique et de la transparence, va donc pour nous dans le bon sens, en y ajoutant peut être le souci de populariser, de simplifier les analyses et données communiquées afin qu’elles soient accessibles et compréhensibles par les citoyens et leurs élus.

Nous avons d’ailleurs pris note avec satisfaction des décisions prises, en réponse à ces recommandations, et notamment l’amélioration du Document d’Orientations Budgétaires ou encore la définition d’un Plan Pluriannuel d’Investissements.

En revanche, ce rapport comporte une autre série de recommandations, clairement destinées à encourager le Département à s’engager dans un vaste plan de rigueur et d’austérité, à partir d’analyses purement gestionnaires et comptables qui nous conduiraient, si toutefois elles étaient appliquées les yeux fermés, à devenir une simple collectivité de relai entre l’Etat et les citoyens, et non plus une collectivité de plein exercice, au plus près des réalités des gens.

Je m’explique.

La question de l’avenir ou du tri dans les politiques dites facultatives préconisé par la Chambre ou encore la question de la gestion de la dette, de la politique de désendettement ou encore la question de la gestion des politiques à caractère social sont, et doivent demeurer, du ressort des élus et de cette assemblée, en fonction des impératifs, de la situation et des besoins de notre territoire et de ses citoyens, et non des questions à appréhender aux seules fins de rentrer dans des ratios supposés de bonne gestion.

De même, considérer que la baisse des investissements publics portée par notre collectivité va dans le bon sens ou qu’elle serait l’une des seules réponses possibles pour régler la situation financière du Département, est pour nous un non sens ou une erreur politique.

En ces temps de crise et considérant la situation économique et sociale du Département et du pays, l’investissement public est, au contraire, un levier essentiel à préserver au service du redressement de la situation économique et de l’emploi. Il concoure à produire les richesses qui à leur tour alimentent les ressources des collectivités.

Nous constatons également à travers les analyses de la CRC ou de la réponse du Président, que la situation du Département qui conduit la Chambre à émettre ses recommandations de gestion, repose en grande partie sur les conséquences des politiques gouvernementales et prétendues réformes successives. Dans sa réponse, le Président confirme notamment le « mauvais coup » porté aux équilibres financiers par la suppression en 2010 de la Taxe Professionnelle. Il établi un lien de cause à effet entre cette suppression et la baisse des investissements.

De même le Président dénonce l’accroissement du poids des dépenses sociales résultant des décisions nationales « imprévisibles » et du contexte social consécutif à la dégradation de la situation économique.

Et encore, nous trouvons que cette partie de l’analyse, pourtant essentielle, est particulièrement minorée. Rien n’est dit sur les transferts de compétence, non ou mal compensés, qui ont clairement plombé la gestion des collectivités en raison des décisions d’un Etat trop pressé à se défausser sur elles de ses propres responsabilités.

Nous aurions donc souhaité, notamment dans la réponse à la Chambre mais, au delà, dans les démarches à organiser en direction du pouvoir politique national, que soient clairement revendiqués les moyens justes et indispensables à allouer à notre collectivité pour conduire ses politiques dans l’intérêt de ses administré. Il arrive un moment où se contenter de regretter les mesures prises dans un langage diplomatique, en tentant d’en gérer les conséquences ne suffit plus.

Ce qui explique notamment le poids de l’endettement, ce n’est pas seulement une partie de l’héritage des politiques départementales hasardeuses ou aventurières conduites ici en d’autres temps, pas plus que les investissements considérables et tellement utiles, donc pleinement assumés par notre majorité, en particulier dans le domaine des routes et des collèges. Non, le poids principal de notre endettement est la conséquence directe des politiques successives mais néanmoins similaires, conduites par les gouvernements qui dépouillent progressivement et méthodiquement les collectivités, en les amputant de leurs moyens d’agir.

Nous savons bien que le pouvoir Sarkozy visait à supprimer les Départements jugés comme des pôles de résistance aux politiques libérales qu’il portait. Nous regrettons que le changement annoncé par son successeur soit resté dans le domaine du slogan de campagne.

Pour nous, le désendettement doit être considéré comme une préoccupation de tous les instants et non comme une priorité impérative, d’autant que sans vouloir minimiser le poids préjudiciable de cet endettement, les charges financières ne représentent que 3 % de nos charges de fonctionnement.

Par ailleurs, l’analyse entre les politiques obligatoires et facultatives doit être appréhendée comme une méthode ou une aide pour obtenir les moyens de fonctionner et non comme une aubaine pour réduire ou supprimer ce qui est considéré comme non obligatoire.

Cela renvoie à la nécessité de défendre la Clause générale de compétence et de préserver les collectivités locales comme des collectivités de plein exercice.

Ce dont nous aspirons tous ici, je n’en doute pas, c’est de nous voir reconnu par les citoyens pour notre utilité, pour notre capacité à agir au service de leur vie quotidienne et de leur avenir. Je ne suis pas certain qu’ils attendent de nous voir décerner des brevets de bonne gestion libérale, ce qui n’enlève en rien notre volonté et notre devoir d’administrer nos collectivités de manière responsable à partir d’une gestion saine.

Posts created 314

Articles similaires

Commencez à saisir votre recherche ci-dessus et pressez Entrée pour rechercher. ESC pour annuler.

Retour en haut