Le vrai visage de Sarkozy

En s'engageant pour l'abrogation de la loi Taubira pour faire plaisir à un public anti-mariage pour tous, le candidat à la présidence de l'UMP est apparu flou et peu sincère, samedi.

C’est dit. Lui président, le mariage pour tous sera abrogé. Au prix de pénibles circonvolutions, Nicolas Sarkozy a fini par lâcher le mot tant attendu: «abrogation». Il en a été aussitôt récompensé par un tonnerre d’applaudissement des militants UMP opposés à la loi Taubira, regroupés sous la bannière de l’association «Sens commun».

En tirera-t-il tous les bénéfices électoraux espérés lors de l’élection à la présidence du parti, le 29 novembre prochain? Pas évident. Car la part de cynisme électoraliste de cette annonce n’a échappé à personne. Surtout pas aux militants dont les acclamations célébraient moins le candidat lui-même que la concession qu’ils venaient de lui arracher.

Comme les deux autres candidats à la présidence du parti, Hervé Mariton et Bruno Le Maire, l’ancien chef de l’Etat planchait samedi, à Paris, devant près de 2 500 personnes, dont beaucoup de jeunes très mobilisés, à l’avant-garde des «Manifs pour tous». Un public exigeant et méfiant. Nettement moins confortable que les sarkolâtres inconditionnels qui peuplent depuis septembre les meetings de l’ex-président.

Devant des militants dociles qui se soumettent avec bonheur à son autorité, Sarkozy peut se permettre de pas prendre clairement position sur l’avenir du mariage gay, question pour laquelle il ne se passionne guère. Il avait cru pouvoir l’évacuer en prenant la posture du rassembleur, soucieux de réconcilier une famille turbulente: élisez-moi, «nous déciderons ensuite», avait-il lancé le 25 septembre dans le Nord, lors de son tout premier meeting. Les adhérents de l’UMP étaient priés de se contenter d’une vague promesse de «réécriture » de la loi Taubira. Il en faut beaucoup plus pour rassurer les veilleurs anti-mariage gay. Forts de puissants relais parmi les hauts responsables de l’UMP, ils s’apprêtent à voter pour Hervé Mariton, seul candidat à s’être engagé sans ambiguïté pour une abrogation pure et simple de la loi Taubira.

Signe d’une réelle inquiétude, Sarkozy a donc fini par parler d’abrogation. Qu’importe le grand flou juridique qui entoure son projet de créer deux contrats de mariage distincts, pour les homos et pour les hétéros. Sarkozy a impérativement besoin d’un triomphe le 29 mai prochain, à l’élection à la présidence du parti. Un leader naturel, un chef incontestable, doit recueillir au moins 80% des suffrages. Au meeting de Sens commun, il s’agissait de faire «rentrer dans l’enclos» les brebis récalcitrantes. Dans Comédie française le récit de sa pénible expérience au cœur de la Sarkozie, l’écrivain Georges-Marc Benamou raconte que Sarkozy utilisait cette élégante expression pour parler, début 2007, des ralliements à sa campagne présidentielle: dans l’enclos, Raffarin; dans l’enclos Pécresse, etc. «Il les comptait comme un maquignon», se souvient Benamou. Le maquignon aurait-il perdu la main?

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