le grand patronat à une attitude de provocation permanente ?

delo.jpgApprenez le hongrois

« Köszönöm » (merci en hongrois). Les ouvriers de l’équipementier Bosal, qui produit des pots d’échappement à Annezin, dans le Pas-de-Calais, sont priés de se mettre au plus vite à l’apprentissage de la langue magyare pour aller exprimer leur gratitude aux dirigeants de Bosal Autoflex Hongrie de les accueillir et de leur offrir un salaire mensuel de 425 euros. Ces salariés liés par un contrat de travail permanent dans l’usine française n’auront dans un premier temps qu’un CDD, le temps sans doute que les cadres locaux constatent leurs progrès linguistiques, car ils ont été prévenus, au cas où ils n’y auraient pas songé : sur ces rives du beau Danube bleu, la langue utilisée, c’est le hongrois. On atteind dans cette affaire le summum du cynisme d’un certain patronat. En réalité, la direction ne croit pas sérieusement que des ouvriers, qui ont leur famille, leur maison, leur vie dans la région, vont facilement s’expatrier en perdant au passage plus de la moitié de leur salaire. Mais, la loi l’obligeant à présenter d’autres contrats aux salariés dont elle se débarrasse, alors pourquoi pas la Hongrie ? Ce n’est pas la première fois que des salariés se voient offrir un long voyage et quelques centaines d’euros. Au-delà de la désinvolture et du mépris qu’elle traduit, ce genre de proposition présente la mondialisation sous l’aspect d’une concurrence des ouvriers entre eux, c’est à qui se fera le plus exploiter. Cette présentation du « meilleur des mondes » a pour les capitalistes l’avantage de maintenir les travailleurs sous pression en matière de salaires. Le message est clair : ne soyez pas trop exigeants, le monde des bas salaires est à nos portes. La France et la Hongrie sont deux États membres de l’Union européenne. Lorsqu’en 2004 Budapest et neuf autres pays européens firent leur entrée dans l’Union, la population hongroise espérait une harmonisation vers le haut des salaires. Il eût fallu pour cela que les traités européens, marqués du sceau du libéralisme, fussent modifiés dans ce sens. Or, le projet de constitution européenne, rejeté par les Français et les Néerlandais, et le projet de traité de Lisbonne, rejeté par les Irlandais, encouragent la course au moins-disant social. En maintenant de fortes inégalités en Europe, on favorise le chantage à la baisse des salaires et à la dégradation des protections sociales. Ce faisant, on désespère les peuples d’Europe du projet européen, on encourage le repli sur soi face à une Union européenne vécue comme une machine à imposer la régression sociale. Comment s’étonner alors que les couches populaires aient déserté les bureaux de vote lors des élections européennes et que les pays de l’Est aient enregistré des records d’abstention, à la hauteur évidemment des espérances déçues ? La partie n’est pas définitivement perdue pour ceux qui ont une autre ambition européennel, une Europe sociale prenant le pas sur l’Europe du libéralisme. À quoi joue le grand patronat avec une attitude de provocation permanente ? Chez Aubade, qu’il veut délocaliser en Tunisie, la consultation statutaire des élus du personnel est bâclée au point que la justice suspende le plan social ; chez Servissair, le patron ne veut lâcher qu’une aumône de 3 000 euros pour solde de tout compte aux salariés jetés à la rue ;

Bosal ose l’improbable expatriation en Hongrie pour les magasiniers d’Annezin…. En frappant secteur par secteur avec une brutalité inouïe, il veut imposer des défaites et semer du désespoir. Se rassembler est pour le monde du travail le meilleur antidote.

logovdn.gif Hier, des salariés licenciés ont forcé la porte de Bosal : pour remettre dans les mains du DRH des dossiers qu'on leur demandait de déposer chez le vigile. L'incident est révélateur du climat de tension qui continue à régner alors que le plan de reclassement se met en place et que le comité d'entreprise doit se réunir ce matin.

Dans la lettre recommandée adressée à des magasiniers pour leur proposer un poste en Hongrie pour 425 E par mois, la direction des ressources humaines accordait un délai de trois jours pour répondre. Pôle Emploi, qui a tenu deux réunions à la salle des fêtes d'Annezin sur les contrats de reclassement personnalisés (CRP) octroie trois semaines de réflexion. « C'est le délai légal », indique Fabien Manouvrier, directeur territorial adjoint pour l'Artois. « D'ici-là, il ne se passera rien. » Officiellement, Pôle Emploi ignore combien de salariés il aura à reclasser (probablement 298, le cas des salariés protégés n'étant pas encore tranché), et combien accepteront le contrat personnalisé. Dès que les lettres de licenciement seront parvenues à leurs destinataires, « le plus urgent sera l'ouverture des dossiers d'indemnisation », indique Fabien Manouvrier.

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Ensuite, l'accompagnement se mettra en place. Ou il continuera à se faire puisque Audrey Suing, conseillère CRP) s'était déjà rendue à la salle des fêtes d'Annezin pour expliquer les conditions d'un contrat de reclassement personnalisé, et elle y reviendra demain ainsi qu'après-demain. Altedia, dont la présence a désormais été déclarée indésirable par la municipalité annezinoise (lire ci-dessous), a mené une démarche similaire.

Chaque salarié licencié devra se présenter dans son agence locale (Béthune s'il habite Annezin, Bruay pour les Calonnois, Noeux-les-Mines pour les Labourois, etc.). Il y sera suivi par un conseiller chargé de l'accompagnement d'une trentaine de personnes au maximum. « L'objectif, » résume Emmanuelle Camberlin, animatrice d'équipe « c'est de trouver un CDD ou un CDI le plus rapidement possible. En les aidant à cibler un nouvel emploi en fonction de ce qu'ils savent, de ce qu'ils aiment et de ce qu'ils se sentent capables de faire. » Cela peut passer par une formation payée par Pôle Emploi. Dans les métiers courants, car «  il n'y a pas de formation de pilote d'hélicoptère pour tout le monde. » •

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