Femmes, mères et retraitées
La rentrée sociale se dessine au coeur de l’été. Après avoir lancé le débat sur la réduction des « niches fiscales » en se gardant de préciser lesquelles (ceux des détenteurs des grandes fortunes qui « investissent » dans des PME pour échapper à l’ISF ou les demi-parts supplémentaires accordées aux invalides, ou encore la prime pour l’emploi ?), le gouvernement vient de lancer, en guise de ballon d’essai, un missile contre les mères salariées du privé. Au nom de l’égalité entre les sexes !
M. Darcos vient de faire une découverte étonnante : dans notre pays les femmes salariées ayant mis au monde et élevé des enfants, qui parfois ont dû interrompre leur parcours professionnel, qui souvent n’ont pas pu accomplir la même carrière que leurs collègues masculins plus disponibles selon les critères du management capitaliste, seraient indûment avantagées quand vient l’heure de la retraite. Le gain d’une ou deux annuités auquel elles ont droit serait un facteur d’inégalité au détriment des hommes. Décidément, ce gouvernement est digne de figurer dans le livre des records du cynisme et du mépris. Il se surpasse lui-même quand on croit qu’il a atteint un sommet indépassable !
Il faut avoir un aplomb sans égal pour oser utiliser les données fournies par la Haute Autorité de lutte contre les discriminations (HALDE) sur les inégalités entre les sexes pour avancer une proposition aussi renversante. La conquête de l’égalité entre hommes et femmes sur le lieu de travail et dans la société est un vaste chantier dans lequel les bras et les énergies manquent terriblement. Le combat engagé par Olympe de Gouges il y a plus de deux siècles et poursuivi jusqu’à aujourd’hui par le mouvement féministe n’a pas encore abattu toutes les bastilles. Que constate également la HALDE, comme tout observateur sérieux ? Qu’à responsabilité égale, les femmes gagnent en moyenne 27 % de moins que leurs collègues hommes, qu’elles sont bien moins nombreuses aux fonctions dirigeantes. Elles sont souvent les premières licenciées. Plus de huit emplois précaires sur dix sont occupés par une femme. Le mythe du salaire d’appoint a la vie dure. Loin d’être un avantage par rapport aux hommes, les annuités accordées pour avoir élevé ses enfants ne sont qu’une légère compensation dans un contexte général d’inégalité. Un jour viendra… où tout cela se conjuguera au passé. Nous n’en sommes pas là, et il ne faut guère compter sur la droite pour brûler les étapes.
Comme à son habitude, le gouvernement croit pouvoir tabler sur les divisions qu’il va tenter de susciter entre les pères et les mères qui ont tous élevé leurs enfants, entre les salariées du public et celles du privé dont le calcul de la pension de retraite est plus pingre…
Il y a là un piège dans lequel les femmes et les hommes du monde du travail risqueraient gros s’ils s’y laissaient prendre. Nous n’avons pas la mémoire courte : la droite est toujours parvenue à ses fins en matière de régression sur les retraites chaque fois que le venin de la division et du chacun pour soi a pu polluer le débat. En 2007, la démagogie, développée par le pouvoir et complaisamment relayée dans les médias sur les « régimes spéciaux » visant à isoler une catégorie de travailleurs par rapport à d’autres, a permis au gouvernement de marquer un point contre notre système de retraite. Et tous les salariés sont concernés. Une salve contre les cheminots, puis contre les fonctionnaires, aujourd’hui contre les mères de famille, et à chaque épisode, on aligne par le bas. Ce serait un leurre que de se laisser enfumer dans ce faux débat, à tonalité prétendument « égalitaire », et de laisser ainsi occulter la source des profits financiers.