Pizzas et dimanches
C’est reparti ou ça repart, nous dit-on. Mais on a l’impression que le monde du capital n’a rien compris, rien appris. Qu’est-ce qui repart, d’ailleurs ? Les bonus fous, c’est clair. Aux États-Unis, Goldman Sachs promet 20 milliards de dollars à ses salariés pour 2009. On sait ce qu’il en est en France pour BNP Paribas avec 1 milliard d’euros annoncés. BNP Paribas, qui, soit dit en passant, avait distribué, en 2007, 112 millions d’euros à ses dix salariés les mieux payés. Une somme, il est vrai, ramenée à 50 millions d’euros en 2008, mais au moment même où la banque recevait 5,1 milliards d’argent public. Qu’est-ce qui repart encore ? La Bourse, semble-t-il, le CAC 40. C’est toujours incertain mais si c’est exact, pour un temps, cela ne signifie qu’une chose. C’est que la rentabilité du capital est progressivement restaurée dans certains secteurs à un prix que les peuples payent cash, en termes d’emplois, de précarité, de bas salaires, de privatisation des services publics. Les bonus ne sont que la part visible et moralement scandaleuse de la grande opération engagée depuis maintenant un an. Il faut sauver les profits, il faut sauver les dividendes.
« Les banques, les dirigeants politiques et l’opinion repartent sur les principes qui ont créé la bulle. Les marchés financiers ne sont pas plus régulés aujourd’hui qu’en 2007. » De qui est ce constat sans concessions ? De Nicolas Baverez, économiste très libéral et membre du comité éthique du MEDEF, mais qui cette fois met en garde avec les accents de Cassandre : « Chacun est prêt à prendre des risques démesurés pour soutenir l’activité au risque d’une nouvelle bulle. Le pire est peut-être devant nous. » Le problème c’est qu’il y a, entre un économiste libéral et les capitaux en quête de rentabilité, une différence majeure. Les économistes veulent une théorie globale. Les capitaux n’ont que faire de la théorie. Ils voient midi à leur porte, et c’est la seule heure qui compte pour chacun.
Les mois passés semblaient avoir réhabilité la décision politique. Mais le fameux G20 de « régulation du capitalisme » n’a strictement rien réglé. Ce n’est pas de l’impuissance. Ce n’est même pas le résultat d’un refus partagé de s’attaquer réellement aux logiques du capitalisme. C’est simplement que le G20 sert et dessine le monde des puissants. La France n’est pas en reste, bien au contraire. Quand il parle au monde, le chef de l’État est un preux chevalier de la moralisation du capitalisme. Mais tous ses choix pour l’Europe comme pour la nation démentent ses propos. Le travail du dimanche, puisque c’est l’actualité, en est une illustration éclatante. Il s’agit, dans la continuité du projet fondamental de Nicolas Sarkozy, d’ouvrir des brèches de plus en plus larges dans le Code du travail. D’araser tout ce qui peut protéger les salariés contre la recherche effrénée de la rentabilité financière. Après la généralisation du travail du dimanche, sans compensations ni contreparties dans les zones touristiques, il est déjà question de sa généralisation en septembre dans ce que l’on a baptisé les « Puces » : les périmètres d’usage de consommation exceptionnelle. Soit les zones comme Plan-de-Campagne près de Marseille, les grandes zones commerciales autour de Paris, de Lille, des grandes villes.
Samedi, les salarié(e)s du BHV manifestaient contre l’ouverture du grand magasin parisien de la rue de Rivoli le 15 août. Comme bien d’autres ils ne veulent pas d’une vie en miettes mais leur mobilisation est aussi un moyen d’agir contre la crise économique. La preuve est faite que l’on ne peut compter sur le capitalisme et ses amis pour mettre le capitalisme en question. Au coeur des vacances, quand le président fait peuple en achetant ses pizzas, la question des rassemblements des salariés, des forces syndicales, des forces porteuses d’autres choix n’est pas un plat réchauffé.
(suite) Travail le dimanche : la guerre est déclarée aux salariés