Licenciés pour l'exemple
Des salariés toulousains des filiales de distribution des deux groupes, tous militants CGT, ont reçu une lettre de licenciement pour s’être mobilisés au printemps. Ils sont des dizaines dans ce cas, syndicalistes qu’on veut bâillonner.
Changeons l’énergie ensemble. Voilà un beau slogan d’EDF. Moyennant quoi, la répression syndicale dans le groupe n’est jamais allée aussi loin. Tout est bon pour criminaliser l’action des salariés fusse en les traitant de voyous, en manipulant les faits, en utilisant des méthodes qui ne sont même pas de police mais d’officines policières, en fichant, en filant, en espionnant, en dénonçant, en choisissant au hasard les salariés que l’on veut sanctionner, licencier.
Et cela, à Toulouse et en Midi-Pyrénées pour leur faire payer une lutte victorieuse au printemps contre une externalisation d’activités qui devait entraîner plus de 500 suppressions d’emplois et la fermeture de plus d’une vingtaine de sites de proximité. Mais c’est dans toute la France qu’EDF s’est engagée dans ce qui ressemble à un bras de fer avec les salariés, leurs syndicats et singulièrement la CGT.
L’enjeu en est clair. EDF est désormais soumise à la recherche de la rentabilité, engagée dans une lutte mondiale entre grands groupes de l’Energie, sa direction, appuyée par l’Etat, entend gérer en éradiquant tout ce qui lui reste de culture de service public.
De ce point de vue et sans que l’on puisse encore en envisager toutes les conséquences, la nomination à sa tête d’Henri Proglio, qui va, en même temps, rester PDG du puissant groupe Véolia et siège dans six autres conseils d’administration est confondante. Mais il n’y pas qu’EDF. Voici quelques mois encore, le chef de l’Etat affectait de n’avoir pas de mots assez durs pour stigmatiser les patrons « voyous ».
Avant l’été déjà, le ton avait changé et ce sont les salariés de Caterpillar, de Continental, de Molex qui étaient dénoncés comme des fauteurs de troubles. Déjà, Nicolas Sarkozy avait entrepris de mobiliser l’électorat de droite dans ce qu’il de plus réactionnaire en opposant à la France « qui travaille et qui souffre » la France qui proteste. Désormais il est entré dans la deuxième phase de son quinquennat avec le côté obscur de la force.
Identité nationale, instrumentalisation éhontée des thèmes de l’immigration et de l’insécurité. C’est de la démagogie électoraliste et c’est plus que cela. Il s’agit de façonner une autre France. La rupture avec le modèle social français, la volonté d’éradiquer l’esprit de mai 68 entendent redessiner les paysages sociaux, idéologiques et symboliques qui ont fait la nation. Mais ce n’est pas seulement par l’effet d’une nostalgie de cette vieille droite française qui hante toujours la droite d’aujourd’hui. L’enjeu c’est la soumission de la démocratie aux lois du capital.
Tout ce qui a été entrepris par Nicolas Sarkozy et son gouvernement va dans ce sens qu’il s’agisse de la réforme de la justice, de la réforme des collectivités territoriales, de celle des universités… La répression syndicale à EDF n’est pas une anecdote ou un accès d’autoritarisme de sa direction. Avec ses 150 000 salariés, avec sa culture, avec ce qui lui reste d’acquis sociaux, EDF reste un puissant pôle d’ancrage et de résistance face à ces projets et si la répression est aussi violente en Midi-Pyrénées, c’est parce que le succès obtenu en mai doit être payé par ceux qui l’ont obtenu. C’est à juste titre que la CGT parle d’un acharnement revanchard. C’est le visage de la nouvelle France que voudrait Nicolas Sarkozy. Il est moche.