Le ton monte à l'Assemblée nationale. Au terme de discussions marathon qui ont duré toute la nuit, le président de la Chambre basse Bernard Accoyer a décidé de suspendre les discussions sur la réforme des retraites, provoquant la fureur des députés de l'opposition.
“Je ne laisserai pas, au travers de petites manoeuvres, l'obstruction, qui est paralysante et dévalorisante pour notre Parlement, se réinstaller”, a lancé Bernard Accoyer devant un hémicycle survolté après une séance ayant commencé la veille à 16 heures avec seulement une heure de pause. Les discussions devaient en effet se poursuivre encore plus de 13 heures avec 165 explications de vote de cinq minutes chacune de la part de l'opposition de gauche, repoussant ainsi à 21 heures le vote solennel à l'Assemblée sur ce texte emblématique du quinquennat de Nicolas Sarkozy, normalement prévu à 15 heures.
“Clarté des débats” (Accoyer)
Il s'est expliqué un peu plus tard dans un communiqué. “Notre règlement a prévu, à l'article 49, alinéa 13, un droit nouveau pour les députés : celui de faire des explications de vote individuelles dans le cadre du temps législatif programmé (…) Le nombre d'inscrits (…) 166, le fait que beaucoup de leurs auteurs se soient déjà longuement exprimés, montrent que [les explications de vote] n'ont d'autre objet que de retarder la fin du débat (…) Parce que j'ai un grand attachement pour nos institutions, je crois de mon devoir d'en assurer le bon fonctionnement (…) En conséquence, pour la bonne organisation de nos travaux et la clarté des débats, je considère en l'espèce que l'article 49, alinéa 13 ne peut pas faire obstacle à une décision de la Conférence [d'organiser le vote à 15 heures, NDLR] et qu'il n'y a donc pas lieu d'en faire une application détournée de son objet.”
Spectacle inédit : les députés de gauche ont alors manifesté dans le palais Bourbon en hurlant “démission”. Accoyer s'est vu qualifier de “putschiste”. Le président du groupe socialiste Jean-Marc Ayrault s'est, quant à lui, exclamé : “Si le président de l'Assemblée nationale maintient son point de vue, les 150 députés inscrits seront interdits de parole. Est-ce que c'est normal dans une démocratie ?” La petite dizaine de députés qui l'entourait a alors approuvé cette déclaration.
“Démocratie !” (opposition)
Déjà, à l'aube, une série d'incidents avait émaillé les débats. Vers 6 h 20, la députée PS Catherine Coutelle a attaqué bille en tête le ministre du Travail Éric Woerth sur la retraite des femmes : “Vous nous avez habitués à mentir. Chez vous cela semble une seconde nature.” Éric Woerth a alors réagi vivement. Des députés PS l'ont accusé d'avoir traité leur collègue Mme Coutelle de “collabo”. “Après les mensonges on passe aux injures, où vous arrêterez-vous, M. le ministre ?”, a lancé Laurence Dumont (PS), demandant en vain des excuses à Éric Woerth. D'autres députés de gauche affirment ne rien avoir entendu.
La tension était encore montée d'un cran juste après 7 heures quand le président de l'Assemblée nationale, Bernard Accoyer, a signifié au groupe PS et apparentés qu'il avait épuisé son temps de parole. Cela voulait dire que les députés PS ne pouvaient plus s'exprimer sur les derniers articles du texte, portant sur l'égalité des retraites hommes/femmes. “Démocratie, démocratie”, ont alors crié les députés de gauche.