Retraites : guerre des chiffres et de positions entre les syndicats et le gouvernement
La journée d'actions contre la réforme des retraites a réuni, hier, de 997.000 (selon la police) à 3 millions de personnes (selon la CGT). Les syndicats jugent leur pari « réussi », le gouvernement s'estime au contraire conforté dans sa fermeté. Une ou deux autres mobilisations auront lieu en octobre.
Des cortèges plus fournis, des mouvements de grèves plus suivis dans le secteur privé, les syndicats parviennent, avec la journée de mobilisation du 23 septembre, à élargir la contestation contre la réforme des retraites du gouvernement.
Cent vingt mille personnes ont défilé à Toulouse, comme à Bordeaux. Ils étaient, selon les syndicats, 220.000 à Marseille et près de 300.000 à Paris, des chiffres supérieurs au 7 septembre. Globalement, les manifestations ont fait le plein hier, lors de la deuxième journée de mobilisation contre la réforme des retraites organisée depuis la rentrée. La CGT annonce plus de 3 millions de manifestants réunis dans 230 cortèges, la CFDT en comptabilise 2,9 millions, plus donc qu’il y a 15 jours. Tous ont noté comme l’a signalé Bernard Van Craeynest, président de la CFE-CGC, « un réel renouvellement des manifestants ». Il n’y que la police pour faire baisser la statistique et comptabiliser 997.000 personnes dans les rues contre 1,12 millions le 7 septembre.
Les défilés, la plupart très dynamiques, ont rassemblé plus de salariés du secteur privé, plus de femmes, plus de jeunes, montrant que les syndicats ont atteint un de leurs objectifs : enraciner la contestation dans le secteur privé et dans des publics pour qui il n’est pas toujours facile de faire grève ou de venir manifester. « C’est quand même un événement que de constater qu'une semaine après le vote à l'Assemblée nationale d'un texte profondément rejeté dans le pays, la première des réactions soit une présence massive dans les rues », a constaté Bernard Thibault, secrétaire général de la CGT. Tandis que François Chérèque, secrétaire général de la CFDT, se targue, tout sourire, d’un « pari gagné ». Pour Pierre Laurent, il est clair que « la rue a parlé et elle est unanime. » Le secrétaire national du Parti communiste estime que « le gouvernement a perdu la bataille de l’opinion ».
L’Elysée n’a pourtant pas manqué de se délecter, tôt dans la matinée, d’une « baisse sensible» du nombre de grévistes dans le secteur public. Les taux de grévistes, qui restent forts, ont effectivement légèrement fléchi. La CGT-cheminots a recensé jeudi 49,85% d’agents en grève contre 51,8% le 7 septembre (37,06% contre 42,9%) pour la direction. Chez les enseignants, le taux s'élève à 55% dans le primaire et 45% dans le secondaire selon la FSU (25,8% pour le ministère). Le nombre de grévistes est en baisse de 5% parmi les postiers (mobilisés tout de même à 30% selon Sud). A pôle Emploi, par contre, l’appel à la grève à mobilisé autant que la dernière fois. Elle a été particulièrement suivie dans le transport aérien avec, en moyenne, 40% d’annulation de vols et jusqu’à 50% à Orly.
Si le président de la République en conclut que les Français « considèrent que tout cela est déjà derrière eux », les leaders syndicaux préviennent Nicolas Sarkozy qu’il vaudrait mieux réviser ce jugement. « Je conseillerai au gouvernement de s’inquiéter », grince jean-Claude Mailly, secrétaire général de FO. Ce 23 septembre rassemble un public plus large que le 7 septembre. Il confirme le basculement de l’opinion publique contre son projet et un ancrage de la contestation dans le secteur privé. Entre 50 et 80% des personnels des six raffineries Total sont, par exemple, en grève, chiffres de la direction. En Isère, quelques 60 entreprises de la métallurgie, de Péchiney à Alcan, en passant par Caterpillar, Citroën, Thales ou Valeo ont observé entre 2 heures et une journée de grève. La CGT du commerce parisien a fait savoir que dans ce secteur la grève a été « plus suivie » que le 7 septembre, chez Monoprix, Tati ou aux Galeries Lafayette notamment. A Paris, une douzaine d’entreprises, du public comme du privé, ont organisé une manifestation pendant le pause déjeuner « parce qu’il n’est pas toujours possible de rejoindre la manifestation parisienne ». Jean-Luc Mélenchon ne s’y est pas trompé : dans le cortège parisien le président du Parti de gauche s’est félicité d’un « mouvement qui s’enracine dans le privé, là où c’est le plus dur de faire grève ».
Les responsables syndicaux tirent donc comme principal enseignement de cette journée que « la contestation grandit », selon les propos de Bernadette Groison, secrétaire générale de la FSU. L’intersyndicale, qui se réunit vendredi matin devrait décider d’une nouvelle journée d’action pour samedi 2 octobre, peut-être décider d’une date supplémentaire quelques jours après, qui prennent en compte l’arrivée du projet de loi au Sénat. La discussion parlementaire devrait commencer le 5 octobre. D’ici là, les salariés sont appelés à se mobiliser, en France, dans le cadre de la journée européenne contre l’austérité organisée par la confédération européenne des syndicats.