Les salariés étaient conviés à une réunion d'information sur l'avenir du site.
Une soixantaine de salariés se sont réunis, hier, pour une réunion d'information. photo M. F.
Il y a ceux qui posent des questions. Ceux qui restent en retrait. Ceux qui secouent la tête d'incrédulité. Ceux qui ont les yeux mouillés. Tous sont droits dans leurs bottes. Tous ont les bras croisés ou les mains fourrées au fond de leurs poches. Ils sont une soixantaine de salariés des Papeteries de Veuze, à l'invitation de la délégation unique du personnel (DUP), à s'être retrouvés pour une réunion d'information à 14 heures, hier.
« On n'en peut plus » À l'entrée du site, dans ce hangar gris, raccord avec les mines, remplis de montagnes de bobines fières et oppressantes, Philippe Lalue (CFDT), Claude Decoux (CGT) et Jacques Laurent (secrétaire DUP et représentant du personnel au tribunal de commerce) résument au micro la situation.
L'unique repreneur Tops Consult s'est retiré, avant-hier, à l'heure où il devait présenter ses propositions aux comités d'entreprise des deux Papeteries Veuze et Saint-Michel (voir notre édition d'hier).
Seul espoir, aujourd'hui, un repreneur américain, Open Gate, qui aurait prêté intérêt à l'unique site de Veuze. « Le président du tribunal de commerce attend un coup de fil ou un courrier attestant de cet intérêt et pourrait demander, lundi au procureur de la République, de poursuivre l'activité encore trois mois pour pouvoir étudier cette offre », explique Philippe Lalue.
« Est-ce que cela veut dire qu'on repart pour trois mois ?, s'élève une voix de l'assemblée. – Si, il y a une proposition, peut-être, oui. – On est des intermittents du spectacle en fait ? – Il ne faut pas croire qu'on est sauvé, prévient Jacques Laurent, mais il y a encore un espoir… » Pas dans les yeux des salariés.
« En 2005 [date du redressement judiciaire, NDLR], se souvient un salarié vieux de 32 ans dans la boîte, c'est passé comme une lettre à la poste. Là ça devient trop dur… – Nerveusement, on n'en peut plus, lâche un groupe formé à côté – Que fait la médecine du travail ?, s'interroge un homme, on n'a aucune aide psychologique, personne à qui parler ! »
« C'est très dur, confirme Philippe Lalue. Moi, lundi j'étais viré, aujourd'hui, je ne le suis plus… » Certains confient que leur famille n'ose même plus leur parler « tellement on est à bout nerveusement et qu'on explose tout le temps. »
« On ne peut rien faire, raconte une autre : un emprunt, prévoir des vacances. Rien n'est possible, on attend… Même nos salaires, on n'est jamais sûr de les toucher… »
« Et les conditions de travail, souligne un salarié de la maintenance. Il faut près de deux mois pour avoir certaines pièces de machine, alors pour de la réparation rapide !
« Il ne faut pas qu'il arrive une grosse panne, sinon tout est fini, prévient son collègue. Pour vous dire, on n'a même plus de savon dans les toilettes, alors des pièces pour réparer… »
Plus de matière première, non plus. « Dimanche matin à 8 heures, la machine numéro 3 s'arrêtera, annonce, grave, la DUP. Mais les salariés doivent rester sur place, du travail leur sera donné, aucun chômage partiel ne sera utilisé. »
Effondrés, énervés, esseulés. À la fin de la réunion, les salariés n'arrivent pas à profiter de la lueur d'espoir qu'offre le groupe américain. Pour eux, le verre est désormais à moitié vide. « Des offres y en a déjà eu, et regardez… », souffle résigné un autre homme, la trentaine.
Lundi, un nouvel acte de l'histoire de leur entreprise sera joué (lire ci-dessous). Au tribunal, le matin. Dans l'usine, à 14 heures, où ils retrouveront le manager de transition, l'homme qui fait office de directeur actuellement, Thibaud de Lisle, pour une nouvelle réunion d'information. La dernière ?
journal sud ouest