Augmenter les salaires si les employés acceptaient que les futurs embauchés soient moins bien payés : la direction de la papeterie Europac (ex-Chapelle d’Arblay) en rêvait, mais la mobilisation de tous l’en a empêché.
Les salariés savent que les négociations annuelles obligatoires sur les salaires ne sont jamais une partie de plaisir face à un patronat soucieux de protéger ses marges et les dividendes des actionnaires. Mais ceux de la papeterie-cartonnerie Europac (ex-Chapelle d’Arblay et ex-Otor Papeterie) de Saint-Étienne-du-Rouvray, près de Rouen, ne s’attendaient pas à ce que leur direction dépasse ainsi les bornes en matière de négociations salariales. Il y a quelques jours les syndicats (CGT et Unsa) de l’entreprise demandaient un rattrapage de 1 % sur les salaires de 2010, arguant une inflation de 1,8 % insuffisamment compensée par une augmentation de 0,8 %. En sus, les syndicats souhaitaient une augmentation pour 2011 de 3 % étalée sur l’année, ainsi qu’une augmentation de la prime de vacances de 75 euros.
Réponse de la direction : oui à une augmentation étalée des salaires (mais pas de la prime de vacances) mais seulement à hauteur de 1,6 %. Et à la condition d’accepter que les futurs embauchés (la pyramide des âges des salariés est élevée dans cette entreprise) le soient avec un indice salarial revu à la baisse. « Près de 500 euros d’écart », s’insurge André-Pierre Terrier, de la CGT de l’entreprise. Certains acquis sociaux obtenus de longue date étaient également retirés aux futurs embauchés. « Les syndicats ont refusé cette régression sociale. Ils ont demandé l’avis aux salariés qui les ont suivis », poursuit le syndicaliste. « On a débrayé deux heures et prévenu l’équipe suivante qui a immédiatement fait savoir qu’elle se mettait elle aussi en grève », ajoute-t-il.
D’abord intransigeante, la direction a accepté de revenir à la table des négociations. En jeu pour le groupe espagnol : l’anticipation de la production et de la livraison de ses clients, avant la fermeture en mai pour près d’un mois, afin d’effectuer de lourdes et coûteuses (près de 20 millions d’euros) transformations sur les machines. Un conflit social aurait donc fait désordre. La direction a finalement reculé : plus question de rétribuer moins les futurs salariés. Mais en plus, les syndicats ont obtenu 2 % d’augmentation de salaire pour 2011, avec possibilité de renégociation à la mi-novembre en cas d’inflation supérieure aux prévisions, ainsi qu’une augmentation de 35 euros de la prime de vacances.
« Il n’était pas question de s’asseoir sur trente-cinq ans de luttes sociales dans l’entreprise », a conclu André-Pierre Terrier, qui retient dans ce conflit la volonté toujours affichée par le patronat de jouer la division entre les salariés, ici entre l’ancienne et la nouvelle génération.
Europac, Une usine presque centenaire
Rachetée en 2008 par le groupe espagnol Europac, un des leaders de l’emballage, la papeterie de Rouen est un des piliers historiques de l’industrie dans la région rouennaise. Créée en 1928, elle compte encore 160 salariés, contre 1 400 il y a trente ans. Le site, installé à Saint-Étienne-du-Rouvray (Seine-Maritime), est spécialisé dans la production de papier pour ondulé léger de 90 g/m2, ce qui requiert un outil spécifique et se révèle être une prouesse technique.