La photocopieuse, c’est son cauchemar. Tiraillé entre présentation impeccable et démarche durable, « l’écolo » de bureau hésite. A sa gauche : un papier à la blancheur étincelante. A sa droite : un papier recyclé à la robe grisée. Pour l’aider, la start-up française Vertaris commercialise désormais des ramettes recyclées dont la qualité serait digne des fibres vierges . « L’acheteur ne doit pas voir la différence, c’est un positionnement haut de gamme et écologique, explique François Vessière, co-fondateur de Vertaris. Au début, les clients étaient un peu perdus. Pour eux, un papier recyclé devait forcément être moche ». L’étonnement passé, la papeterie isèroise distribue désormais ses ramettes immaculées dans les enseignes spécialisées et propose aux imprimeurs une pâte à papier marchande 100 % recyclée. Aussi blanche mais pas moins chère : 950 euros la tonne contre 700 à 900 euros pour une pâte à base de fibres vierges.
L’histoire pourrait s’arrêter là. « Pourrait », car Vertaris ambitionne d’utiliser sa technique de recyclage des papiers pour s’attaquer à un marché très éloigné des photocopieuses : l’isolation de bâtiment. La start-up espère ainsi commercialiser d’ici la fin 2010 sa propre marque de ouate de cellulose. « C’est un très bon isolant. Nous le conditionnons en grand sac de flocons. Ils peuvent être pulvérisés ou déposés en couche épaisse sur le sol. » Papeterie et bâtiment, deux mondes dans lesquels Vertaris prévoit se s’infiltrer grâce à des équipes commerciales distinctes. Comme un écho à l’organisation de sa production. « Il y a des synergies puisqu’on va utiliser dans les deux cas des vieux papiers. Mais ceux-ci seront moins nobles pour la ouate de cellulose que pour le papier blanc », précise François Vessière.
Un management tourné vers l’humain
Derrière ses produits éco-responsables, Vertaris cache un parcours peu commun. Une aventure qui commence en septembre 2008. La hausse des prix des papiers usagés et à la baisse des commandes précipitent alors la chute du papetier Matussière et Forest. François Vessière, vieux routier du secteur, imagine un plan de reprise avec deux anciens salariés du groupe. Le projet porte sur l’unité de Voreppe, l’un des quatre anciens sites industriels de Matussière et Forest. « Nous n’avions pas d’argent et pas de projet pour séduire le financeur. Nous nous sommes dit qu’il nous fallait un business plan original ». Finalement, le papier plus « blanc que blanc » et la ouate de cellulose ont permis au trio dirigeant de réunir près de 23 millions d’euros. Une somme répartie entre des investisseurs privés (Aloe et Demeter), des banques, des collectivités territoriales (3 millions) et un prêt Oseo (6 millions).
De grosses sommes qui n’empêchent pas les fondateurs de Vertaris de placer leur projet dans une démarche « responsable ». D’abord sur un plan écologique avec un site industriel « tout en un ». Mais aussi en mettant l’accent sur la qualité des rapports humains. « Dans la préparation du projet , nous avions proposé aux anciens salariés une transparence de gestion via des échanges quotidiens, explique François Veissier. Aujourd’hui, cet échange est mensuel, mais il s’est prolongé par une charte signé par tous les salariés. Elle repose sur quatre valeurs : le respect, la sincérité d’expression, la loyauté et l’engagement commun ». Un climat « apaisé » dont il reste à vérifier qu’il résistera au temps. Et aux projets de Vertaris. La start-up souhaite notamment se positionner sur la collecte et le trading de vieux papiers. Elle vient d’ailleurs de signer des accords avec les administrations et entreprises de sa région pour récupérer le contenu de leurs corbeilles.