Les compagnies pétrolières financeront à hauteur de 100 millions d'euros une augmentation des déductions fiscales liées aux dépenses de carburants pour certains contribuables. C'est ce qu'a annoncé tout feu tout flamme ce lundi matin la ministre de l'Economie, Christine Lagarde. Ce dispositif très compliqué et qui ne bénéficiera pas à tout le monde aura bien du mal à contrer la hausse des prix des carburants. Voilà pourquoi.
- Le contexte
Le cours du baril de pétrole Brent s'est envolé de plus de 75% depuis août dernier pour dépasser 120 dollars ces derniers jours. Une hausse alimentée entre autres par les tensions sociales et politiques au Moyen-Orient et par la perspective d'une augmentation de la demande japonaise après l'accident nucléaire de Fukushima. Les prix à la pompe en France sont ainsi remontés vers les plus hauts atteints en 2008, le litre de gazole dépassant 1,36 euro et le super sans plomb 98 1,54 euro.
Cette forte hausse a relancé le débat sur la fiscalité des carburants et les moyens dont dispose ou non l'Etat pour amortir l'augmentation de la facture énergétique des ménages. Plusieurs responsables politiques ou syndicaux et des associations de consommateurs ont demandé entre autres le rétablissement de “TIPP flottante”, un mécanisme qui permet de moduler la taxation des produits pétroliers en fonction du niveau des prix hors taxes. Certains ont aussi réclamé une mise à contribution des compagnies pétrolières en arguant du niveau record de leurs bénéfices. Total a publié en février un bénéfice net annuel de 10,3 milliards d'euros.
- Le dispositif
Christine Lagarde et Eric Besson, le ministre de l'Industrie, doivent réunir dans la matinée les représentants de la filière pour faire le point sur les conséquences de la hausse des prix des produits pétroliers et les résultats des discussions ouvertes ces dernières semaines avec les entreprises du secteur. ”Je crois qu'on a un accord à peu près ficelé maintenant”, a dit Christine Lagarde sur France Inter.
“Il consistera pour les compagnies pétrolières à prendre en charge, par le biais d'une taxation, la revalorisation du barème mis en place dans la déduction de frais professionnels pour déplacement”, a-t-elle expliqué. Cette déduction s'applique aux contribuables payant l'impôt sur le revenu qui utilisent leur voiture particulière dans le cadre de leur activité professionnelle. Elle permet de déduire du revenu imposable une partie de ses dépenses de carburants, en appliquant au kilométrage parcouru un barème fixé par l'administration fiscale.
C'est le relèvement de ce barème que financeront donc les pétroliers. La mesure coûtera “plus de 100 millions d'euros” et devrait bénéficier à environ cinq millions de personnes, a dit Christine Lagarde.
- Les critiques
Avant même sa signature, l'accord avec les compagnies pétrolières a été critiqué lundi par Jean-Claude Mailly, le secrétaire général du syndicat Force ouvrière, qui a regretté l'aspect “compliqué” de son application. ”Ça veut dire que c'est une déduction de l'impôt sur le revenu: donc encore faut-il payer l'impôt sur le revenu. Je rappelle que près de 50% des ménages ne le paient pas parce qu'ils sont en dessous du seuil, a-t-il dit sur RTL. Ça a quand même un peu un côté usine à gaz. Le truc le plus simple, c'est que ça figure d'une manière ou d'une autre sur la fiche de paie.”