Le foyer du soldat près du fort de Sainte-Adresse |
Il y a les images d’uniformes, de défilés et de casernes qui donnent une apparence d’ordre dans cette vie de garnison du Havre sous la Troisième République. Des centaines d’hommes restent plusieurs années dans les différentes casernes : Kléber, Eblé… A l’intérieur des forts de Tourneville et de Sainte-Adresse, des jeunes gens vivent plusieurs années. La création de deux foyers du soldat à la charnière du dix-neuvième et du vingtième siècle lève un voile sur la « vie cachée » des militaires de la ville.
C’est l’union anti-alcoolique, une association havraise, qui est à l’origine des « deux salles du drapeau ». Cette « section des dames » contre l’alcoolisme avait voulu créeer ces établissements de tempérance.
La première maison du soldat est créée dans le quartier Saint-François en février 1898, rue Dubocage de Bléville. Elle offre des « boissons non spiritueuses ( bière par exemple), un piano, un billard, des jeux divers ( dominos,cartes…). » L’emplacement de ce foyer n’a certainement pas été choisi au hasard. Saint-François, situé près des bassins, contenait une large gamme de bars et de maisons closes. Le meilleur moyen d’éviter que les soldats y aillent consistait à les détourner de ces lieux. Etait-ce vraiment la morale qui justifiait de les occuper dans ces maisons du drapeau ? Le souci d’avoir des soldats en bonne santé mentale et physique en vue d’une prochaine guerre justifiait plutôt la création de ces établissements.
En 1900, un foyer du soldat est créé près du fort de Sainte-Adresse pour les artilleurs. On sait effectivement qu’il y avait des canons auxquels étaient affectés des soldats dans cette fortification. L’éloignement du fort expliquait ce deuxième établissement. Faut-il aussi y voir un dédain ou un refus des artilleurs de se joindre aux autres unités en ville ? Le foyer du soldat situé à Sanvic comprenait quelques chambres pour des pensionnaires qui pouvaient y loger au mois. On sait assez peu de choses sur la fin de ces deux institutions.
La vie dans les casernes pendant plusieurs années impliquait une forte dose d’ennui pour les jeunes qui effectuaient leur service militaire. L’alcool constituait une sorte de tentative de remède au désoeuvrement. Les nombreux bars du port du Havre proposaient des boissons alcoolisées très fortes qui n’arrangeaient pas la santé des conscrits. L’absinthe n’avait pas encore été interdite par exemple. On remarquera que Le Havre possédait un nombre très important de bars. Ceux-ci ont dû, pendant longtemps, bénéficié de la présence, probablement régulière, des ces militaires tout au long de la Troisième République. De même, il faudrait davantage s’intéresser aux maisons closes havraises dont les affaires semblent être très prospères avant la Seconde Guerre mondiale… On se doute que des centaines de jeunes hommes, présents dans une garnison, souvent loin de chez eux, devaient être tentés de pousser la porte de ce genre d’établissement pour connaître une première expérience. On conçoit que certains quartiers « chauds » du Havre d’avant-guerre ( Saint-François et Notre-Dame) voyaient passer une clientèle très disparate : marins, militaires… Il s’éloigne désormais le temps où ces quartiers abritaient la vie cachée de nos militaires havrais.