Présentation du projet de loi élaboré par l’intersyndicale CGT-CFDT-CFE/CGC de Pétroplus et Thierry Foucaud, vice-président du Sénat

Voici l’introduction à la conférence de presse: Mesdames, Messieurs, Tout en vous remerciant d’avoir bien voulu participer à cette conférence de presse, permettez moi dans un premier temps d’évoquer avec une importance toute particulière la situation de l’entreprise Petroplus, qui a constitué une sorte d’aiguillon, d’élément de motivation quant au dépôt du texte dont nous allons parler.

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 »Petroplus, comme chacun sait, est une raffinerie très anciennement installée sur le site de Petit Couronne puisque l’unité est ici depuis 1929, dans une lointaine époque où la société Jupiter, fondée par la famille Deutsch de La Meurthe et la compagnie anglo néerlandaise Royal Dutch Shell se mettaient d’accord pour constituer ensemble la société des pétroles Shell France. Je ne reviens pas sur la riche et longue histoire ouvrière, de luttes et de combats qui s’est déroulée sur le site de Petit Couronne et qui continue aujourd’hui autant pour la préservation de l’emploi, celle de l’outil de production que pour la défense de l’intérêt national en matière de production industrielle.
Toujours est il que lorsque Shell a décidé de se débarrasser, il y a maintenant environ quatre ans, de trois sites de raffinage implantés en France, elle a laissé tomber dans l’escarcelle de Petroplus le site de Petit Couronne, alors même que la politique de croissance externe menée par ce groupe domicilié en Suisse, dans le paradis fiscal du canton de Zoug, et aidée par des fonds américains pilotés depuis le Texas et, surtout, le Delaware, fragilisait dangereusement tout l’édifice construit autour du métier du raffinage.
Devant la flambée des prix du pétrole et la récession économique des années 2008 et 2009, Petroplus a vu son modèle de développement (croissance marchés internationaux) se fissurer, conduisant à la première fermeture (celle du site anglais de Teesside) et, en bout de course, aux problèmes que nous rencontrons aujourd’hui. Et qui vont mettre un terme à l’activité de raffinage sur l’installation de Reichstett, en Alsace, et risque de provoquer le démantèlement de la raffinerie suisse de Cressier, dans le canton de Neuchâtel. Petroplus France SAS a été placée, depuis peu, sous observation et en procédure de redressement judiciaire. L’aventure boursière de Shell, confortée par la cession de ses raffineries françaises, se porte bien.
Celle de Petroplus, beaucoup moins puisque la baisse du cours de l’action est telle que l’entreprise est devenue parfaitement « opéable » avec tout ce que cela signifie pour les éventuels vautours qui viendraient se repaître de l’entreprise en difficulté. Nul doute que nous ajouterions le coût social de licenciements en masse, de ruptures de contrats de sous traitance et de suppressions d’emplois en cascade, au véritable désastre industriel que constituerait, pour l’ensemble de la vallée de la Seine comme pour l’activité du Port du Havre, la fermeture ou la désaffectation du site de Petit Couronne.
Il est, à mon avis, de la pleine responsabilité de l’Etat, et notamment du Ministère de l’Industrie, du Fonds Stratégique d’Investissements, de maintenir la cohérence industrielle de la Haute Normandie, qui s’est aussi construite sur le raffinage du pétrole et la production de produits dérivés de haute qualité aux multiples applications dans un grand nombre de secteurs d’activité.

Eloigner le centre de production de produits raffinés issus du pétrole de ce que l’on appelle, par exemple, le pôle de compétitivité de la « Cosmetic Valley » constitue le plus sûr moyen de fragiliser l’ensemble des productions intégrées de tout ce secteur industriel. C’est aussi accroître notre dépendance en matière de produits destinés aux travaux publics, le site de Petit Couronne ayant un rôle significatif dans la production de bitumes. Ces préoccupations, issues de la situation Petroplus, sont celles qui animent, au fil de ses articles, notre proposition de loi. Notre pays connaît depuis plusieurs années un déclin prononcé de ses activités industrielles. Faute d’investissements productifs, de volonté politique, de démarche audacieuse de recherche et de développement, par trop cantonnée aux seuls établissements publics, nous connaissons, année après année, une dégradation de notre situation industrielle, faisant de l’importation de produits manufacturés (notamment venus d’autres pays de l’Union européenne) un des facteurs du déficit de plus en plus inquiétant de notre balance commerciale. La seule logique financière, celle du retour sur investissement le plus rapide, qui prime sur toute autre logique industrielle, doit être battue en brèche. Et, pour ce faire, il est essentiel, pour ce qui nous concerne, que les salariés eux-mêmes, bien souvent transformés en spectateurs plus ou moins passifs d’une partie qui se joue sans eux et souvent contre eux, soient mis en situation de peser sur les décisions.
C’est le sens des trois premiers articles de notre proposition de loi. # Le premier précise que la négociation triennale obligatoire pratiquée dans les entreprises de plus de 300 salariés intègrera désormais les questions de stratégie de production, de recherche et de développement, d’innovation dans l’entreprise. # Il s’agit de permettre aux salariés, souvent porteurs de propositions en matière de processus de production, s’interrogeant sur ce qui pourrait améliorer la qualité des produits ou ouvrir des perspectives nouvelles de développement, d’être en situation d’avoir leur mot à dire, leurs propositions à formuler. L’article 2 procède de la même démarche en visant expressément les droits du comité d’entreprise, régulièrement constitué, en principe, dans toutes les entreprises comptant au moins 50 personnes. # L’article 3, enfin, ouvre des droits nouveaux aux salariés et à leurs représentants dès lors qu’est mise en œuvre une procédure collective, indépendamment de sa nature, afin de faire en sorte qu’aux côtés de l’administrateur judiciaire, les salariés soient en situation de formuler des propositions de poursuite et de transformation de l’activité.
Ces trois articles, visant le code du travail, sont évidemment directement inspirés par l’action des salariés de Petroplus comme de la papeterie M Real d’Alizay qui, confrontés au risque de démantèlement ou de fermeture de leur site de production, ont d’ores et déjà formulé des propositions de continuation de l’activité industrielle qui devraient éveiller l’attention et montrent, à tout le moins, que le redressement industriel de notre pays passe aussi par l’implication des salariés dans la gestion des entreprises et le respect dû à leurs suggestions et propositions. Les quatre autres articles de notre proposition de loi ont un caractère plus général sur lequel je souhaite cependant revenir quelque peu. L’article 4 propose de procéder à la pérennisation de la majoration de l’impôt sur les sociétés que le Gouvernement s’est senti obligé de mettre récemment en œuvre. L’objectif, dans cette affaire, est de procéder à une majoration non négligeable des recettes publiques, non pas forcément pour réduire les déficits de manière comptable (tout le monde sait faire, cela ne servirait à rien !) mais pour dégager les moyens de financer des projets industriels innovants, préservant l’emploi et permettant, éventuellement, de développer de nouveaux produits. Pour une raison évidente de symbolique, et pour tenir compte de l’insolente bonne santé financière des sociétés de ce secteur, il est aussi proposé que le taux de la majoration soit relevé pour les sociétés pétrolières. Pour Total, cela correspondrait à une facture de 1 200 millions d’euros, significative, certes, mais ne laissant pas le groupe de M. de Margerie sur la paille ! L’article 5 porte sur une des niches fiscales les moins connues, mais les plus productrices de rendement, qu’on appelle « prix de transfert ». Je ne vais pas entrer dans les subtils arcanes et détails du dispositif mais disons, pour résumer un peu vite, que les prix de transfert constituent l’un des outils d’optimisation fiscale les plus usités par nos groupes à vocation internationale, visant en général, au travers de montages juridiques et fiscaux complexes, à domicilier le plus possible de bénéfices dans des paradis fiscaux et à les limiter là où la pression fiscale est la plus forte. Le jeu consiste, en général, à facturer des coûts de services ou de production dont la réalité est assez peu tangible et s’avère d’autant plus aisé quand lesdits coûts portent sur des éléments immatériels. Mais l’une des autres techniques employées est celle consistant à rapatrier dans le pays le plus fiscalement imposé des produits identiques fabriqués ailleurs, à moindre coût social, environnemental ou fiscal et à faire porter une bonne part du bénéfice sur ce second site de production. Pour prendre l’exemple des produits raffinés, Total commence, depuis plusieurs mois, à faire revenir en France des produits raffinés en Libye, notamment à partir du site de Brega et il existe un accord commercial privilégié entre l’Europe et les Antilles Néerlandaises qui permet à Shell d’inonder l’Union de produits raffinés dans ce qui est et demeure un paradis fiscal… La juste évaluation des prix de transfert, largement perfectible, constitue le plus sûr moyen de pénaliser les processus de délocalisation fiscalement compétitive qui ruinent, aussi, notre industrie. L’article 6, pour sa part, tend à donner sens au principe du visa environnemental que la France, et l’Europe de manière générale, devrait adopter face aux importations de produits ne présentant pas toutes garanties en termes de processus de production, de respect des normes sociales ou environnementales, comme nous pouvons d’ailleurs d’ores et déjà le voir sur certains produits. Enfin, l’article 7 porte sur les cas de cession de sites soumis à autorisation administrative d’exploitation (en clair les installations classées), en vue notamment d’apporter d’utiles précisions au régime amiable de prévention des risques environnementaux. Il s’agit de prendre notamment en compte le fait que les documents d’urbanisme en vigueur dans les communes concernées peuvent clairement intégrer la poursuite d’activités industrielles. Voilà, donc, ainsi décrites, les principales lignes directrices de ce projet de loi »

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